Depuis le 10 mars, grâce au dispositif santé psy étudiant, les étudiants peuvent bénéficier de six séances gratuites chez un psychologue. Nous avons discuté avec des psychologues strasbourgeois qui participent à cette opération. Ils témoignent d'une grande détresse étudiante.
Le gouvernement l'avait promise, une plateforme pour venir en aide aux étudiants en détresse a été créée. Elle s'appelle "santé psy étudiant" et elle existe depuis le 10 mars. Le principe de ce dispositif national est simple. Les étudiants qui ressentent une situation de "mal-être" doivent d'abord aller voir un médecin généraliste ou leur service de santé universitaire pour se faire prescrire des séances chez un psychologue.
Le docteur Aude Rochoux, directrice du service de santé universitaire de Strasbourg explique ce passage obligatoire :"quand on voit les étudiants en consultation, on est capable d'évaluer s'il s'agit simplement d'anxiété ou s'il y a une vraie pathologie. On fait une évaluation de l'état de santé mentale de l'étudiant pour avoir un contrôle dessus." Depuis le début de l'opération, en tout 80 étudiants sont venus au service de santé universitaire pour demander de participer au dispositif. "Il faut que ce soit l'étudiant qui fasse la démarche pour que le suivi psychologique soit efficace." Aude Rochoux ajoute que "l'étudiant choisit lui-même le psychologue parmi les 45 partenaires dans le Bas-Rhin."
Solitude, isolement, angoisse
Les psychologues du programme sont des volontaires. Pour pouvoir s'inscrire, ils doivent exercer depuis au moins trois ans. Parmi eux, cinq psychologues inscrits sur la plateforme parlent tous de difficultés communes aux étudiants qui viennent les voir. Jean-Martin Wild est psychologue à Strasbourg depuis 14 ans et il est habitué à travailler avec des étudiants. Il raconte comment la crise sanitaire les impacte. Globalement, il n'y a pas de profil type, les étudiants viennent de toutes les disciplines et sont de tous âges.
Ce sont des gens à qui on a dit "sois bon à l'école et ça ira". Là, les étudiants ont le sentiment d'être volés et trahis. Le sentiment, qu'il y a une injustice et que la promesse d'une vie étudiante et de la qualité d'un enseignement ne sont pas garantis.
Au-delà de la situation actuelle, Celik Vakkas, psychologue à Strasbourg explique que, "en dehors du Covid, les débuts de schizophrénie et de psychose commencent à cet âge-là. C'est le moment charnière où l'on devient adulte. Donc c'est une période importante où il y a aussi beaucoup de tentatives de suicide." Ayant travaillé comme conseiller d'orientation pendant plusieurs années, le psychologue ajoute qu'il est plus facile de travailler avec un jeune public. "En Allemagne, je travaille avec des populations migrantes et c'est compliqué alors qu'avec les jeunes, on voit des résultats dès la première séance et c'est super motivant."
En tout, chaque étudiant a le droit à six séances de quarante-cinq minutes. Pour Jean-Martin Wild, c'est un nombre de séance raisonnable. "Parfois, il suffit d'une séance pour sortir l'étudiant de l'isolement. En six séances, on peut faire un travail significatif. En général, pendant les trois premières séances on essaye de gérer la situation de crise. Pendant les trois dernières, on tente de consolider l'hygiène psychologique des étudiants en leur donnant des conseils sur le sommeil ou la cohérence cardiaque."
30 euros par séance, est-ce suffisant ?
Entièrement gratuites pour les étudiants, les séances sont payées trente euros les quarante-cinq minutes par l'université. Le tarif est le même partout en France et il émane d’une négociation au niveau national entre la Fédération Française des Psychologues et l’État. Une somme qui reste en dessous du tarif habituellement appliqué par les psychologues. Carmen Metzger est psychologue à Strasbourg depuis 2006, elle a déjà accueilli plusieurs étudiants via le dispositif santé psy étudiant. Elle affirme participer au projet par solidarité mais elle juge le tarif de trente euros "minable et honteux". Elle applique normalement, pour la même durée un tarif de cinquante-cinq euros.
Pour Emmy Fluckiger, psychologue qui participe également au dispositif "financièrement, on ne s'y retrouve pas. Il faudrait que ce soit au même prix que les autres consultations. C'est compliqué car il faut remplir des papiers, ce n'est pas rentable car il y a aussi un temps administratif derrière."
Pour d'autres psychologues comme Claudia Mazuolo qui suit une dizaine d'étudiants grâce au dispositif, le prix n'est pas un problème :"pour moi, tout le monde devrait pouvoir accéder aux psychologues, quelques soient leurs moyens donc ça ne me dérange pas d'être payé trente euros par séance. Surtout que souvent, les psychologues s'adaptent à la situation financière de leur patient en général."
Le dispositif est prévu pour durer jusqu'au 31 décembre 2021. Tous les psychologues interrogés sont favorables à ce qu'une opération de ce type se poursuive. Carmen Metzger affirme que "dans d'autres pays d'Europe, les séances chez le psychologue sont remboursées. Il faudrait qu'en France les séances des étudiants soient remboursés par la sécurité sociale."