Ils sont 300 à souffrir de la cystite interstitielle en France, une maladie rare et très invalidante. Le seul médicament capable de soulager ces patients, l'Elmiron, ne sera plus remboursé ni disponible en France, sur décision ministérielle, à partir du 1er février. Le témoignage de Nathalie Diaz.
Nathalie Diaz, 32 ans, aide-soignante dans une maison de retraite, souffre depuis une douzaine d'années de cystite interstitielle. Cette maladie, qu'il ne faut pas confondre avec la cystite bactérienne classique, touche à 90% les femmes. La cystite interstitielle, appelée aussi syndrome de la vessie douloureuse, se déclare par de très vives douleurs pelviennes et par des envies d'uriner permanentes, de jour comme de nuit. "C’est une maladie atroce, on n’a plus de vie privée ni sociale quand on n’est pas traité. Ce sont des douleurs en permanence qui ne permettent pas de sortir de chez soi", confirme Nathalie.
Une maladie rare, invalidante
Les conséquences, qui découlent de ce manque d'autonomie, sont dramatiques sur tous les plans : professionnel, social, familial. Or, le ministère de la Santé, suivant l'avis de la Haute Autorité de Santé (HAS) et celui du Comité économique des produits de santé, a décidé l'arrêt de la prise en charge du médicament Elmiron, le prix du médicament étant estimé trop élevé au regard du service médical rendu.A partir du 1er février 2020, ce médicament qui permet de traiter 300 patients en France ne sera plus remboursé, ni disponible. Ce qui ne ferait qu'ajouter de la souffrance à la souffrance pour tous ces malades, dont le parcours dans la reconnaissance de leur maladie ressemble le plus souvent à celui du combattant.
"Il a fallu sept ans pour diagnostiquer ma maladie, sept ans d'errance médicale. On a d’abord pris mes douleurs pour des infections urinaires, puis on a confondu ma maladie avec une endométriose. A la suite d'une opération, ce diagnostic a été invalidé, puis on a pris mes douleurs pour des douleurs psychosomatiques. Dans ce centre anti-douleur, j'ai eu la chance d'être prise au sérieux par un médecin qui m'a orienté vers le Pr. Saussine, un médecin urologue du CHU de Strasbourg, qui s’occupe de cette maladie", explique Nathalie Diaz.
Un seul médicament : l'Elmiron
Le verdict tombe alors : Nathalie Diaz souffre d'une cystite interstitielle, de grade 3. A ce stade, cela veut dire que tous les tissus de la vessie sont atteints, ou quasiment. "Chez certains patients l'hydrodistension permet de soulager la douleur., mais pas chez moi, c’est pour ça que le Pr. Saussine a choisi le traitement par Elmiron, et par rien d’autre, le seul qui permet de soulager mes douleurs."Un nouveau chapitre s'ouvre alors dans la vie de Nathalie Diaz : "Depuis que je prends de l’Elmiron, ma vie a changé. Je peux partir en vacances, je n’ai plus de douleur au quotidien. Ça m’arrive d’avoir des crises mais elles sont très courtes. J’ai pu retravailler puisque pendant deux ans, avant d’être diagnostiquée, j’étais en arrêt maladie quasiment tout le temps. Je peux m’occuper de ma fille correctement, ne pas avoir de problème pour m’habiller, ni d'avoir le souci de trouver les toilettes les plus proches en permanence".
Une décision dramatique pour les malades
"Il n’y a pas d’alternative, c’est dramatique pour les malades. Les autres médicaments ça ne marche pas pareil, c’est une situation qui montre qu’on a un fonctionnement des autorités ministérielles défectueux. Il y a très peu de médecins qui s’intéressent à cette pathologie en France, moi je n’aurais pas trouvé anormal, pour prendre une décision comme celle-là, qu’on me sollicite. J’aurais pu les conseiller pour le bien de mes patients. Mais non, ces décisions sont prises et ça vous tombe dessus", explique le Pr. Christian Saussine, chef de service urologie du CHU de Strasbourg.Depuis la décision du ministère de la Santé, l'Elmiron n'est déjà plus disponible, à ce jour, dans certaines pharmacies hospitalières où il était délivré jusqu'à maintenant. On peut le trouver en Allemagne, où le médicament est encore prescrit, mais au prix de 545 euros la boîte mensuelle, non remboursable. "On pourrait y avoir accès dans ce pays avec une ordonnance mais en le payant de notre poche", et ça, Nathalie Diaz ne peut se le permettre.
"Si ce médicament était interdit, je n’aurais plus rien pour me soulager et j’aurais très vite des douleurs insupportables. Je n’ai aucune alternative, la seule solution ce serait du laroxyl à haute dose, un anti-dépresseur qui ne permetrrait plus de travailler ni de conduire ou de l'atarax, un anti-allergique, aux effets secondaires beaucoup trop forts."
Contre le déremboursement de l'Elmiron, une pétition a été mise en ligne par l'association française de la cystite interstitielle. Elle a reçu 500 signataires en deux jours.