Philippe Carli, PDG d'Ebra, plus grand groupe de presse régionale français, a été épinglé pour avoir "aimé" des publications de personnalités d'extrême droite sur les réseaux sociaux. Pour les salariés, le mea-culpa exprimé a posteriori ne suffit pas.
Le président du groupe de presse Ebra, propriétaire de neuf quotidiens régionaux, dont les Dernières Nouvelles d'Alsace (DNA), l'Est Républicain et Vosges Matin, s'est excusé dimanche 26 janvier 2025, d'avoir "aimé" sur le réseau social LinkedIn des publications de personnalités d'extrême droite.
L'article de nos confrères de Médiapart précise que Philippe Carli "aime" de nombreuses publications de l'eurodéputée Reconquête Sarah Knafo, mais aussi de responsables du Rassemblement national ou de micro-partis d'extrême droite.
Le groupe Ebra, propriété du Crédit Mutuel, est dirigé par Philippe Carli depuis 2017. Il a d'abord expliqué que son compte LinkedIn était géré par une autre personne, avant de passer aux excuses. "Oui, ma pratique rapide des réseaux sociaux a été maladroite. J'en suis désolé. Si ma pratique des réseaux sociaux a pu paraître partisane et laisser croire que nos journaux reflètent une opinion politique, je prie nos lecteurs, nos journalistes et nos collaborateurs de m'en excuser", écrit Philippe Carli dans une tribune publiée par les journaux du groupe.
"Le mea-culpa ne suffit pas"
Mais pour les salariés du groupe, le mal est déjà fait. "Le mea-culpa ne nous suffit pas, résume Marie-Sophie Kormann, secrétaire du Comité social d'entreprise (CSE) des DNA, et déléguée syndicale SNJ. Des collègues se sont fait alpaguer sur le terrain par des gens leur demandant s'ils n'avaient pas honte, on est interpelé sur les réseaux."
Des journalistes du groupe Ebra expriment ce lundi 27 janvier, dans une lettre ouverte envoyée à leur direction et dont Radio France a eu copie, leur consternation et leur colère "à l’adresse d’un dirigeant décrédibilisé qui entache [leur] réputation et [leur] travail." Ils appellent le propriétaire du groupe de presse, le Crédit Mutuel, à tirer les conséquences des prises de position de Philippe Carli. "On ne pensait pas toucher le fond aussi vite, dans la même semaine qui avait commencé par le salut nazi d'Elon Musk", déplore Marie-Sophie Kormann.
Dans un communiqué, le Crédit Mutuel, unique actionnaire du groupe, a prévenu qu'"aucune ambigüité ne doit peser ni sur l'indépendance des rédactions, ni sur l'impartialité de l'information que nos 4 millions de lecteurs lisent quotidiennement". Une tentative de sortie par le haut qui ne marche pas. "Le lendemain, on nous impose de diffuser dans nos titres le communiqué de la direction", s'agace Marie-Sophie Kormann.
Quelques jours plus tôt, la CFDT Ebra déplorait la récente campagne de promotion du groupe, une vidéo confiée à Lola Solia, influenceuse, ancienne candidate de la Star Academy. Dans ce clip d'une minute où la chanteuse enchaine des positions surprenantes sur le banc d'un parc urbain, journal en main, une voix off rappelle les missions du groupe. Le syndicat se demande si "les responsables de la mise en ligne [de la vidéo] se rendent bien compte du mal qu'ils ont fait à l'ensemble des salariés du groupe."
Le sujet de cette vidéo apparait à l'ordre du jour du CSE des DNA organisé mardi 28 janvier. "On a ri, car ce clip était très étrange et déconnecté, raconte Marie-Sophie Kormann. Mais on a arrêté de rire quand on a découvert les sympathies problématiques de notre PDG pour l'extrême droite."
Le groupe Ebra édite le Dauphiné libéré, le Bien public, le Journal de Saône-et-Loire, le Progrès, l'Est républicain, le Républicain lorrain, Vosges Matin, l'Alsace et les Dernières nouvelles d'Alsace. 800 000 journaux sont vendus quotidiennement.