Partout en Lorraine dans les villes comme dans les territoires ruraux de Lorraine, des dizaines de milliers d'entreprises vivent un véritable tsunami économique depuis l'arrivée du Coronavirus. Combien de temps les entreprises peuvent-elle "tenir"?
Depuis les mesures de confinement des pans entiers de l'économie sont à l'arrêt total dans toute la région.
Une situation inédite pour de nombreuses entreprises du BTP, de l'industrie, de la confection, du tourisme, du commerce non alimentaire.. La liste n'est pas exhaustive.
Après un état de sidération, les entreprises tentent de s'organiser dans l'attente d'une reprise d'activité. Les organismes paritaires, les chambres consulaires, les syndicats professionnels agissent aussi pour que les entreprises survivent à cette période.
Si l'argent, et notamment les prêts bancaires, ets la priorité absolue pour survivre à la crise, de nombreuses questions se posent sur "l'après".
Quelles seront les conditions d'une reprise de l'activité? Dans quel calendrier? Quelle sera la réalité dans les prochains mois, dans les prochaines années?
Nous avons posé la question à plusieurs acteurs de l'économie lorraine : syndicats patronaux, chambres consulaires, club d'entreprises et biens sûr patrons.
Et voici ce qu'ils disent
Un magasin désert. Sans client. Sans personnel.
C'est le cas du printemps depuis le 16 mars dernier.130 salariés en chômage partiel, des stocks d'invendus et beaucoup de questions sur la perspective d'une reprise d'activité.
Isabelle Toufanie Directrice du Printemps et Présidente de la Fédération des commerçants de Metz dresse un constat sans équivoque sur la catastrophe industrielle que vit le commerce messin.Quand on parle de reprise nous sommes face à de nombreuses inconnues: les consommateurs seront dans quel état d’esprit ? Quelles seront les prirités de chacun. Il faudra entout cas rassurer les salariés et les clients
- Isabelle Toufanie, directrice du Printemps de Metz
Des difficultés financières
Tous les commerces, en tous cas tous les commerces non alimentaires sont impactés avec de nombreuses questions qui ne sont pas réglées.
Celle des baux commerciaux par exemple, hormis pour le parc de la ville ou celui de la métropole, de nombreux baux commerciaux ne sont toujours pas suspendus et c’est un vrai problème pour beaucoup de commerçants. Je dirais même un problème de survie.
Dans cette période il nous paraitrait logique que chaque propriétaire puisse se dire : pas de chiffre d’affaire pas de loyer.
Egalement durant la période confinement les taxes sur la publicité et les terrasses sont suspendues mais là encore il nous semble impératif de les suspendre pour toute l’année.
Ce ne sont que deux exemples mais ils illustrent bien la situation critique dans laquelle se trouvent les commerces à Metz.
Heureusement qu’il y a la reprise par l’Etat des conditions de chômage partiel.
Rien que dans notre magasin 130 personnes sont actuellement au chômage partiel.
Tout cela est est tenable 2 mois, 3 au grand maximum et encore, pour les plus grosses structures.
Dans notre magasin nous avons déjà fait des projections en fonction de nombreux scénarios (la réouverure des écoles par exemple).
Dans l’hypothèse d’une sortie de confinement au bout d’un mois (ce qui est très peu probable ) nous estimons notre perte de chiffre d’affaire entre 60 à 70% par rapport à l’année dernière.''
Une reprise très difficile quoi qu'il arrive
''Quand on parle de reprise nous sommes face à de nombreuses inconnues. D'abord, dans quel état d’esprit seront les consommateurs ? Quelles seront leurs priorités?
Il faudra ensuite rassurer les commerçants, et les clients. Equiper les équipes et les magasins en gels, masques, visières... J'insiste sur les visières qui sont un élément essentiel lorsque l'on travaille dans des magasins et que le relationnel aavec le client est important. Nous travaillons d'ailleurs sur la question des visières avec la ville.
Après la sécurité il y a une autre question de fond: Comment traiter le jour d’après.
Nous n’en sommes pas à nous dire qu’il faudra des grandes animations cet été. En revanche nous espérons une reprise plus forte à partir de l'automne et pour la fin d’année.
On sait que la reprise sera lente et que nous aurons de gros problèmes de stocks avec des invendus donc il faudrait décaler ou rallonger la période des soldes d'été, passer de quatre à 6 semaines au moins pour vendre ce qu’on aura pas vendu en mars, avril, mai..."
Etre prêt
Dans notre magasin nous avons fermé le 16 mars et dès le 20 nous avons pensé à toutes les conditions nécessaires pour être prêts pour la réouverture
Chaque semaine nous faisons le tour du bâtiment, pour faire fonctionner la machinerie par exemple et contrôler que tout sera fonctionnel, prévoir aussi la façon dont nous allons accueillir les clients et les personnels, les sécuriser etc… la check liste est prête
Mais je le répète pour repartir il faudra absolument Ra-ssu-rer
Voilà pour le commerce dans la première ville de Moselle qu'en est-il du tissu des entreprises en Meurthe-et-Moselle?
Là encore la patronne du Medef 54 dresse un constat alarmant sur l'état dans lequel se trouvent de nombreuses si ce n'est la grande majorité des TPE/PME du départementLes entreprises les plus impactées sont les petits commerces et toutes celles qui n'ont pas beaucoup de trésorerie
- Christine Bertrand, Medef 54
Un arrêt brutal et pas ou peu de trésorerie : douple peine pour les TPE/PME
'' Tous les commerces dits non essentiels type coiffeurs, garagistes, magasins de vêtements, qui accueillaient de la clientèle ont arrêté immédiatement leur activité dès le 16 mars.
Egalement dès le lundi 16 au soir la fédération du Bâtiment a demandé à tous ses adhérents de fermer les chantiers car il était impossible de réunir pour les employeurs de respecter les conditions de sécurité, gestes barrières et règles de distanciation…
La majorité des 22 000 entreprises sur le territoire meurthe-et-mosellan sont des petites entreprises (TPE/PME) de moins de vingt équivalents temps plein (ETP), qui n’ont bien souvent pas une très bonne cotation Banque de France, autrement dit leur cotation n’est pas éligible la plupart du temps au Prêt Garanti Etat le PGE qui est assuré à 90% par l’Etat ( via la BPI ) auprès des banques .
Les sociétés plus grosses, celles qui ont de la trésorerie n’ont pas de difficultés à obtenir ces prêts bancaires.
En revanche les entreprises plus modestes, comme les magasins de vêtements par exemple qui étaient déjà en difficulté avant l’épidémie pour de nombreuses raisons ont beaucoup de mal à obtenir des prêts. Alors qu’ils n’ont pas de trésorerie et c’est un vrai motif d’inquiétude.
Même s’il y a des mesures de report de cotisations, de décalage de charges, du chômage partiel pour les salariés, les entreprises doivent néanmoins honorer leurs échéances : rien que pour les cotisations Urssaf par exemple le décalage équivaut en réalité au versement d’un acompte de 80% !
Pour les salaires également, certes il y a des mesures de chômage partiel. Mais il faut savoir qu’avant le 26 mars ce chômage partiel était pris en charge (remboursé) à 100% à hauteur du smic. Et qu’après le 26 mars nous avons appris que les salaires seraient pris en charge jusqu’à à hauteur de 4,6 smic. Très bien et c’est normal. Mais les patrons qui avaient fait leur demande sur la période d’avant le 26 mars n’ont été remboursés qu’à hauteur du smic.
La question qui revient invariablement c'est: omment faire quand rien ne rentre dans les caisses? ''
Des initiatives pour épauler les plus fragiles
'' Dans notre Région Grand Est, à l’initiative du Medef en lien avec la CPME un comité s’est mis en place avec la Fédération Régionale des Banques.
Ce comité qui a démarré le 9 avril a pour mission de porter un regard très attentif sur toutes ces petites entreprises en grande difficulté non éligibles au PGE.
PGE, Fond de solidarité mis en place par les EPCI pour sauver les TPE/PME, Comité de suivi régional avec la Fédération française des Banques , Prêts rebond mis en place par la région Grand Est, prêts atouts… Les aides sont là encore faut-il que les chefs d’entreprises les connaissent et puissent y accéder
C’est l’ensemble des partenaires régionaux qui se mettent au service des entreprises pour les aider dans la crise que nous traversons.
— Jean ROTTNER (@JeanROTTNER) April 9, 2020
Avec @Prefet67 nous coordonnons et animons cette dynamique https://t.co/zJR93oMpUZ
Il faut d'une manière générale faire passer l'information et pas seulement à nos adhérents mais à toutes les entreprises sans exception: des dispositifs existent pour "tenir" coûte que coûte''
Pour les chefs d’entreprises qui ont besoin de faire le point sur l’ensemble de la situation et suivez la page du Medef 54
Redémarrer, oui mais quand et surtout comment?
Notre terreur, aujourd’hui, c’est que de très nombreuses entreprises déposent le bilan, disparaissent dans les villes et dans les territoires ruraux où elles sont absolument indispensables
Christine Bertrand
''Le plus important c’est de mettre nos salariés en sécurité. C’est une évidence.
Mais nous avons besoin de pouvoir redémarrer.
Le 8 avril lors d’une réunion qui s’est tenue –à distance- avec la secrétaire d’état auprès du Ministre de l'Economie et des finances, Agnès Panier-Runacher , le gouvernement nous assuré que d’ici la fin avril le France serait en capacité de fabriquer suffisamment de masques afin d’équiper tous les salariés dans l'hypothèse d'un redémarrage de l’économique.
#COVID19 | ?✂️ L’#industrie textile se mobilise pour produire des masques textile filtrants. La semaine dernière, ce sont 3,9 millions de masques qui ont été produits. La production atteindra 6,6 millions d’unités cette semaine. Exemple dans la Loire?https://t.co/QLIj8jSeWS
— Agnès Pannier-Runacher (@AgnesRunacher) April 9, 2020
Je rappelle qu’un mois de confinement équivaut à une perte de 1,2 % du PIB, 2 mois à 4,4%. Nous sommes d’ores et déjà rentrés en récession avec des prévisions à – 6%...
Il est impératif de créer les conditions d’une reprise d’autant que pour beaucoup d’entreprises qui sont à l’arrêt, avec des salariés en chômage partiels le souci majeur est de ne pas être à l’arrêt total car redémarrer est toujours extrêmement complexe.
Anticiper la reprise oui mais comment?
''En ce qui concerne les relations au travail il est impératif de rester en contact avec les salariés quand ils sont en télétravail pendant le confinement mais aussi de tirer les leçons en terme de modes de management des équipes. Les relations au travail vont évoluer car beaucoup de salariés ont gagné en autonomie dans leur travail et le management va s’adapter.
En ce qui concerne la reprise proprement dite beaucoup de paramètres manquent actuellement pour l'appréhender:
les conditions de sécurité bien sûr, pour les salariés et pour les publics en relation avec nos activités. Mais aussi la vitesse et la force de la reprise alors même que le déconfinement ne sera pas total et que le risque sanitaire sera propbablement présent encore de nombreux mois.
Mais je le répète il est impératif, pour pouvoir être en capacité de reprendre, de pouvoir aider les plus fragiles de nos entreprises à résister à l'arrêt de leur activité.''
Urgence!
"Tourisme, hébergement, restauration... Pour ces secteurs s’il n’y a pas une attention et une aide particulière ce sera dramatique
Fabrice Genter, président de la CCI de Moselle et chef d’entreprise"
Pour Fabrice Genter, patron de la CCI Moselle et 1er vice-président de la CCI Grand Est, chef d'entreprise lui-aussi, nous n'assistons pas à une crise mais à "une catastrophe qui dépasse de très loin le seul cadre économique"
Devant l'urgence tous les acteurs sont mobilisés
'' A la CCI de moselle toutes nos ressources, tous nos moyens sont mobilisés pour conseiller les entreprises sur les dispositifs en place.Nous recevons énormément d’appels et son site est consultable pour répondre aux demandes
Nous faisons le point également sur toutes les mesures prises pour préserver les entreprises consultables ici
Nos relayons les demandes des entreprises auprès de la Direccte car les délais pour la mise en place du chômage partiel sont parfois longs …
La question du temps est essentielle, il faut qu’on aille vite car les entreprises veulent et doivent garder toutes leurs ressources et toutes leurs capacités en termes de savoir-faire et de compétences
Certains chefs d’entreprises nous ont déjà signalé que tout ce qu’ils avaient réussi à mettre de côté depuis 4, 5 voire 6 ans avait été "mangé" depuis le début de la crise.La mortalité économique sera liée à la trésorerie et il y a clairement une ligne de fracture entre ceux qui ont de la trésorerie et ceux qui n’en n’ont pas
Fabrice Genter
Alors oui, même si nous ne disposons pas encore de chiffres sur les défaillances d’entreprises, il est certains qu'il y aura de la casse''
Repartir, mais pas comme avant
''Je crois qu’on peut imaginer ce qui va se passer en regardant du côté de l’Italie :
Les événements seront annulés reportés, les restaurants et bars resteront probablement fermés... Cela va laisser beaucoup de traces.
D’un point de vue strictement économique plus nous pourrons reprendre rapidement avec des salariés et des clients en sécurité bien sûr et moins pire ce sera.
Mais nous ne pourrons pas reprendre d’un seul coup, ni de la même façon que par le passé.
Nous ne sommes pas dans une crise nous sommes dans un état de catastrophe et plus rien ne sera comme avant
Beaucoup de choses devront changer pour repenser nos modes de production car nous sommes arrivés au bout d’un système qui s’était imposé depuis plusieurs décennies.
Donc cela va bien au-delà de l’économi, c’est une façon de nous repenser collectivement et individuellementLe lien entre entreprise et territoire a du sens par exemple.
La crise d Coronavirus aura une vertu : elle nous force à penser un monde nouveau, basée sur le citoyen et en un sens c’est quelques chose d’enthousiasmant, dès lors que nous aurons passé ce moment terrible.''
Voilà, un bref panarama de l'état d'esprit de ceux qui font l"économie en Lorraine, avec des craintes réelles pour de très nombreuses entreprise si ce n'est la majorité d'entre elles. Crainte que le confinement ne leur soit fatal, craintes aussi pour celles qui survivront, du jour d'après ou plutôt de la période qui s'ouvre devant nous.
Une période dont nul ne sait aujourd'hui ce qu'elle apportera de bon et de mauvais pour l'économie et pour la société toute entière.