Alsace : Maurice Fischesser, agriculteur collectionneur et marqueteur passionné depuis plus d'un demi-siècle

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Rund Um. Maurice Fischesser, agriculteur retraité atypique, vit à Galfingue. Il a amassé une incroyable collection d'objets anciens. Et, depuis plus de cinquante ans, s'adonne à la marqueterie, au point d'avoir atteint la finale du concours des Meilleurs ouvriers de France.

Dès cinq heures du matin, Maurice Fischesser est debout dans son atelier. Sous les doigts de cet agriculteur retraité naissent d'incroyables tableaux de bois, grands ou petits, modernes ou de facture plus traditionnelle. La marqueterie est la passion de sa vie. Une passion découverte voici 54 ans… à l'armée.

"En 1969, mon compagnon de chambre était un ébéniste. C'est lui qui m'a transmis le virus, car c'en est vraiment un" raconte le septuagénaire. "Et depuis, je fais de la marqueterie. Les premières années, je devais encore traire les vaches avec mon père. Mais en sortant de l'étable, vers 18h ou 19h, durant trois hivers, je m'adonnais à la marqueterie jusqu'à 1h du matin." Il précise : "Maintenant je fais ça en journée. Et quand la nuit tombe, je rentre rejoindre ma femme."

Cet autodidacte aux doigts de fée n'a jamais suivi de cursus officiel. Il s'est formé par le biais de livres, et surtout en suivant divers conseils. "Pendant dix ans, j'ai découpé les pièces au cutter" se souvient-il. "Puis une dame m'a appris à utiliser une scie. Un collègue s'est rendu à Paris où il m'a trouvé la scie adaptée. C'était il y a quarante ans, et depuis, elle fonctionne."

Un autodidacte qui ne cesse d'apprendre

Au fil du temps, il a aussi modifié sa façon de procéder, et appris à travailler sur l'envers du décor. Pour ne révéler le motif que tout à la fin, après un passage de la pièce sous presse. "Je n'ai jamais cessé d'apprendre" estime-t-il. "J'ai toujours croisé des gens qui m'ont expliqué des choses. Il existe plein de tutos dans les livres, mais il faut que ça vienne de soi, de sa propre expérience. Les dessins, les techniques… C'est un vrai métier. Mais pour moi, c'est resté un hobby, jusqu'à aujourd'hui."

Un "hobby" qui l'a pourtant mené extrêmement loin… jusqu'à la finale du concours des Meilleurs ouvriers de France, pour laquelle il a présenté un tableau surréaliste, figure imposée, d'une incroyable finesse.

Sa chambre aux trésors

La pièce attenante à son atelier est sa chambre aux trésors. Les murs y sont littéralement recouverts de plusieurs centaines de marqueteries, best of des innombrables pièces qu'il a déjà réalisées. "Je fais toujours plusieurs exemplaires d'un tableau" explique-t-il : "un pour moi, un à offrir et un à suspendre à la mairie."

Bon nombre de ses œuvres représentent des maisons d'amis, qu'il prend grand plaisir à reproduire, pour leur en faire cadeau. Il s'adonne aussi aux représentations d'animaux, oiseaux, chevaux ou chiens.

Un petit tableau avec une tête de renard a récemment retenu l'attention d'une visiteuse : "Cette dame s'appelait Fuchs (renard) et le voulait. Mais je ne cède jamais un tableau de ma propre collection. Je le lui ai donc refait à l'identique" raconte Maurice Fischesser.

Mais cet artiste inclassable a un grand principe : il ne vend rien. Il offre. Depuis cinquante ans, à chaque fin d'année, il prépare aussi des dizaines de marqueteries en petit format qu'il distribue comme cadeau de Noël ou de Nouvel an.

"Mon problème est de trouver chaque année un nouveau motif" sourit-il. Pour cette fin d'année 2022, c'était un sapin joliment décoré et recouvert de neige, accompagné d'un petit renard admiratif. Motif pour lequel il s'est inspiré "d'une serviette en papier" achetée par sa femme.   

"En tout, j'ai dû faire dans les 560 dessins" estime-t-il. Il lui arrive de copier, mais pour reproduire les maisons ou les villages, il prend d'abord de nombreuses photos. Et il peut passer une bonne dizaine d'heures pour en tirer un dessin satisfaisant, avant même de s'attaquer à la découpe du bois.

Il a aussi réalisé plusieurs vues de Wittenheim, sa commune d'origine. Et des reproductions de tableaux anciens, comme ceux d'Ensisheim et de Mulhouse à la Renaissance. Ainsi que de nombreux tableaux de fleurs, qu'il offre principalement aux dames. 

Un "sérial collectionneur"

Maurice Fischesser est encore atteint d'un autre virus : la collectionnite aigüe. Virus transmis, cette fois, par sa mère : "Elle avait ça dans le sang. Elle conservait tout le bric à brac, et toutes les archives. Et elle m'a mis ça en tête." Lui-même garde, accumule et met en valeur tout ce qui lui semble rare, beau ou intéressant.

A sa retraite, afin de pouvoir abriter ses centaines de petits objets et de grandes machines, il a vendu sa ferme de Wittenheim pour en acheter une autre, plus spacieuse, à Galfingue. Car les objets ne cessent d'affluer, et ses collections, de s'agrandir. "Beaucoup de gens se confient à moi et m'apportent des choses" explique-t-il.

Il en résulte un véritable musée, hétéroclite et passionnant : deux grandes salles pleines de tracteurs et de machines agricoles, et d'innombrables pièces présentant des meubles de famille, de la vaisselle, des vêtements anciens, des bonnets de baptême, des jouets, des harnais de chevaux, des cartes scolaires, des machines à écrire, des maquettes de bateaux, des landaus, des appareils photos, des fers à repasser…

Parmi les objets les plus insolites : une vieux téléphone à la sonnerie indescriptible, "l'ancien téléphone des chefs dans les mines de potasse de Wittenheim." Ou un bâton gradué, semblable à une longue règle, qui servait à "mesurer les piles de linge fin, de housses et de draps" que les filles à marier apportaient en guise de dot.  

Dans une autre pièce, deux trains électriques roulent sur des ponts que Maurice Fischesser a reconstruits à l'échelle : l'un représente un ouvrage de la région Mulhousienne, l'autre, en bambou, le pont de la rivière Kwaï, en souvenir du film "regardé d'innombrables fois."

Car outre la marqueterie, l'ancien agriculteur adore transformer tous types de matériaux. L'une de ses dernières créations, réalisée à partir de chaînes assemblées, représente un ancien tracteur. "Les gens disent toujours que je n'arrête jamais" reconnaît-il. "Je ne m'en rends pas compte, mais comme on me le répète tous les jours, je finis par le croire."

Mais il n'en ralentit pas son rythme pour autant. Car c'est par la créativité que ce lauréat du Bretzel d'or, et citoyen d'honneur de Galfingue, s'accomplit jour après jour. Ainsi que dans le don, et les échanges avec tous ceux - et ils sont nombreux - qui poussent sa porte.  

"Mon plaisir est que peut-être, plus tard, il restera quelque chose de toutes mes réalisations" avoue-t-il.  "Tout comme de mes tableaux que j'offre – j'en ai déjà distribué plusieurs centaines. Peut-être que quelque chose de tout ça me survivra."

Pour découvrir son univers – qui n'a pas officiellement le titre de "musée" – il suffit de lui téléphoner quelques jours auparavant pour prendre rendez-vous. Et si lui-même n'est pas disponible, il a "deux guides bénévoles, contents de tout expliquer et qui adorent le faire."

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