Savoir d'où on vient, c'est là tout le sens de la visite du Mémorial de Turckheim (Haut-Rhin) par ces jeunes engagés du 152e régiment d’infanterie de Colmar à l’occasion des 80 ans de la libération de l’Alsace. Une façon pour eux de s'inscrire dans l'histoire de leur régiment qui a participé aux combats de l'hiver 1944-45.
Au fil de la visite dans les salles du Mémorial de Turckheim, les documents et les objets exposés prennent tout leur sens. En particulier pour ces jeunes recrues du 152e régiment d'infanterie de Colmar, en ce début d'année 2025, 80 ans après les combats qui ont fait rage dans ce secteur du centre Alsace. Car à travers les collections conservées ici, évoquant le conflit meurtrier de l'hiver 1944/45, c'est un peu de leur histoire qu'il s'agit, celle de leur régiment, le "Quinze deux".
Le musée mémorial des combats de la poche de Colmar qui invite ces soldats en herbe à se souvenir de cet épisode guerrier est installé dans un ancien abri. Pendant la Seconde Guerre mondiale les habitants venaient s'y réfugier lors des bombardements ennemis. Aujourd'hui il abrite une collection d'objets divers, témoins des combats qui ont permis de libérer l'Alsace alors annexée par l'Allemagne nazie.
Des visiteurs de tous horizons
Depuis sa création, en 1994, près de 200 000 personnes ont visité le Mémorial, soit environ 23 000 par an. Des scolaires venus de la France entière, des vétérans de toutes nationalités, des particuliers, des touristes. "Beaucoup d'Américains, des Allemands aussi, des gens du cru. Aujourd'hui on reçoit des jeunes du 152e régiment qui a participé aux combats de la libération de la poche de Colmar au sein de la 2e division blindée. Ils ont le même âge que ceux qui combattaient en 1945 pour libérer l'Alsace", observe Jean-Marc Weckner, le président de l’association en charge de la gestion du Mémorial.
Un rapprochement qui peut donner à réfléchir quand on a 18 ou 19 ans et qu'on fait de la guerre son métier. "On marche dans les pas des anciens. C'est impressionnant de voir toutes ces choses qui ont vécu sur le terrain et qui sont maintenant exposées en vitrine. Elles ont beaucoup de valeur", raconte Yusuf-Can, engagé depuis six mois. Emilie, quant à elle, avoue ne pas trop connaître l'histoire de son régiment. Grâce à cette visite guidée, elle va pouvoir mettre des mots et des images sur cette période déjà lointaine. "C’était plus dur avant, ça peut faire peur de voir ces objets. Aujourd’hui on a de meilleurs équipements".
S'engager pour le meilleur et pour le pire
Les motivations d'une jeune recrue sont axées sur le dépassement de soi-même. La guerre, on s'y prépare "mais on n'y pense pas tous les jours", confie Emilie. C'est pour cela qu'on s'engage, "pour casser la routine". Pour L'aventure humaine, les défis qu'on se lance. "J'avais besoin de voir jusqu'où je pouvais aller avec le Quinze deux, un régiment prestigieux marqué par son histoire", poursuit Yusuf-Can. Une histoire construite sur la gloire mais aussi la souffrance. En témoignent certaines pièces conservées et exposées dans ce musée.
Comme ces sandales cloutées portées par les soldats marocains de l'armée d'Afrique. Ils combattaient, avec les Français et les Américains, pour libérer les environs de Colmar encore sous le contrôle de l'armée allemande, cet hiver 44-45. Un hiver particulièrement rigoureux, avec des températures sibériennes allant jusqu'à moins 20 degrés en plaine. "Il y a un mètre de neige par endroit. On a mis des clous sous les semelles de leur sandale pour que les soldats ne glissent pas. Les pieds gelés ont fait près de 6 000 blessés", explique Jean-Marc Weckner lors de la visite guidée.
Le chemin de la mémoire
Un peu plus loin, le groupe s'arrête devant un écran. Des archives vidéo de l'époque témoignent des souffrances endurées par les combattants. Trois semaines de combats acharnés sur un secteur relativement petit à l'issue desquelles les armées françaises et américaines vont reprendre la poche de Colmar. Alors que la quasi-totalité du territoire français est déjà libérée en décembre 1944, tout se joue ici entre le 20 janvier et le 9 février 1945. "Jebsheim est un village situé sur le retrait des Allemands à l’est de Colmar, l’une des dernières poches de résistance. À la fin des combats, trois jours ininterrompus, on comptabilise 800 morts et 3000 blessés toutes armées confondues", commente Jean-Marc Weckner.
Moins connue que le débarquement de Normandie ou celui de Provence, la libération de la poche de Colmar mérite d'être portée à la connaissance du plus grand nombre. C'est là toute la vocation du Mémorial, selon ses fondateurs : "transmettre la mémoire de cette période peu abordée par les manuels d'histoire, d'une manière vivante", résume son président. En reprenant le flambeau, les jeunes recrues du 152e régiment d'infanterie de Colmar s'inscrivent dans cette histoire. "Une histoire à laquelle ils sont reliés par leurs prédécesseurs", souligne leur encadrant, le lieutenant Aymeric. "Cette visite est importante, le régiment y tient". Elle permet aux jeunes incorporés de savoir d’où ils viennent.