Covid-19 : l'évolution de l'épidémie racontée en chiffres et en graphiques par un informaticien de Mulhouse

Germain Forestier est enseignant-chercheur en informatique à l'Université de Haute-Alsace à Mulhouse. Les graphiques qu'il publie depuis le mois d'avril sur Twitter sont suivis aujourd'hui par 17.000 abonnés, et sont même parfois repris par les autorités de santé.

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Germain Forestier est informaticien, son épouse, médecin généraliste. Lorsque les premiers signes de la pandémie de coronavirus on été signalés en Europe, tous deux ont vite pressenti que ce phénomène risquait de prendre de l'importance. La suite des évènements leur a donné mille fois raison, d'autant que le couple et leurs deux enfants habitent Mulhouse, ville touchée de plein fouet par la première vague.

Face à ce virus inconnu, "je me suis demandé de quoi j'avais besoin pour mieux comprendre ce qui se passe" se remémore-t-il. Et c'est comme cela qu'il s'est mis à rechercher des données chiffrées, pour établir des graphiques. D'abord pour lui, puis pour tous ceux qui, de plus en plus nombreux, se sont mis à le suivre sur son compte Twitter. En quelques mois, il est passé de quelques centaines d'abonnés à 17.000 aujourd'hui. 

Twitter, "un thermomètre"

L'objectif était de proposer des graphiques lisibles, accessibles, notamment sur le taux de positivité par tranche d'âge, en utilisant un code couleur allant du vert au rouge écarlate. Le résultat est assez édifiant. Evolution des taux d'incidence, des hospitalisations et du nombre de personnes en réanimation, évolution du nombre de décès, Germain Forestier s'appuie sur les données brutes mises à disposition par les autorités sanitaires, et c'est à partir de ces chiffres qu'il réalise ses graphiques. 

"Mon métier c'est d'avoir des idées pour mettre en graphique des éléments du quotidien". Et des idéees, il en a par dizaines: par exemple, il pourrait concevoir des courbes sur les décès par classe d'âge, ou sur les effets de la météo sur la propagation du virus. Mais tout cela demande du temps, il procède donc par priorité. "Twitter me sert de thermomètre, pour savoir si tel graphique parle aux gens, explique-t-il. J'ai énormément de retours, de demandes de précisions, mais aussi de conseils. Si je vois que ça marche, alors j'intègre le graphique dans la série de ceux que je réactualise régulièrement sur mon site internet."

Une démarche qui s'adresse au grand public, mais qui a été très rapidement reprise par des médecins, par des journalistes, et même par les autorités sanitaires désireuses de justifier les mesures qu'elles prennent. C'est ainsi que son travail sur l'impact d'un couvre-feu sur le taux d'incidence s'est retrouvé dans le projet de loi sur la gestion des urgences sanitaires. "Je n'étais pas au courant! Je l'ai appris par les réseaux sociaux. Mais ça ne me dérange absolument pas" s'amuse-t-il

Un graphique n'explique pas tout

Un graphique permet certes une meilleure compréhension, mais il faut le situer dans un contexte. Par exemple, quel impact aura eu le confinement de cet automne sur le contrôle de l'épidémie? A-t-il été plus, ou moins efficace que le couvre-feu décidé dans la foulée ? Et quelles conséquences ont eu les vacances scolaires et les jours fériés, sur la circulation du virus ? "L'enchaînement est tellement rapide que c'est impossible de dissocier et de quantifier les effets des différentes mesures", explique l'enseignant-chercheur, qui ajoute "Il faut être modeste et faire preuvre d'humilité, car nous n'avons pas toutes les clés. Les experts qui affirmaient qu'il n'y aurait pas de deuxieme vague se sont trompés. Ceux qui disaient que le Grand Est serait épargné par cette deuxieme vague se sont trompés également"

Les départements du Grand Est se retrouvent en effet à nouveau particulièrement exposés, et dans le Haut-Rhin, la courbe des hospitalisations reprend de façon inquiétante. Peut-on pour autant affirmer que la situation actuelle est annonciatrice d'une troisième vague? "Je partage la frustration des gens, mais c'est impossible à dire. Je fais des graphiques, pas des prédictions" précise Germain Forestier 

Au moins une heure de travail par jour

Pour Germain Forestier, ce qui a démarré comme une quête d'information à titre personnel est devenu un travail de fond, chronophage. "Evidemment, j'ai créé des programmes informatiques qui permettent d'automatiser le processus. Mais entre la collecte des données et la publication, ça me prend quand même au minimum une heure par jour. Ensuite, il y a toute l'activité de veille, observer ce qui se passe, concevoir de nouvelles visualisations... Et là, c'est quatre ou cinq heures parfois!"

Difficile pour lui de dire si il poursuivra encore longtemps cette tâche. C'est du temps pris sur la vie familiale, mais l'intérêt est indéniable. "Je ne me vois pas arrêter tout de suite. J'attends avec impatience les données sur la vaccination. Le nombre de personnes vaccinées, par classe d'âge et par région. On avance beaucoup de critiques sur la lenteur de cette vaccination, je voudrais travailler dessus, car ça intéresse beaucoup de monde"

Combien de temps encore faudra-t-il organiser notre quotidien en fonction du contexte sanitaire? Personne ne le sait. Le virus est imprévisible, et Germain Forestier aura sans doute encore longtemps matière à réflexion. 

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