La sixième édition du festival interreligieux du conte de Mullhouse (FICMU) s'est ouverte jeudi 26 mai. Evènement unique en France, le festival propose de mieux connaître l'autre et ses croyances en écoutant son imaginaire. Voyage immobile, riche de rencontres.
Il était une fois un pasteur, grand voyageur et arpenteur d'imaginaire, qui voulait rapprocher les hommes. Vaste ambition, quête folle. Pour cela, Richard Gossin, pasteur de son état, eut une idée : conter la vie, la vie des autres. Le Festival interreligieux du conte de Mulhouse (FICMU) était né.
Mulhouse, terre de religions
Richard Gossin a été bien des choses. Professeur de théologie à la faculté de Strasbourg, pasteur pendant dix ans à Mulhouse puis au Gabon, conteur amateur, président de l'association de conteurs amateurs "Il était plusieurs fois" et désormais retraité. Ce qui ne l'empêche pas de poursuivre sa quête insensée : rapprocher les hommes, les relier. Relier qui vient d'ailleurs, le saviez-vous, du verbe latin religere, qui a donné par la suite le mot religion. La boucle est bouclée.
"Je ne sais pas si je saurais un jour ce que retraité signifie." Il faut dire que la tâche est ardue mais pas infaisable. En 2015, la bouche pleine d'histoires, Richard co-fonde le festival interreligieux du conte à Mulhouse. Une première en France. Il est encore le seul évènement de ce genre dans l'hexagone.
"Nous avons choisi Mulhouse parce que traditionnellement il y a ici de nombreuses communautés religieuses, un dialogue très intense entre elles via les associations et les groupes d'amitié."
L'idée est toute simple. Apprendre l'autre, le comprendre via son imaginaire. D'autant que le conte, historiquement est directement lié à la tradition orale du récit biblique, tant dans le judaïsme que dans le christianisme. "Les contes ont cette faculté extraordinaire de nous permettre de connaitre et d'apprendre les histoires des uns et des autres tout en évitant disons les dialogues trop conceptuels. Dans un conte, il n'y a pas de débat d'idées, pas de polémique et pourtant il raconte beaucoup sur nous. C'est le chemin le plus direct qui mène aux relations sociales et humaines, aux récits qui nous structurent tous. Nous empruntons le chemin de l'imaginaire."
Dans un conte, il n'y a pas de débat d'idées, pas de polémique et pourtant il raconte beaucoup sur nous tous.
Richard Gossin
Les contes sont religieux ou profanes. Peu importe après tout. Tous sont traversés par des questions existentielles, spirituelles oui. " On y retrouve toujours grandes interrogations : sur la vie, la mort, le bien, le mal, l'amitié, l'amour, la guerre. Mais mises en récit, en épopées."
Le temple, la mosquée, la synagogue
Après deux ans d’interruption dus à la crise sanitaire, le Festival interreligieux du conte se déroule, pour la première fois, dans trois lieux de culte différents: Terre Nouvelle (temple protestant), la synagogue et la mosquée An Nour.
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Cette édition accueille une vingtaine de conteurs amateurs et trois professionnels. Le conte n'a pas de frontière, pas de hiérarchie, pas d'âge non plus. Ainsi, Frank Lalou, juif, calligraphe et écrivain, ou MaryMyriaM , chrétienne qui a présenté jeudi 26 mai, à la mosquée An Nour, le soufiste Rûmi, poète et fondateur des derviches tourneurs. Hamed Bouzzine, chanteur, musicien viendra, lui, samedi 28 mai, proposer un voyage en Afrique sur le chemin des griots.
Richard lui aussi entrera en scène. Dimanche. Avec Khadija Ourouh, organisatrice du festival, tous les deux raconteront leur Jérusalem. " Moi ce sera un conte sur sur l'exil des juifs à Babylone pendant 40 ans, durant 40 prières." Si pour certains poètes, Jérusalem est le nombril du monde, pour Richard elle est le symbole de la coexistence des religions. "Jérusalem, la ville spirituelle par définition, mais aussi le théâtre de conflits, de guerre, d'incompréhensions et de communautarismes."
Le mot est lâché. Communautarisme. C'est bien contre cela que Richard se bat avec les mots. "Chaque religion, il faut l'admettre est repliée sur elle-même avec ses propres magasins, ses chants, ses fêtes… la tentation est grande de ne plus avoir besoin de personne. C'est moins le conflit qui nous gagne que l'indifférence. Puisqu'on a tout, on ne va plus vers les autres. C'est ça le communautarisme. Le repli. Par le conte, on écoute, on devient curieux, on s'ouvre. Un peu, j'espère." Et Richard de faire galoper son imagination : "Cette initiative il faudrait la faire entrer partout et surtout dans les écoles. J'ai pris mon bâton de pèlerin, j'y crois. On avance, j'essaie au moins."
C'est moins le conflit qui nous gagne que l'indifférence. Puisqu'on a tout, on ne va plus vers les autres. C'est ça le communautarisme. Le repli.
Richard Gossin
Il n'est alors pas étonnant que le conte que préfère Richard c'est celui-là : l'histoire de Saul, premier roi des Israélites. Un homme oint, choisi par Dieu et qui échoue. "J'aime ce personnage parce qu'il me ressemble. Le roi Saul a été entrainé sur un chemin qu'il n'a pas voulu et qui révèle ses échecs, sa fragilité. Et s'il est en échec c'est parce qu'il ne sait pas parler à Dieu, dire sa colère, ses failles. C'est un looser. Non que je me considère comme un looser mais oui c'est toujours ça qui nous menace." Richard humble, faillible, défricheur et conteur.