Une soupe solidaire
Fabienne Tournier, à l'initiative de la "Soupe itinérante" s'est prise en main, un jour, alors qu'elle avait l'impression de s'éparpiller dans ses choix d'aide. "Je suis très sensible aux injustices sociales et je me suis rendue compte que je pouvais apporter ma petite part, comme le colibri de la légende amérindienne. J’ai eu l’idée de faire moi-même de la soupe et d’aller au-devant des personnes de la rue pour établir un lien social. La soupe c’est une entrée en matière, ce qui nous intéresse c’est plus d’aller au-devant d’eux et de parler avec eux. On a aussi des copains musiciens qui viennent et qui jouent de la musique".La petite troupe de la Soupe itinérante commence sa tournée dès le mois d'octobre, une fois par mois, jusqu'au printemps. Fabienne Tournier a commencé avec Kedira il y a trois ans, puis d'autres personnes se sont agrégées au mouvement. Aujourd'hui, ils sont quatre, le noyau dur du groupe. Des électrons libres viennent se greffer, de temps en temps au petit groupe, selon leurs disponibilités. Ils distribuent du café, du thé, des friandises, des produits de soin, des couvertures et des vêtements aux sans-abris dans le centre-ville de Mulhouse. "C'est notre troisième hiver. L'année dernière on a fonctionné jusqu'en juin. On aimerait bien poursuivre en été, parce que la misère ne se cantonne pas à l'hiver, mais logistiquement, c'est difficile".

Papi et Fabienne Tournier.
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© Vincent Lemiesle, France 3 Alsace
La rue et ses galères
Les sans-abris, eux sont unanimes. "Ça fait plaisir. Je suis habitué au froid de l'hiver, mais une bonne soupe ça réchauffe bien", confirme Papi, enthousiaste. Ici, dans ce coin de rue de Mulhouse où il a établi son "camp" de base, tout le monde le connaît sous ce surnom, "même la police, qui me voit tous les jours". Sans doute à cause de la barbe et du bonnet. Il faut dire aussi que Papi va vers sur sa 53e année dont au moins dix passées dans la rue. "Je suis là depuis pas mal de temps, je peux pas dire combien exactement. J'ai beaucoup entendu parler sur les logements sociaux mais j'en vois pas beaucoup, par contre je vois plein d'immeubles qui sont vides. Les politiques, les élus, ils pourraient faire des trucs à l'intérieur mais ils bougent pas leur c...". A peine plus loin, la petite troupe emmenée par Fabienne s'arrête pour parler avec deux sans-abri, emmitouflés dans leur couverture, Wilfried et Fred. Le premier, à 28 ans, bourlingue depuis déjà cinq ans :"Je suis parti de chez mon ex après une dispute. J'ai fait mes sacs et depuis je me trimballe avec mon sac à dos. Pour l'instant je suis bien comme ça. Vivre dans la rue c’est pas un choix, ça s’est passé comme ça. En hiver, c’est pas agréable mais on fait avec. Je peux m’en sortir si je veux mais pour l’instant c’est moi qu’ai dit non", explique Wilfried.

Wilfried et Fred, deux compagnons d'infortune dans les rues de Mulhouse
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© Vincent Lemiesle, France 3 Alsace
Fred, plus âgé, a connu des années de galère qui l'ont marqué :"J’ai eu une période difficile, il y a 10 ans, parce que, qui dit rue, dit vices : alcool, drogues. J’étais tombé dedans et dieu, par grâce, m’a délivré de tout ça. C’est un peu plus facile sans ces addictions. Ces personnes qui viennent nous voir (les bénévoles de la Soupe itinérante), c’est la preuve qu’il y a encore des gens qui ont le coeur sur la main. On est fin janvier et à part décembre, avec le marché de Noël, où les gens s’intéressent à nous plus par hypocrisie que par cœur, en hiver on se sent bien seul".
Une douzaine de personnes à la rue aura pu se sentir un peu moins seule ce jour-là, grâce à la troupe de la Soupe itinérante. La petite part du colibri.