Le 28 novembre 2024, au Québec, Justine Hertemann, française de 32 ans, était tuée lors d’un braquage dans la boutique où elle travaillait. Les circonstances de sa mort posent question pour sa famille qui se sent exclue de l’enquête. Alors qu’un appel à témoin vient juste d’être lancé, ils dénoncent la lenteur et le silence des autorités québécoises.
“C’était une fille simple, toujours un mot gentil pour les autres, elle rayonnait de sa joie de vivre, c’est pour cela que tout le monde l’aimait”. Près de deux mois après sa mort, la colère se mêle à la douleur pour le père de Justine. Le corps de la jeune femme n’a pu être rapatrié que le 17 décembre, après de multiples démarches de la famille. L’enterrement a eu lieu le 24 décembre.
Un deuil impossible
Mais impossible pour les parents et pour les sœurs de Justine de débuter leur deuil. Trop de leurs questions restent sans réponse. “Depuis le premier jour, tout ce que l’on a appris sur l’affaire a été par voie de presse, la police québécoise n’a jamais rien voulu nous dire” explique sa sœur. “On a l’impression qu’on veut nous cacher des choses, il y a beaucoup d’éléments qui posent question” ajoute son père.
Justine, originaire de Saint-Dizier (Haute-Marne), vivait au Québec depuis quelques années, suivant la trace de sa grande sœur, Tiffany, qui était déjà installée sur place. Après avoir longtemps travaillé dans la restauration, elle venait d’être embauchée dans un magasin de vêtements professionnels, “O Mini Prix”, situé à Saint-Anselme.
Elle voulait plus de temps pour un projet d'enfant
Père de Justine
Cet emploi, à 30 kilomètres de la ville de Québec, avait été une bouffée d’air : “Elle voulait faire un break de la restauration pour avoir plus de temps avec son ami et faire un enfant” explique le père de Justine. “Elle se plaisait dans ce travail parce qu’elle ne travaillait qu’un week-end sur deux. Si elle avait su que c’était aussi chaud, jamais elle ne l’aurait accepté... et elle serait encore là”.
Car tout bascule le 28 novembre dernier. Justine est seule au magasin avec une collègue, âgée de 25 ans. Cette dernière a survécu au tir de l’assaillant et son récit est pour l’instant le seul qui permette de reconstituer la scène, les caméras de vidéosurveillance ne fonctionnant pas ce jour-là.
Un braquage qui pose question
D’après le père de Justine, elle raconte qu’un “homme cagoulé tout de noir vêtu et armé d’une arme d’assaut a fait irruption dans le magasin tirant une fois en l’air en leur présentant un message audio leur demandant la caisse”. Les jeunes filles s’exécutent mais il tire tout de même sur la collègue de Justine, au niveau de l’œil. Elle s’écroule, avant de reprendre connaissance quelques minutes plus tard : “Lorsqu’elle a retrouvé ses esprits, Justine était allongée à côté d’elle, le corps sans vie. C’est cette jeune fille, blessée qui, tant bien que mal vu sa blessure et son traumatisme, a appelé son père avec son téléphone portable qui était à l’arrière de la boutique car leur patron leur interdisait de l’avoir sur elles”.
Comment expliquer ce meurtre, acte gratuit, pour quelques dollars ? C’est la première question que se pose la famille de Justine : “Elles lui ont donné la caisse et il leur a quand même tiré dessus. C’est incompréhensible. Un voleur devrait simplement partir avec l’argent, d’autant plus qu’on ne pouvait pas le reconnaître. Je me demande alors ce qu’il s’est passé : est-ce un règlement de compte ? Ce magasin est-il louche ? En voulait-on à ma fille ? ” s’interroge son père.
Si les habitants se montrent très attentionnés avec les proches de la victime, la police ne partage que très peu d’informations. La sœur de Justine, Tiffany, qui se trouve sur place, est la première avertie de la mort de la jeune femme. “Ils m’ont juste dit qu’il y avait eu un accident sur son travail” raconte-t-elle “mais ils ne répondaient à aucune de mes questions. Je n’ai appris que le lendemain, en écoutant des policiers discuter, qu’elle s’était fait tirer dessus. Les habitants étaient choqués parce qu’ils croyaient qu’on était tenus au courant et accompagnés alors que pas du tout”.
Un appel à témoin près de deux mois plus tard
Ce mercredi 15 janvier 2025, la Sûreté du Québec a relancé l’affaire avec un appel à témoin. Deux personnes pouvant détenir des informations sont recherchées : un coureur et une dame marchant avec son chien.
Cet appel à témoin paraît bien tardif aux proches de Justine qui se posent de multiples questions : “pourquoi ne l’ont-ils pas fait dès le début de l’affaire ? Ça arrive vraiment très tard” remarque son père. “Je suis vraiment en colère contre les enquêteurs québécois car j’ai l’impression qu’ils ne veulent pas faire avancer les choses. On nous parle de gangs dans cette ville. Est-ce qu’ils ont peur ?”
Ils demandent aujourd’hui un jumelage entre les polices française et québécoise dans le but d'être tenus au courant de l’avancée de l’enquête.