Le projet d'implantation d'un poulailler industriel sur la commune de Sarry (Marne) suscite beaucoup d'inquiétudes. Une partie des habitants a manifesté son opposition. Ils ne veulent pas d'un élevage en batterie de 100 000 poulets en même temps pour un élevage de plus de 600 000 volailles par an. Ils craignent pour la cause animale et s'inquiètent des nuisances possibles.
"Oui aux poulets fermiers, non aux poulets maltraités". Ce slogan sur une des pancartes d'un manifestant annonce la teneur du rassemblement.
Près d'une centaine de personnes s'était donné rendez-vous devant la mairie du village de Sarry, dans la Marne, pour dire non au projet de poulailler intensif sur leur commune. Dire non à leur maire, Hervé Maillet, agriculteur et à l'origine de l'implantation possible de ce méga poulailler.
Samedi 18 janvier, une date qui n'a pas été choisie par hasard. C'était le dernier jour de l'enquête publique ouverte depuis le 16 décembre dernier avec la présence, en mairie, du commissaire enquêteur.
"Il faut pouvoir mobiliser et ce n'est pas simple, explique Anthony Smith, châlonnais et député européen du groupe La France Insoumise. Mais je pense que les consciences bougent, il y a des dizaines de contributions qui ont été écrites auprès du commissaire enquêteur pour lui dire combien ce projet était nocif. Les citoyens se sont emparés du contenu de ce projet, l'ont analysé, l'ont décortiqué. On est en mesure de dire que cette structure, pour les animaux, pour les humains, pour l'environnement, est nocive. Reste maintenant au préfet de la Marne, que j'alerte, de décider si ce projet aura lieu ou pas. Il faut écouter les citoyens. Trop souvent les politiques n'écoutent pas, n'entendent pas la parole populaire et citoyenne. Là, elle s'exprime fortement, il faut l'entendre, y répondre, abandonner le projet de super poulailler".
Nuisances et cause animale en jeu
Avec Emma Fourreau, députée européenne également membre de LFI et écologiste, Anthony Smith est donc venu soutenir la population de Sarry mais aussi de Châlons-en-Champagne limitrophe, qui sera aussi impactée. Des manifestants effectivement très au fait de ce projet. Outre remplir le cahier de doléances de l'enquête publique avec leurs remarques, ils ont aussi lu et réfléchi à l'étude d'impact réalisée pour ce projet.
"On va avoir le problème des odeurs, explique Joëlle habitante du village depuis 1996. On a beau nous dire, dans l'étude d'impact, que tout est fait pour limiter les odeurs, limiter, cela veut dire qu'il y en aura. Moi, je parle pour Sarry, mais tous les habitants de Châlons, vont aussi être impactés par ce poulailler qui est aussi très près de chez eux". Les nuisances liées au bruit inquiètent aussi cette Sarysienne.
"Nous avons déjà des problèmes avec le bruit et la pollution de la Nationale tout à côté". Elle craint, si le projet voit le jour, une augmentation des camions qui vont se rendre sur site et les dégâts qu'ils pourraient occasionner sur les chemins gérés par l'association foncière. "Ce poulailler, initié par le maire, pour son fils, même s'il est légal, il y a quand même de la souffrance animale. 600 000 poulets par an entassés... c'est monstrueux "Sarry-les-poules", poursuit-elle. Notre village risque aussi d'être associé à ce poulailler industriel. Si on veut vendre notre maison... il va y avoir sûrement une dévaluation immobilière".
Imaginez-vous vivre enfermé pendant 35 jours, ne pas voir le jour, vivre sur vos escréments, être tué de façon indigne et faire croire aux consommateurs que vous êtes de la bonne viande.
Christelle, habitante de Sarry
Inquiets des nuisances sonores olfactives, inquiets aussi de la gestion des fientes qui seront en partie épandues dans les champs de l’agriculteur. D'après l'étude d'impact, elles le seront sur des périodes bien précises mais, les habitants de Sarry, présents à la manifestation, ont de gros doutes quant à la pollution qu'elles pourraient générer dans le sol.
"Je suis sarrysienne depuis 20 ans et j'espère ne pas voir ce projet aboutir, pour les nuisances que cela va occasionner, précise Christelle. Et puis aussi pour la défense de la cause animale. On ne peut pas faire des campagnes de promotion sur le bien-être animal et permettre à des projets comme celui-ci de voir le jour. Ça n'est pas cohérent. Mettez-vous simplement dans la peau d'un poulet, imaginez-vous vivre enfermé pendant 35 jours, ne pas voir le jour, vivre sur vos excréments, être tué de façon indigne et faire croire aux consommateurs que vous êtes de la bonne viande. Pour la vie à Sarry, ça va générer du bruit parce qu’il va y avoir des allées et venues de camions, ça va générer des odeurs et des particules et tout cela, on n'en veut pas".
Nous considérons qu'il est de notre devoir d'accompagner ce développement agricole pour que l'on puisse produire en France des produits de bonne qualité qui pourront nourrir pour pas trop cher nos concitoyens et sans avoir à importer de la viande d'Amérique du Sud
Benoist Apparu, maire de Châlons lors du conseil municipal du 19 décembre 2024
Le maire de Châlons, en faveur du projet
Le 19 décembre dernier, lors du conseil municipal de Châlons-en-Champagne, le projet du poulailler était à l'ordre du jour. En 29e position sur 29. "C'est une affaire qui a failli passer inaperçue, explique Georges Castillo, conseiller municipal d'opposition (socialiste), lors de la manifestation contre l'installation du poulailler. J'ai lu cette délibération et c'est quelque chose qui m'a choquée sur les principes de la condition animale, de la mal bouffe et autour d'un modèle économique et industriel qui me déplaît profondément. Quand on regarde l'implantation - puisque dans la délibération - il y avait le plan, on voit que c'est limitrophe de Châlons, des quartiers de La Croix Jean Robert, de la Croix Dampierre. Donc les habitants de ces quartiers-là vont être directement impactés au-delà des dizaines de camions qui vont circuler sur la deux fois deux voies de Sarry qui est extrêmement dangereuse. Il va y avoir sept rotations par an de plus de 100 000 poulets, et à chaque fois, on nettoie, on évacue le lisier. Il y aura donc des nuisances sonores, des odeurs. On nous assure que tout cela sera traité de manière réglementaire, mais ce sont des questions qui nous inquiètent beaucoup".
Lors de ce conseil municipal, (extrait des débats le poulailler), Georges Castillo a pris la parole. "Mon intervention semble avoir déplu au maire de Châlons, et à Lise Magnier, députée et conseillère municipale qui m'ont répondu que ce projet était une bonne chose". Alors que son opposition évoque la cause animale et la mal bouffe, le maire de Châlons-en-Champagne, Benoist Apparu, parle d'une structure qui "respectera la réglementation animale française dans un pays où nous contrôlons de façon lourde ces exploitations. Il y a aussi des contrôles qualité pour savoir si les produits qui en sortent sont de bonne ou de mauvaise qualité (...) Nous considérons qu'il est de notre devoir d'accompagner ce développement agricole pour que l'on puisse produire en France des produits de bonne qualité qui pourront nourrir pour pas trop cher nos concitoyens et sans avoir à importer de la viande d'Amérique du Sud".
Le conseil municipal de Châlons-en-Champagne a donc voté pour la réalisation de ce méga poulailler face à quatre votes contre et une abstention.
La centaine d'habitants et de représentants politiques présents pour dire non au projet de poulailler industriel ne comptent pas lâcher leur pression. Place maintenant à la réflexion de l'Etat sur le sujet. Au préfet de la Marne d'en décider ou non sa réalisation.