Trois anciens employés de l'équipementier automobile Trèves ont développé des tumeurs de l'appareil urinaire. Ils souhaitent faire condamner leur ancien employeur, qui ne pouvait selon eux ignorer les risques sanitaires causés par l'exposition aux produits chimiques utilisés sur son site de Reims (Marne), suite à plusieurs rapports de l'inspection et de la médecine du travail.
Le témoignage de plusieurs ex-employés de l'équipementier automobile Trèves, sous-traitant de Renault, Peugeot, Nissan, pourrait plonger celui-ci dans la tourmente. Après avoir développé des tumeurs de l'appareil urinaire et fait reconnaître leur caractère professionnel, ces derniers veulent que la justice reconnaisse leur préjudice.
Maître Gérald Chalon, du cabinet d'avocats ACG de Reims (Marne), est leur conseil. Il organisait une conférence de presse ce samedi 25 janvier 2025, après le bouclage du dossier (initié en août 2023). Le pôle social du tribunal judiciaire (ex-tribunal des affaires de la Sécurité sociale jusqu'en 2019) sera saisi officiellement dans la semaine du 27 janvier.
Trois anciens travailleurs du centre d'études et de recherche automobile (Cera) de Reims, qui travaillaient sur les pièces d'insonorisation ou d'isolation, ont témoigné devant les journalistes. Ils ont respectivement 47, 62, et 75 ans (ce dernier a travaillé de ses 14 à 70 ans pour Trèves). Les dossiers de deux de leurs collègues sont en cours de constitution. Et bien d'autres anciens travailleurs malades ou décédés pourraient être concernés selon les trois hommes.
Des produits chimiques à foison
Ancien technicien du laboratoire d'acoustique au sein du site rémois de Trèves (qui a bénéficié de subventions), Laurent Guichard, 62 ans, a donné 28 ans de sa vie à cette entreprise. Ce n'est que l'année dernière que son licenciement pour inaptitude (due à la maladie) s'est fait. Il rapporte que la ventilation des locaux du laboratoire, un lieu très clos où il opérait, était insuffisante pour évacuer "tous les produits chimiques. On était exposé à des substances en permanence. Des stagnations s'opéraient." Il ne portait pas de gants ou de masque (son collègue en avait, mais très rudimentaires).
"[Des futs] étaient ouverts en permanence, il y avait des presses de formage..." Ces dernières chauffaient fortement les pièces automobiles pour leur donner leur forme... ainsi que les substances dérivées de l'industrie du pétrole dont elles étaient imbibées. "Les mains sont aussi en contact avec." Il suffit d'un grattement et d'un micro-saignement pour que ça passe dans le sang. Un autre employé rapportait que les pauses-déjeuner avaient lieu dans le laboratoire de métrologie : inhalation, contact, ingestion, un cocktail fatal.
"On veut faire reconnaître la faute inexcusable de l'entreprise", résume Gérald Chalon, l'avocat. "La Sécurité sociale a reconnu ces maladies professionnelles, et le code de la Sécurité social prévoit cette saisine juridique pour la faire reconnaître." Les négociations à l'amiable ont en effet échoué, et l'employé Steve Carré rapportait qu'au sein de l'entreprise, on lui avait conseillé "de fermer sa gueule et quitter le site", invoquant seulement "l'impact financier" pour Trèves.
Faire reconnaître tous les préjudices
"Une faute inexcusable", reprend l'avocat, "c'est principalement deux éléments : l'employeur ne pouvait ignorer le risque auquel il soumettait ses salariés, et ne prenait pas les moyens nécessaires pour les protéger et assurer leur sécurité au travail." Le cabinet détient "toute une série de rapports sur 15-20 ans sur le fait que la société était parfaitement informée de tous ces risques d'exposition aux produits chimiques cancérigènes. Les documents étaient dans leurs mains, mais rien n'a été fait" malgré le travail effectué par l'inspection du travail et la médecine du travail.
"Ce type de faute, si reconnue, permet l'indemnisation intégrale des préjudices du salarié, la majoration de la rente liée à la maladie professionnelle. Tous les préjudices sont indemnisés : moral, physique, etc." L'un des employés a dû subir une ablation de la vessie et doit maintenant porter une poche en permanence.
L'affaire sera jugée au tribunal de Reims. La date n'est pas connue, la procédure peut prendre un an. Sollicitée par France 3 Champagne-Ardenne, l'entreprise Trèves n'a pas répondu. Sur son site Internet, elle met en avant que "la santé et la sécurité des employés sont une priorité essentielle" pour elle.