Avec une programmation très tournée vers le Japon et la Corée, la Magnifique Society revendique fièrement ses ambitions internationales. Pour cette troisième édition, qui a démarré ce jeudi 13 juin, le festival tente l'ouverture sur un nouveau continent : l'Afrique.
Tout a commencé par un souhait, celui de sortir d'un festival "rémo-rémois". De s'ouvrir sur le monde. Prendre une pente radicalement différente. "Avec des artistes comme Yuksek, Brodinski, The Shoes, nous étions très portés sur la scène rémoise. À l'opposé, on a voulu casser cette image pour inscrire Reims dans une dimension internationale", explique Cédric Cheminaud, directeur de la Cartonnerie et de la Magnifique Society, qui s'est tenue ces 13, 14 et 15 juin au parc de Champagne à Reims.
Dès la création du festival, Cédric Cheminaud et son équipe ont fait le pari de l'ouverture sur la scène internationale, plus particulièrement la scène japonaise. "L'Institut français du Japon nous a invités au Tokyo International Music Market. L'institut sélectionne des projets culturels français et voit les connexions qui peuvent se faire. On a tissé des liens, avec du contenu et des idées", détaille le Rémois.
Ouverture sur l'Asie et l'Afrique
Depuis les débuts du festival, artistes japonnais et identité niponne se sont immiscés dans la programmation. D'abord sur la scène Space ODD, où se trouvait aussi l'espace rétrogaming, puis intégrés aux scènes secondaires Club Trotter et Central Parc à l'édition 2019. "En tout, on a programmé douze artistes asiatiques sur une quarantaine de musiciens, soit plus de 20%", précise Vivien Becle, coordinateur du festival.À noter aussi, l'arrivée de la Corée et d'artistes africains, avec qui l'équipe du festival a envie de nouer des liens.
Le Nyege Nyege festival se déroule à Jinja, en Ouganda, dans un cadre paradisiaque, bien plus vierge que celui du parc de Champagne.On ne fait pas de calculs. On fonctionne à la rencontre. On a repéré un certain nombre d'artistes africains, on s'est rendu compte qu'ils étaient rattachés au Nyege Nyege Festival, qui se déroule en Ouganda. Et qu'il y avait un certain nombre de similitudes entre ce festival et le nôtre, notamment le site. Le Nyege Nyege se déroule autour d'un lac, les scènes sont placées dans la jungle, c'est très vert, luxuriant.
- Cédric Cheminaud, directeur de la Cartonnerie à Reims et de la Magnifique Society
Se démarquer auprès des artistes et des festivaliers pour survivre
Il faut dire que la Magnifique Society a une position difficile à tenir : celle d'un festival "moyen", comprendre qui ne doit être ni trop grand, ni trop petit, dans un paysage à l'offre saturée. Plus de 3.000 festivals en deux mois et demi, dont une centaine qui rassemblent plus de 15.000 festivaliers. "C'est le plus compliqué, affirme Cédric Cheminaud, se refusant d'être à la tête d'un gros rendez-vous à 200.000 entrées. Vous êtes tout le temps sur la brèche. Vous devez avoir des artistes assez conséquents, sans avoir le budget pour tous les avoir. C'est pour cela qu'on développe tous ces à-côtés (l'espace retro-gaming, l'ouverture sur l'Asie, ndlr). Nous on arrive, on va discuter avec les agents, on les assomme d'idées. On leur dit : 'Tiens on va à Tokyo.' On leur propose de nous suivre."
C'est d'ailleurs chose faite dès les débuts du festival. D'abord avec l'Ardennaise Fishbach qu'ils ont emmené à Tokyo, ou encore Club Cheval et Para One. Puis le Français Moodoïd collaborant avec la tokyoïte Wednesday Campanella. La même année, c'est la consécration puisque l'équipe de la Magnifique emmène dans ses valises le rappeur Orelsan et le DJ Vladimir Cauchemar. D'ailleurs, Cédric Cheminaud aimerait nommer ce dernier ambassadeur du festival.
Effectivement, l'équipe s'est aperçu qu'il fallait des moyens et une équipe conséquente pour concrétiser un tel voyage. "On s'est rendu compte en accompagnant Fishbach, que c'était peut-être un peu tôt quand nous l'avions amenée. Elle n'était pas assez entourée", détaille Cédric Cheminaud Et Vivien Becle de renchérir : "Pour Orelsan, ça a été totalement différent. C'est un grand fan du Japon. Il nous a accompagnés avec pleins d'idées en tête, ce qui a fait que sur place, il s'est fait sa propre vie."Ce sont des connexions que l'on crée. On crée les conditions avec les artistes et leurs équipes pour développer leurs projets en Asie. On n'est pas des attachés de presse ou des managers à l'étranger. On est un festival ouvert à l'étranger, avec un réseau, notamment notre partenaire japonais Creativeman qui organise de nombreux festivals, qui a des clubs sur place etc.
- Cédric Cheminaud, directeur de la Cartonnerie et du festival
Le DJ Vladimir Cauchemar et le Français de Moodoïd se sont rendus à Tokyo avec l'équipe de la Magnifique Society, en mai 2018 :
Si l'initiative rapporte "tout sauf de l'argent" selon son directeur, elle stimule la créativité et les échanges culturels. "Il n'y avait aucun lien entre la France et le Japon, le pays étant très fermé, ou même l'Asie de manière générale, analyse Vivien Becle. Ça a toujours été quelque chose d'excitant, parce que c'est une culture tellement différente… tout ça a fonctionné parce qu'eux n'ont pas l'habitude de venir ici et nous on n'a pas l'habitude d'aller chez eux."
Selon le directeur, ces voyages ont notamment permis de créer les visuels du festival. Sur place, l'équipe et les artistes ne rencontrent pas que des producteurs et des musiciens. Ils voient aussi des mangaka (des auteurs de manga), des gens de la mode, des journalistes… autant de personnes qui les stimulent artistiquement.
Des voyages qui donnent aussi des envies à l'équipe du festival. "Vous prenez le même nombre de public au Japon : ils sont tous alignés, bien rangés. Ils commencent le festival à 9h du matin. Cela pose des questions : est-ce qu'on pourrait amener ces choses, mais en les adaptant, comme commencer l'après-midi ?", se demande Cédric Cheminaud, légèrement dubitatif sur l'idée de débuter un festival aux aurores.
Pour l'heure, l'ouverture sur l'Ouganda reste à l'état de projet. L'équipe aimerait y emmener Vladimir Cauchemar, pourquoi pas créer une collaboration artistique. Christian Allex, le programmateur de la Magnifique Society, a en tête de se tourner vers la Colombie. "Entre la Cartonnerie, le festival... nous sommes déjà suffisamment occupés, pose le directeur. Nous avons lancé les contacts, nous verrons les résultats." Prudents, mais déjà des idées plein la tête.