Marne : deux syndicats agricoles en campagne pour promouvoir leur filière, certains pointent "de la propagande"

Ce sont deux syndicats agricoles incontournables, la FNSEA et les Jeunes agriculteurs. Ils se sont une nouvelle fois associés pour lancer une campagne de promotion de leur activité déclinée en Champagne-Ardenne. Une initiative qui fait grincer quelques dents. Explications.

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"C’est une dynamique collective. L’idée, c’est de montrer que l’agriculture c’est de l’alimentation". Posant devant les photographes, aux abords d’un champ, Hervé Lapie, le président de la FDSEA (Fédération Départementale des Syndicats d'Exploitants Agricoles) de la Marne et du Grand Est, lance une campagne de promotion des agriculteurs marnais. A ses côtés, le président des JA51, jeunes agriculteurs, l’autre gros syndicat agricole.

C’est ainsi que 250 banderoles vont être installées sur les routes de campagne du département, "il s’agit d’une campagne nationale", explique Hervé Lapie. On peut y lire "votre alimentation commence ici." Sont aussi présents à cette conférence de presse de lancement, ce lundi 15 juin, les incontournables du secteur que sont Cérèsia, une coopérative céréalière et Cristal Union, un mastodonte de la culture sucrière. Sans oublier la chambre départementale d’agriculture de la Marne.

Tous parlent d’une même voix : "l’agriculture doit participer au rebond, le premier pilier de la société c’est l’agriculture." Il faut dire que la Marne est le premier département agricole de France. Le message que l’on martèle ici, c’est que le consommateur doit privilégier les circuits courts et interpeller les pouvoirs publics pour lutter contre l’importation d’une "alimentation que nous ne voulons pas".

 

Omission ?

Grands absents pourtant de cette initiative louable les autres syndicats comme la Confédération paysanne ou la Coordination rurale. Il faut dire que, depuis quelque temps déjà, ces syndicats sont moins médiatisés. Mais ont-ils été sollicités pour faire partie de la campagne "notre alimentation commence ici" ?

"Ce doit être une omission", se risque Etienne Lanoue, secrétaire général de la Confédération paysanne des Ardennes. Ce producteur, qui fait aussi partie d’un drive, regrette que la FDSEA fasse ce genre de campagne pour redorer son blason. "Cela fait suite à l’agribashing qu’ils ont connu l’an passé", explique-t-il. Si cela va quand même dans le bon sens, "cela reste de la propagande", lâche-t-il finalement.

 

Durant le confinement, les drive-fermiers ont connu une fréquentation exponentielle, le fameux circuit-court défendu par le syndicat majoritaire. "Je regrette qu’ils (la FDSEA ndlr) surfent là-dessus." Dans le drive de Vouziers, les paniers hebdomadaires sont passés durant la période de 70 à 130 par semaine. "C’est de bonne guerre que de communiquer sur le côté proximité, développe Etienne Lanoue. Mais c’est un paradoxe aussi quand on sait que la moitié de la production agricole part à l’étranger."

"On ne surfe sur rien du tout, se défend Hervé Lapie. C'est une campagne qui a été décidée au niveau national en novembre 2009, effectivement au moment où l'agriculture était attaquée, et que nous ne réalisons dans la Marne que maintenant. Mais il reste, aujourd'hui comme hier, très important d'expliquer aux gens que certains des produits qu'ils consomment sont faits tout près de chez eux, de leur expliquer comment ils sont faits et qu'ils peuvent aider leurs agriculteurs locaux. Nous défendons l'agriculture et les agriculteurs en général. D'ailleurs, sur les banderoles de cette campagne, dans la Marne, nous n'avons pas fait imprimer le logo de la FDSEA."

Pour bien comprendre les choses, il faut recontextualiser. La FNSEA (Fédération nationale qui regroupe les FDSEA départementales) est le syndicat le mieux représenté en France. "Rien d'étonnant donc à ce que les chambres d’agriculture soient associées aux opérations de promotion et de communication", explique la Confédération paysanne.

Dans la Marne comme dans beaucoup d'autres territoires, la FDSEA est ainsi majoritaire chez les agriculteurs. Jusque dans les drive-fermiers du département, de l’ordre de 80 % selon nos informations. Mais ce n’est pas partout pareil.  Dans l’Aveyron par exemple, la confédération paysanne est majoritaire alors qu'elle ne représente que 6% des 10.000 exploitants marnais. Autant dire que, dans la Marne, elle est inaudible.

 

Un syndicat trop puissant ?

Certains, sous couvert d’anonymat, n’hésitent pas à affirmer que, dans beaucoup de territoires français, la FNSEA fixerait ainsi ses règles à tous, confortée par sa puissance. "Nous, Confédération paysanne, on manque de visibilité, nous ne sommes pas adossés aux chambres départementales d’agriculture et ne communiquons pas aussi bien que d’autres", reconnaît pour sa part Etienne Lanoue.

Pour cet autre agriculteur de Champagne-Ardenne, qui a demandé à ne pas être cité, la reconquête du consommateur est une bonne chose. Pour autant, il ne croit pas trop à ces banderoles au bord des routes. Et d’expliquer :" je dois faire attention à ce que je dis. Je n’appartiens à aucun syndicat agricole, j’estime qu’il y a de la récupération, le circuit-court, le bien-manger ne devrait pas être l’apanage d’un syndicat".

Il fait pourtant la différence entre FNSEA et Jeunes agriculteurs. "On n’a jamais vu la FNSEA oeuvrer pour les petits producteurs. Mais pour les grands projets industriels, ils sont toujours là." Un sentiment partagé par Etienne Lanoue qui estime que la FNSEA est acoquinée avec les grands groupes agro-industriels. Les Jeunes agriculteurs ont plus de grâce aux yeux de notre interlocuteur, "ils viennent en aide aux « petits »"

Des affirmations qu'Hervé Lapie qualifie de "clichés visant à créer la confusion. Au niveau national, nous avons parmi nos adhérents 8% d'agriculteurs bios, 25% de producteurs d'énergies vertes et 30% qui sont en circuits courts", rappelle le président de la FDSEA pour la Marne et le Grand Est.

Reste que, globalement, à côté de la FNSEA, certains syndicats agricoles peinent à exister et à se faire entendre y compris au plus haut sommet de l'Etat, comme le constataient déjà en 2015 nos confrères de Libération.

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