Une réunion entre l'intersyndicale et la direction s'est tenue au siège d'ArcelorMittal Reims ce 15 janvier. Quelques avancées ont été obtenues pour les salariés, notamment concernant les primes de mobilité et les planchers des primes de départ. Mais elles restent très éloignées des revendications principales. La CGT appelle à un mouvement national.
"Ils ont rien compris!", "Ils veulent vraiment qu'on travaille après ça ?", "je vous jure que demain y a pas une machine qui marche!". Il est 13h30 à Saint-Brice-Courcelles (Marne), devant le siège du site rémois d'ArcelorMittal. Des dizaines de salariés laissent éclater leur colère après avoir entendu les avancées obtenues...trop minces pour eux.
Ces salariés ont en effet une revendication principale: une prime supra légale de 2000 euros par année d’ancienneté. "Les salaires étant de 2000 euros par mois en moyenne, ça fait 70 000 euros pour quelqu'un qui a 35 ans d'ancienneté. Si on ajoute la prime légale, il partirait avec 100 000 euros, ce n'est pas si énorme quand on regarde la plupart des plans sociaux, surtout pour quelqu'un qui ne retrouvera probablement pas de vrai travail à quelques années de la retraite" explique Frédéric Aubert, délégué CFE-CGC.
Mais sur cette question, les concessions de la direction semblent à la marge. En effet, elle reste sur l'idée d'une prime supra légale dégressive en fonction de l'ancienneté : 2000€ pour moins de 10 ans d'ancienneté, 1000€ de 10 à 20 ans, 850€ de 20 à 30 ans et 500€ pour 30 ans et plus. Des planchers (un montant minimum à atteindre) sont toutefois ajoutés à partir de 20 ans d'ancienneté.
5000 euros pour les plus anciens
Un geste pour les plus anciens: le recul du plancher, pour le total des primes des salariés ayant entre 30 et 35 ans d'ancienneté, à 75 000€ (contre 70 000€ précédemment). "Ils considèrent que 5000 euros de plus est un gros effort du groupe ArcelorMittal alors qu'il dégage des profits immenses" se désole David Blaise, délégué syndical central CGT ArcelorMittal. "Les salariés sont anéantis, la difficulté va être de retrouver un emploi, sur le bassin de Reims car ils n'ont pas envie de bouger et le secteur de l'industrie est en crise".
Je ne pensais pas quitter ArcelorMittal dans ces conditions-là
Philippe, salarié depuis 34 ans
Sur les 130 salariés concernés, rares sont en effet ceux qui se disent prêts à être reclassés dans une autre région. "Les choses ne sont pas claires et qui dit que ces salariés ne seront pas à nouveau concernés par un plan social dans deux ans ?" s'interroge Laurent, qui travaille sur le site de Reims depuis 36 ans.
"Je ne pensais pas finir dans ces conditions-là", poursuit Philippe qui en est à 34 ans de carrière "car même si ArcelorMittal n’a pas une bonne image de marque, on était bien ici. C’est un travail qu’on aime. Il y avait une prime d’intéressement, de participation, on était bien lotis … là c’est le coup de massue".
L'ambiance s'est peu à peu dégradée depuis l'annonce de la fermeture du site. "On ne pourra pas continuer comme ça jusqu’au mois de juin" affirme Philippe. "Tout le monde est démotivé, on vient au travail car on n’abandonne pas nos postes mais on doit tourner à 20% de ce qu’on pourrait faire. Le carnet de commande est plein et on passe notre temps à marcher dans les couloirs et parler". Et cette atmosphère pourrait bien passer de morose à explosive selon eux : "les esprits commençaient déjà à s'échauffer avant les vacances de Noël, là ça va dégénérer".
Des salariés tentent d'entrer dans les bureaux
Après avoir entendu ces propositions, quelques salariés ont tenté d'entrer dans les bureaux pour pouvoir s'adresser directement aux membres de la direction. Mais ils sont restés dans le hall, leurs interlocuteurs ayant visiblement quitté les lieux.
"On avait dit que si les négos étaient correctes on finirait proprement mais là c’est plus possible" affirme Alain, salarié depuis 33 ans sur le site de Reims. Beaucoup veulent désormais durcir le mouvement : "Il y a des stocks qui ne vont sûrement pas sortir des ateliers parce que ça coûte de l'argent... ou alors ils seront un peu humides". Les représentants syndicaux constatent impuissants cette colère s'exprimer. "On leur dit de ne pas casser mais le problème est qu'ils n'ont plus rien à perdre" constate une déléguée CFE-CGC.
De son côté, Agnès Laurent, déléguée FO et secrétaire du CSE d'ArcellorMittal Reims exprime sa lassitude: "moi je partage ce sentiment de frustration car quand on a passé autant d’années dans la boite, qu’on a connu autant de réorganisations, de restructurations, qu’on a jamais lésiné sur les heures supplémentaires et qu’on avait la conscience du travail bien fait, on se sent tout simplement humilié".
Il faut un mouvement national
David BlaiseDélégué central CGT chez ArcelorMittal
Alors que la direction assure que cette réunion était la dernière et ces propositions définitives, la CGT appelle ainsi à étendre le mouvement au niveau national. "On va continuer à créer le rapport de force, à lever le pied et faire des grèves affirme David Blaise et on va le faire sur tous les sites d'ArcelorMittal, pas seulement sur Reims. On va durcir le mouvement avec nos camarades de Dunkerque, de Florange, de Fos-sur-Mer".
D'autres syndicats veulent calmer la tempête et prendre le temps de regarder avec attention ces annonces de la direction. C'est le cas de la CFDT. "On va étudier ces propositions, on va les soumettre aux salariés, et regarder cas par cas ce que ça implique" explique Jean-Marc Vecrin, coordinateur central CFDT. "Si les salariés ne sont pas satisfaits on ira voir la direction pour leur dire qu’on est prêts à aller plus loin. Mais on ne doit pas partir n'importe comment, c'est normal que la colère s'exprime à chaud".
Des salariés venus de partout en France
Ils sont plusieurs dizaines à être venus des autres sites français d’Arcelormital ce mercredi 15 janvier pour encourager leurs camarades rémois.
"C’est important de montrer notre soutien" explique David Vernier, représentant CGT sur le site d’Ottarsheim. Lui est arrivé hier soir après 4h30 de route. "Chez nous, il n’y a qu’un poste concerné par le plan social pour l’instant mais nous sentons bien que d’autres vont suivre".
Si on laisse passer ça, ça va faire jurisprudence.
Reynald QuaegebeurDélégué CGT sur le site d'ArcelorMittal Dunkerque
Ces salariés savent que l'issue des négociations à Reims déterminera le sort des prochains sur la liste. "On voit que les conditions de départ sont de plus en plus mauvaises" explique Reynald Quaegebeur, venu de Dunkerque. "J'étais il y a 20 ans à Isbergues, et après un plan social, j'ai été reclassé à Dunkerque à moins de 60 kilomètres de chez moi. J'ai touché 27 000 euros. Ici, la prime pour une mutation n'est que de 10 000 euros et il n'y a aucun site à moins de 300 kms, ce qui veut dire changer totalement de vie". Selon lui, il est essentiel d'obtenir de meilleures conditions de départ: "si on laisse passer ça, ça va faire jurisprudence".
"Quand on est dans un groupe où on sait que personne n’est à l’abri, c’est important de tous nous mobiliser", ajoute Christophe Jacquemin, délégué syndical CGT. "On ne peut pas accepter de ne plus produire de l’acier en France. On ne se laissera pas mourir". Pour ce représentant syndical, l'Etat doit intervenir pour protéger ce type d'activité et empêcher les délocalisations.