Découvrir l'architecture et les vitraux de la cathédrale de Reims quand on est déficient visuel, c'est possible grâce à l'association rémoise Le regard au bout des doigts. Elle vient de lancer une visite en audiodescription accessible grâce à un QR code.
"Elle est haute, imposante, blonde, couverte de statues de pierre. Des grandes, des petites. Alignées, groupées, isolées. Des statues du Christ, de la Vierge, de saints, de rois, d'animaux. Des gargouilles. Et des anges, beaucoup d'anges." Guidé par cette voix douce, les personnes malvoyantes peuvent désormais admirer la majestueuse façade occidentale de la cathédrale de Reims, avec écouteurs sur les oreilles et téléphone portable en main.
L'association rémoise Le regard au bout des doigts vient de lancer une plateforme d'audiodescription afin de permettre aux déficients visuels d'admirer, sans les voir, les richesses de cet édifice gothique bâti au XIIIe et XIVe siècle. Grâce à des textes très descriptifs, les vitraux de Marc Chagall, d'Imi Knoebel ou de Brigitte Simon sont ainsi accessibles au plus grand nombre. Il suffit de scanner le QR code affiché à la boutique de la cathédrale ainsi qu'à l'office de tourisme pour avoir accès gratuitement à cette plateforme baptisée "L'œil sonore".
"Sentir l'ambiance du lieu"
"On pourrait écouter l'audiodescription depuis son canapé, mais l'idée, c'est d'entendre les pas résonner dans la nef, ressentir l'espace, les masses, sentir la chaleur des cierges, la fraîcheur du monument, l'ambiance du lieu, explique Aurore Sohier, la présidente de l'association. La qualité de l’écriture et de l’interprétation ouvre l'imaginaire et propose une image mentale. Pour l'ange au sourire, par exemple, on explique comment il se tient et comment est son sourire. Chaque détail est décrit."
A l'origine de ce projet, il y a une rencontre en octobre 2019 entre Aurore Sohier, bibliothécaire, et Marie Diagne, audiodescriptrice professionnelle. La première invite la seconde à participer à la projection d'un documentaire. "En sortant de la médiathèque Falala, Marie me dit 'Qu'elle est belle la cathédrale', je lui dis que je veux bien la croire, car je ne la vois pas. Elle me répond de suite 'Si tu veux, je te la décris pour ton asso, trouve-moi les sous !"
Quatre heures d'audiodescription
Des sous, elle en trouve, non sans difficultés, en sollicitant collectivités et partenaires privés. Au final, elle parvient à collecter 40 000 euros, de quoi financer l'écriture des textes, l'enregistrement en studio, ainsi que l'hébergement de la plateforme. Les deux femmes font appel à un historien spécialiste de la cathédrale, Yann Harlaut, pour les orienter vers le choix de leurs descriptions. "Des visites sont organisées pour que Marie et sa collaboratrice Sophie Vallès s'imprègnent du lieu. Il y a un gros boulot d'écriture, souligne Aurore Sohier.
Au total, le parcours dure quatre heures, mais il est découpé en vingt parties. Le visiteur peut réaliser la visite en plusieurs fois ou ne choisir que les chapitres qui l'intéressent. "Pour les voyants aussi, l'audiodescription est intéressante, car elle permet de découvrir certains détails qui leur avaient échappés." Pour se déplacer au sein de l'édifice, les visiteurs peuvent soit se laisser guider par la voix enregistrée d'un des adhérents, ou utiliser un plan tactile, en braille.
Traduction anglaise
Au fil des tests, d'autres fonctionnalités ont été ajoutées comme un lexique qui permet d'expliquer certains termes comme linteau, gable ou arc brisé. Des petits objets tactiles permettant de mieux se représenter ces éléments architecturaux devraient aussi bientôt voir le jour.
Une traduction anglaise de l'audiodescription est également en projet. "La plateforme peut aussi héberger d'autres parcours, précise Aurore Sohier, jamais à court d'idées. Pourquoi pas la basilique Saint-Remi ou la bibliothèque Carnégie ? Il y a tellement de monuments intéressants à faire découvrir."