Science : contamination des échantillons d'astéroïdes sur Terre, quel impact sur les résultats scientifiques ?

Des filaments bactériens ont été observés par des scientifiques sur des échantillons de l’astéroïde Ryugu. Les chercheurs concluent à une contamination terrestre. Cela peut-il entraîner des conséquences sur les analyses menées au Centre de recherches pétrographiques et géochimiques (CRPG) de Nancy. Bernard Marty, professeur à l'École nationale supérieure de géologie et chercheur au CRPG, nous répond.

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Une équipe de scientifiques britanniques a observé des filaments bactériens sur un échantillon en provenance de l’astéroïde Ryugu. Ces échantillons ont été rapportés par la mission Hayabusa 2, de l'agence spatiale japonaise (Jaxa), en décembre 2020. Cette observation a fait l’objet d’un article scientifique.

Pour Bernard Marty, Professeur de Géochimie à Université de Lorraine et chargé de recherches au CRPG à Nancy, cette découverte n’a rien de surprenant et n’altère en rien les analyses effectuées. Il explique : "À leur arrivée sur Terre, dans une région désertique d’Australie le 5 décembre 2020, une partie des échantillons a été placée sous vide et l’autre partie sous atmosphère d’azote neutre. Le temps de les trier, les caractériser, de prendre des photos, etc.

Ensuite, les échantillons ont été envoyés aux laboratoires sélectionnés. Certains ont conservé les échantillons sous vide ou sous atmosphère d’azote, tandis que d’autres ont dû les exposer à l’air pour les préparer. Le fait que la biosphère terrestre intervienne et interagisse rapidement n’est pas surprenant. On s’y attendait.

L’article a l’avantage de démontrer que cela se produit effectivement et assez rapidement. Ils ont, aussi, réussi à le quantifier. Ils ont pu travailler sur le délai de contamination. Ils ont pu montrer quel type de contamination était à l’œuvre, ce qui n’est pas inintéressant."

Bernard Marty nous explique que certains échantillons arrivés au CRPG ont, eux aussi, été exposés à l’air, impossible de faire autrement pour pouvoir les peser. "Nous avons reçu les échantillons dans des petites boîtes scellées sous atmosphère d’azote. Nous avons dû les ouvrir pour les peser et les placer dans notre chambre où nous les avons chauffés avec des lasers. En revanche, nous n’avons pas observé d’interaction avec des gaz atmosphériques. Le processus est différent."

Deux contaminations différentes

En réalité, il y a eu deux types de contamination. Ces échantillons ont été rapportés par une capsule qui, en principe, était étanche à l’atmosphère terrestre. Mais au CRPG, comme dans d’autres laboratoires, "nous avons analysé les gaz rares, qui sont notre spécialité. Nous avons constaté qu’il y avait eu des interactions minimes avec l’environnement terrestre. Après prélèvement dans l’espace, lorsque l’échantillon est arrivé en Australie, l’équipe japonaise avait monté un petit laboratoire mobile dans lequel ils ont prélevé le gaz ambiant dans la capsule, sans l’ouvrir. Ce gaz ambiant a été réparti entre cinq laboratoires, dont le CRPG. Nous nous attendions à trouver des gaz dégazés par les échantillons eux-mêmes, mais nous avons aussi trouvé une infime part de gaz atmosphérique terrestre, ce qui montre que ce n’était pas totalement étanche."

La deuxième contamination, la contamination bactérienne rapportée dans l’article, est due au fait que des échantillons ont été exposés à l’air dans un des laboratoires. Les scientifiques avaient besoin de les préparer. C’est donc une contamination secondaire.

Les gaz extraterrestres

Ce qu’il faut retenir finalement reste une avancée majeure dans la connaissance de ces astéroïdes.
Le CRPG a pu déterminer que les gaz rares présents dans cette matière extraterrestre sont plus abondants que dans les météorites, qui contiennent des gaz similaires à ceux que l’on trouve dans un certain type de météorites, les chondrites carbonées de type I (CI). "Ce sont des météorites assez rares, considérées comme les plus primitives de notre système solaire". D’ailleurs, deux sont tombées en France sur les cinq ou six connues. Une à Orgueil dans le Sud-Ouest, et l’autre à Alès. "Ces météorites sont très riches en gaz volatils : azote, carbone, etc. Cette matière échantillonnée par Hayabusa 2 et Osiris Rex, qui a échantillonné un autre astéroïde avec les mêmes caractéristiques.

Nous avons des météorites qui ont la même composition isotopique. Ce qui fait la différence, dans ce cas précis, c’est qu’ils étaient deux à trois fois plus abondants en gaz rares. Ce qui signifie que, lorsque les météorites tombent sur Terre, soit lors du processus de rentrée atmosphérique, soit lors d’interaction avec l’environnement, elles perdent des gaz, ce qui leur fait perdre leur caractère un peu primitif."

Les scientifiques britanniques concluent : "la présence de micro-organismes terrestres dans un échantillon de Ryugu souligne que les micro-organismes sont les plus grands colonisateurs du monde et qu'ils sont experts dans le contournement des contrôles de contamination." Une preuve de plus, s’il en fallait une, que les micro-organismes représentent la majeure partie du monde vivant.

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