En plein cœur de l'hiver, alors que le plan grand froid est activé, des sans-abri de Nancy, en Meurthe-et-Moselle, témoignent de leur quotidien difficile. Entre problèmes de santé non traités et manque d'hébergement, ils nous ont, en partie, raconté leurs histoires.
Alors que le plan grand froid a été activé dans plusieurs départements dans le Grand Est et en France, nous sommes allés à la rencontre de ceux qui dorment dehors et des associations, qui leur viennent en aide.
Dimanche 12 janvier, matin, c’est jour de maraude pour la société Saint-Vincent de Paul de Nancy en Meurthe-et-Moselle. Les bénévoles arpentent les rues de la ville et proposent des boissons chaudes accompagnées d’un morceau de galette. Ils distribuent aussi des couvertures et des vêtements."Nos amis de la rue apprécient énormément d'avoir un bon café maison, un chocolat chaud, un peu de réconfort", nous explique Pascal, bénévole à l’association. Les "amis de la rue", il les connaît bien. Voilà six ans qu’il les retrouve chaque dimanche.
Ce jour-là, avec les autres bénévoles, ils sont reconnus et arrêtés par des hommes et des femmes, dont nous n’avons pas imaginé qu’ils étaient à la rue. Ils marchent dans la ville et semblent connaître le parcours de la maraude. Ils viennent chercher quelque chose à manger et se réchauffer avec un petit café.
Les accidents de la vie qui mènent à la rue
Un peu plus loin, il y a ces deux hommes allongés à même le sol en pleine rue alors que les températures de la nuit étaient négatives. Les prochaines nuits seront glaciales. L’un d’eux nous raconte : "J'ai de gros problèmes de santé, je dois être opéré. Voilà des années que ça dure parce que, comme je suis dans la rue, je rate certains rendez-vous. Ils veulent me mettre dans un foyer, mais ça traîne. Je ne sais pas, je n'arrive pas à comprendre.
J'aimerais bien qu'ils me mettent dans ce foyer pour que je puisse me faire opérer. Je suis reconnu handicapé, normalement, j'ai les moyens de payer un appartement. Je ne comprends pas que ça ne soit pas plus rapide. Vraiment, c'est un truc de fou". Sur le conseil de Pascal, il ira voir une assistante sociale à la retraite qui vient en aide aux personnes pour les orienter vers les bons services administratifs.
Il n’y a pas de profil pour être à la rue. "Ce sont des accidents de la vie", nous, raconte Pascal. Un divorce, un licenciement, une maladie et c’est la descente aux enfers. C’est ce que nous raconte cet homme rencontré un peu plus loin, un jeune retraité qui vit seul. Pour lui, la rue, c’est nouveau. "Pour avoir un appartement, on me demande un garant. Mais je n’ai pas de garant et je n’ai pas droit à la garantie Visale d’Action Logement" (un dispositif qui garantit le paiement du loyer et des charges locatives à votre propriétaire en cas de défaillance de paiement).
En attendant de trouver une solution, il dort avec son blouson dans un sac de couchage : "Je reste habillé et j’ai du mal à dormir à l’aise." Si on lui parle du 115 et de l’hébergement d’urgence, il lève les yeux au ciel. "Je ne veux pas y aller. Je suis plus en sécurité ici, sauf si c’est à Maxéville où les chambres ferment à clé."
Un agenda des bons plans pour survivre
À la recherche d’un couple, Pascal et les autres bénévoles avancent plus loin dans la ville. Ils savent où se réfugient leurs amis de la rue. Ils trouveront le petit coin installé avec des couvertures, sans les occupants. Ils sont sans doute allés chercher un panier-repas, car c’est l'heure et le jour. Les sans-abri apprennent rapidement à ne pas manquer les rendez-vous des associations et des actions que la ville de Nancy met en place pour les aider. Ils ont tous en tête un agenda des bons plans pour survivre. Les bénévoles laisseront deux sandwichs et quelques denrées sur place avec une petite image qui indiquera au couple, qui a laissé cette nourriture pour eux.
Pour Pascal, venir en aide aux autres est une évidence : "Ce sont des rencontres. On a créé des liens, des attachements, on connaît leur vie. Non, c'est toujours aussi très fort. C'est très riche d'un point de vue humain, l'échange et tout, c'est très riche. On cultive notre humilité. On peut se poser la question : au 21ᵉ siècle, dans un pays comme la France, comment peut-on encore voir des gens dans cette précarité ? Le monde de la rue est très violent. On a de plus en plus de filles qui sont dans la rue, vulnérables et fragiles."
La soupe des sans-abri
Quand arrive midi, nous rejoignons la soupe des sans-abri, un rendez-vous hebdomadaire pour des dizaines de personnes. Ils et elles sont là, attendant la distribution de colis alimentaires, de café chaud et de soupe. Ce jour-là, il y a aussi des pâtes à la bolognaise. La température est de 1 degré, alors l’assiette réchauffe les mains en plus de nourrir. Des femmes, des hommes, des jeunes, des moins jeunes, tous les accidentés de la vie se retrouvent ici. Certains avec des pathologies visibles, mais qui restent en dehors des circuits médicaux.
Grégoire Bouvier, le président de l’association la soupe des sans-abri, nous explique qu’il peut y avoir plus de 90 personnes certains jours. Avec ces températures polaires et le plan grand froid activé, qu’est-ce qui pourrait changer pour ces personnes ? "Il n’y a pas assez d'hébergements. Le 115 est saturé. Chaque jour, il refuse des personnes."
Besoin de couvertures et de vêtements chauds
Actuellement, pour les aides, les associations, et la soupe des sans-abri en particulier, ont besoin de couvertures, de sacs de couchage, de chaussures grande taille, de vêtements chauds et de caddies pour qu’ils puissent y mettre leurs affaires.
Dans la discussion avec "les amis de la rue", nous comprenons que face à la précarité, ils organisent leur parcours hebdomadaire : "Maintenant, il y a aussi la soupe de la ville tous les soirs à 18h30. Il y a aussi le soir place Maginot à Nancy, des femmes qui distribuent des plats faits maison, excellents," nous indique l'un d'eux qui ne veut pas être reconnu. Il ne veut pas faire de peine à sa famille.
Des informations pratiques pour les sans-abri
Leur journée démarre, pour certains, du lundi au jeudi par le café sourire (87 bis rue des Quatre Églises, à Nancy) Puis direction le 34 de la rue des Fabriques… Où un accueil de jour est organisé. Il y a aussi la bagagerie, au 32 de la rue Saint Anne où ils pourront laisser leurs affaires pour la journée et trouver de quoi faire une pause au chaud. Le soir, les maraudes des différentes associations et des repas de la ville de Nancy. L’hébergement d'urgence auprès de 115 ou la rue pour la nuit.
Il existe un guide pratique "la rue à Nancy". Un site internet recense les différentes solutions de la Métrople avec l'AARS. Le week-end est plus compliqué, mais les maraudes et les repas du soir permettent de tenir un peu jusqu’au lundi.