Déchets nucléaires, l'Andra doit encore démontrer la sûreté du projet de stockage souterrain Cigéo à Bure

Dans le cadre du projet de stockage souterrain des déchets radioactifs Cigéo de Bure, l'Autorité de sûreté nucléaire pointe des risques d'incendie et d'explosion des colis radioactifs. Si elle prend acte des solutions de sûreté proposées par l'Andra, elle exige des tests grandeur nature.

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L'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra) a confirmé, lundi 20 janvier 2025, son intention de prolonger l'exploitation du laboratoire Cigéo de Bure (Meuse) jusqu'en 2050. En clair, prolonger les études et recherches au sein du labo au-delà de 2030-2040. 

Le gestionnaire des déchets nucléaires a franchi, en 2023, une étape majeure dans la réalisation du projet Cigéo. L'agence a déposé son dossier de demande d'autorisation de création (DAC)  à l'issue de trente ans d'études. L'évolution du projet Cigéo s'est faite sous le contrôle de l' ASN et de l'IRSN. Depuis le 1ᵉʳ janvier 2025, les deux entités ont fusionné pour créer une seule autorité de contrôle et de sûreté nucléaire : l'ASNR ( l'Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection).

Patrice Torrès, le directeur industriel et des activités du Grand Est à l'Andra, explique que cette demande de prolongation d'exploitation n'est pas vraiment une surprise :"cette décision de demander une autorisation de prolongation de l'exploitation du laboratoire date de plusieurs mois et a déjà fait l'objet d'une information auprès des élus et du comité local d'information et de suivi. J'ai profité des vœux de janvier pour le répéter parce que c'est une information importante".

Patrice Torrès : "nous aurons toujours des choses à acquérir".à propos de la demande de prolongation de l'exploitation du laboratoire © Marie Roussel / France Bleu Lorraine sud

Si l'évolution du projet du point de vue technique a été jugée à ce stade satisfaisante par l'autorité de contrôle, il reste de nombreux problèmes à résoudre afin de garantir, à terme, la réalisation d'une structure de stockage des déchets nucléaires les plus dangereux, la plus sûre et donc, la plus étanche possible.

Des déchets inflammables et explosifs

Parmi les nombreux défis à relever en matière de sûreté, deux focalisent l'attention : le risque d'incendie spontané des déchets bitumés et le risque d'explosion dû à la production incidentelle de dihydrogène, un gaz explosif produit par le phénomène de radiolyse.

Dans ses recommandations rendues publiques le 16 janvier 2025, le Groupe permanent d'experts pour les déchets (GPE) pointe le risque d'atmosphère explosive (ATEX) dans le scénario d'un arrêt de la ventilation. Quant au risque d'incendie des déchets bitumés, le GPE conclut que : "à ce stade, la démonstration de sûreté du stockage en l’état de déchets bitumés n’est pas acquise. L’ASNR considère que cette démonstration sera nécessaire en vue de la délivrance de l’autorisation de mise en service pour la phase industrielle pilote".

À ce jour, Patrice Torrès confirme que si les études et solutions de sûreté proposées par l'Andra sont validées par l'IRSN. Le rapport demande toutefois que soient réalisés des tests grandeur nature : "en ce qui concerne le risque ATEX, d'atmosphère explosive, oui, il peut y avoir un risque d'explosion lié à des problématiques chimiques. Ce risque, on le connaît. Aujourd'hui, nous travaillons sur le dossier des moyens de gestion de ce risque. Il faut une concentration de 4 % [du gaz dihydrogène dans l'atmosphère. NDLR] pour provoquer une explosion. À 1%, nous avons déjà un dispositif d'inertage [de neutralisation du gaz] ". L'Andra prévoit que l'essentiel de ce gaz se dissoudra dans l'eau de la roche et que la fraction restante sera évacuée par le système de ventilation.

Ces expérimentations seront réalisées au sein du laboratoire Cigéo, dans les conditions identiques de stockage envisagées des colis radioactifs. C'est une étape indispensable pour valider, dans plusieurs décennies et s'il est autorisé, le passage à la phase de stockage industriel.  

Bure-Stop dénonce des risques non maitrisés

Corinne François du collectif Bure-Stop est loin d'être convaincue et tacle l'optimisme de Patrice Torrès : "il y a toujours ces risques sur l'explosion potentielle de certains colis radioactifs et d'incendie. Ce sont des écueils majeurs. C'est quand même le cœur du métier de l'Andra que de retenir la radioactivité sous terre. Aujourd'hui, elle est incapable de le prouver. On se rend compte qu'au fur et à mesure du temps qui passe, les délais se rallongent. Au départ, la phase pilote devait durer 15 ans, maintenant, l'Andra parle de 25 à 30 ans. Ça veut bien dire qu'elle n'est sûre de rien".

Corinne François du collectif Stop-Bure : c'est quand même le cœur du métier de l'Andra que de retenir la radioactivité sous terre. Aujourd'hui, elle est incapable de le prouver". © Saucourt Patrice / MAXppp

Elle reproche aussi le coût supplémentaire que pourraient engendrer les expérimentations de sûreté grandeur nature, au sein même du laboratoire pendant la phase industrielle pilote. Pour le collectif, les incertitudes autour des risques identifiés justifient l'arrêt des travaux : "Nous, ce qu'on dit, c'est que, s'ils veulent démontrer comment ils peuvent gérer un incendie, ça peut se faire sans doute ailleurs, dans d'autres structures qui ne demanderaient pas un investissement aussi colossal que ce qu'exige la phase pilote. Ça nous paraît aberrant de lancer des travaux sur le territoire qui vont coûter 6 à 7 milliards d'euros, juste pour construire des infrastructures lourdes. On demande que s'il reste des choses à démontrer, cela ne soit pas fait dans le "bébé Cigéo" de la phase pilote, mais ailleurs, parce que rien ne dit qu'ils arriveront à maîtriser le risque explosif et d'incendie".

Premiers travaux dès l'été 2025

Patrice Torrès de son côté explique que pour Cigéo comme pour toute installation nucléaire, c'est un principe inhérent, les études et les recherches ne s'arrêtent jamais : "Nous aurons toujours des choses à acquérir". Ce qui est presque acquis à ce jour, ce sont les réserves foncières. L'Andra est propriétaire de 97 % des 665 hectares nécessaires au développement de Cigéo.   

Les travaux vont démarrer en surface. Ce sont pour l'essentiel les opérations d'archéologie préventive, des forages géotechniques et la construction des premières bases de vie nécessaires à l'accueil des personnels qui participeront à ces premiers chantiers dès l'été 2025. 

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