Des garanties sur la maîtrise des risques d'explosion et d'incendie tout au long du stockage des "colis" irradiés, c'est la demande formulée dans deux avis d'experts à propos du projet Cigéo d'enfouissement des déchets radioactifs à Bure. Sans surprise pour les opposants.
Selon des avis rendus publics ce jeudi 16 janvier 2025, le GPD (Groupe permanent d'experts pour les déchets) et l'IRSN (Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire) estiment que la démonstration de la sûreté du fonctionnement de Cigéo, le projet français de centre de stockage profond de déchets radioactif, présentée par l'Andra est "globalement satisfaisante". Petit bémol et non des moindres, elle devra cependant être complétée en ce qui concerne la gestion des risques liés aux incendies et à l'explosion.
"L'analyse du risque d'incendie nécessite d'être consolidée", explique le GPD en attirant l'attention sur le cas des déchets bitumés, des boues radioactives dans le passé conditionnées dans du bitume et très inflammables. Par ailleurs, concernant la maîtrise des risques d'explosion, l'IRSN estime qu'il est "difficile" d'estimer si la démonstration de sûreté peut être apportée à ce stade de développement du projet.
L'Andra devra répondre à ces demandes complémentaires avant le stockage des premiers déchets. "Nous avons pris des engagements décrivant comment nous allons y répondre et comment ces réponses s'articuleront avec les prochaines étapes clé du déploiement du projet, ce qui a été validé", a déclaré dans un communiqué Sébastien Crombez, directeur sûreté, environnement et stratégie filières de l'Andra.
Jusqu'à maintenant, même quand des sérieux problèmes sont posés, rien n'empêche l'Andra d'avancer, c'est le problème
Jean-Marc Fleury, président de l'association des élus opposés à l'enfouissement des déchets radioactifs (EODRA)
"Pour moi, il n'y a pas de surprises" constate Jean-Marc Fleury, président de l'association des élus opposés à l'enfouissement des déchets radioactifs (EODRA), "ce sont des risques qui sont évoqués depuis bien longtemps. Pour moi, ça fait trente ans que je vois les choses et comment ça se passe. Il y a un petit orage et l'Andra le laisse passer. Il n'y a jamais rien de bloquant. Ce problème d'incendie par exemple, ce n'est pas la première fois qu'il est soulevé. On en parle un petit peu et après tout le monde oubli. Jusqu'à maintenant, même quand des sérieux problèmes sont posés, rien n'empêche l'Andra d'avancer, c'est le problème. C'est le discours habituel, l'Andra a toujours réponse à tout. On va à l'enfouissement car il y a une volonté politique évidente".
L'hydrogène toujours en question
"Des évolutions de modes d'exploitation ou de conception des alvéoles de stockage pourraient être nécessaires", écrit l'IRSN. Ces alvéoles - en fait des tunnels de stockage - accueilleront les déchets les plus nocifs, dit de "haute activité", ainsi que les déchets dits de "moyenne activité à vie longue". Ils sont exposés à des risques d'explosion en cas de concentration d'hydrogène dans l'atmosphère de ces tunnels, ce gaz pouvant provenir de la corrosion d'éléments métalliques ou de la décomposition de matière organique sous l'effet des rayonnements ionisants. Or les experts de l'IRSN considèrent qu'il y a des "incertitudes" sur "la faisabilité et la suffisance des dispositifs de maîtrise de leur atmosphère interne" vis-à-vis du risque explosif. "On sait qu'il y aura de l'hydrogène dans les galeries et on ne voit pas trop comment on pourra assurer la sécurité" Edith Meyer, du Collectif contre l'enfouissement des déchets radioactifs (CEDRA), "on ne peut pas nier à l'infini qu'il n'y a pas de risques".
Dans ces deux avis publiés séparément, l'IRSN et le groupe permanent (GDP) se sont penchés sur la capacité du site à maîtriser un spectre de risques pendant la période d'environ 100 ans où les "colis" seront progressivement déposés, qu'il s'agisse d'"agressions externes" (aléas climatiques, chutes d'avion) et de problèmes internes (accident de manutention, dissémination de radioactivité). Le projet Cigéo vise à enfouir à 500 m sous terre les déchets les plus radioactifs, dans le secteur de Bure (Meuse). Depuis, l'ASN et l'IRSN ont fusionné le 1ᵉʳ janvier au sein d'une entité unique, l'ASNR (autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection), à qui il reviendra de se prononcer vers 2027 ou 2028 sur cette demande déposée début 2023 par l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra).
Les experts de la sûreté devront encore remettre un rapport avant l'été 2025. Celui-ci portera sur les conditions de sûreté du site une fois que celui-ci sera refermé, à l'horizon 2150. L'ASNR publiera ensuite un avis de synthèse d'ici la fin de l'année sur ce projet lancé en 1991 et très contesté par des collectifs écologistes.