Le président candidat Emmanuel Macron en avait fait une promesse de campagne. Le Revenu de Solidarité Active (RSA) pourrait être attribué aux allocataires sous condition de travail, d’une durée de quinze à vingt heures hebdomadaires. Le gouvernement cherche actuellement des départements volontaires pour expérimenter la mesure. La Moselle, la Meurthe-et-Moselle, les Vosges et la Meuse ne se bousculent pas pour y participer.
"C’est de la com". Le président (DVD) du Conseil Départemental de la Meuse ne s’embarrasse pas de préambule. Pourtant, Jérôme Dumont n’est pas hostile au dispositif promis par le Président de la République : "sur le fond, on est plutôt pour, mais dans l’état actuel des choses, je ne dispose d’aucune information sur la mise en place de cette expérimentation, donc je m’interroge". Le patron du département rural estime "que l’insertion par l’emploi est une priorité, mais nous avons beaucoup de dispositifs déjà en place, et certains ne sont pas beaucoup utilisés par les bénéficiaires du RSA".
L’élu évoque notamment la plate-forme du bénévolat mise en place par son département en 2021, qui permet de mettre en lien les structures qui ont besoin d’aide avec les bénéficiaires du RSA : "ce dispositif a permis d’aider une trentaine de personnes, notamment des jeunes diplômés qui avaient du mal à trouver un premier emploi". Mais le président évoque aussi l’échec de l’expérience menée cet été dans la Meuse, qui consistait à pouvoir cumuler RSA et revenu d’activité dans la cueillette des fruits : "très très peu de candidats" regrette Jérôme Dumont.
Avec ce dispositif on cherche à culpabiliser ceux qui n’ont rien
Luc Corradi, conseiller départemental (DVG) de Moselle
Le difficile retour à l'emploi des allocataires du RSA
La plupart des politiques interrogés en Lorraine évoquent rapidement le même constat, indépendant de leurs orientations politiques : le retour à l’emploi des allocataires du RSA est déjà une difficulté majeure, en raison de l’impossibilité pour beaucoup de l’envisager à court ou même moyen terme.
La Cour des Comptes avait rendu un rapport critique sur l’efficacité du RSA en janvier 2022, en écrivant notamment que "le taux de retour à l’emploi (des allocataires du RSA, nda), de 3,9% par mois en 2019, est non seulement très inférieur à la moyenne des demandeurs d’emploi (8,2%) mais il l’est aussi à celui de tous les autres publics bénéficiant de dispositifs spécifiques (demandeurs d’emploi de longue durée, résidents des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), personnes de plus de 50 ans, etc."
La promesse de campagne d'Emmanuel Macron proposait donc de conditionner le versement du revenu de solidarité à la réalisation de 15 à 20 heures de travail hebdomadaires. Il s’agit désormais pour le gouvernement de le mettre en musique sur le territoire national.
Non pour la Meurthe-et-Moselle
En Meurthe-et-Moselle, c’est "non, le département ne se lancera pas dans cette expérimentation, car la Meurthe-et-Moselle fait partie des Départements qui investissent et s’investissent le plus dans l’accompagnement socio-professionnel des bénéficiaires du RSA. La lutte contre le non-recours fait aussi partie des priorités du Département" expliquent les services du Conseil Départemental.
Nombreux sont en effet ceux qui passent sous les radars. Plusieurs études ont montré qu’une part importante de ceux qui pourraient prétendre au RSA y renoncent : "en 2018, un tiers des foyers éligibles au RSA seraient non recourants chaque trimestre, et un cinquième le seraient de façon prolongée au cours de l’année. Les sommes non versées correspondant au non-recours au RSA atteindraient 750 millions d’euros par trimestre" en France selon la direction de la Recherche, des Études, de l'Évaluation et des Statistiques (DREES).
D’après nos informations, le département des Vosges ne sera pas volontaire pour la première phase du dispositif.
La Moselle réfléchit
En Moselle, le département le plus peuplé de Lorraine, "nous attendons d'avoir tous les éléments" explique le cabinet du Président du Conseil Départemental, "le gouvernement s'engage dans une action, on regarde si c'est un plus ou un moins par rapport l'action qu'on a en matière de juste droit".
Luc Corradi (DVG), conseiller départemental d’opposition, a un avis tranché : "on cherche à culpabiliser ceux qui n’ont rien, c’est une grosse arnaque intellectuelle. Il y aurait de la triche au RSA ? Plutôt que traquer les petits fraudeurs, le gouvernement ferait mieux de s’attaquer à l’évasion fiscale".
Celui qui est également maire de Vitry-sur-Orne connait les difficultés des allocataires du RSA : "j’en ai pas mal dans ma commune… J’ai été travailleur social, je sais qu’il est difficile de revenir à l’emploi. A la mairie, on a essayé d’embaucher un manœuvre parmi les bénéficiaires du RSA, on n’a pas réussi. C’est très compliqué".
Le gouvernement devrait communiquer la liste des départements pilotes pour le dispositif vendredi 21 octobre 2022. A priori, aucun département lorrain n’y figurera.