Sugar baby, sugar daddy. Les mots sonnent-ils plus doux s'ils sont dits en anglais et s'ils évoquent sucreries et enfance ? Non, personne n'est dupe et surtout pas les jeunes femmes qui se retrouvent un jour dans le rôle de la douceur pour papy. Voici trois bonnes raisons de voir "Sugar", un documentaire de Nina Robert.
La réalisatrice Nina Robert a recueilli les témoignages de cinq jeunes femmes qui ont choisi de rencontrer des hommes mûrs dans le cadre de relations tarifées : des sugar babies selon l'expression anglaise consacrée. Voici trois bonnes raisons de voir son documentaire Sugar.
Pour se méfier des sens cachés des mots
Le concept vient des Etats-Unis et a gardé sa langue d'origine. Pour le côté chic, probablement. Il consiste à mettre en relation une très jeune femme et un homme plutôt âgé contre rémunération. Le côté fric.
Derrière le mot relation, se cache à peine le rapport sexuel. C'est bien là le hic : une expression jolie : une "sugar baby" pour un "sugar daddy", qui ne dit pas vraiment la réalité de ce qu'elle cache. On pourrait s'y tromper et se croire dans le début d'un conte pour enfant en mode Hansel et Gretel, ou dans un film façon Pretty woman. Pourtant la réalité est bien plus sombre. Et ces sites de rencontres sucrées masquent à peine un nouveau mode de prostitution.
Le replay à retrouver ci-dessous:
Parce que la vie n'est ni rose ni sucrée
Parce que c'est toujours un coup dur, un revers de fortune qui mène ces très jeunes femmes vers la rencontre tarifée. L'absence d'aide sociale, le coup de fil de trop d'une banquière, le loyer à payer, les projets irréalisables ou tout prosaïquement la faim qui tiraille. Chacune des cinq sugar babies qui témoigne s'est résolue à cette extrémité pour des motifs financiers.
Le système est si simple : une inscription sur un site en ligne et les rendez-vous pleuvent. "J'ai ouvert Google, je me suis inscrite sur un site et 20 minutes plus tard j'avais déjà 15 messages et je me suis désinscrite parce que j'avais ce qu'il fallait". De l'argent facile ? "C'est comme s'inscrire sur Tinder, il n'y a pas de souci". Avec l'illusion en plus de maîtriser la situation, d'avoir le dessus. Faire un choix parmi les demandes de rendez-vous, poser un limite d'ordre platonique, faire payer à la tête du client. "Je préfère les hommes entre 30 et 58 ans, pas de mon âge pour ne pas prendre le risque qu'il me plaise; il me faut une espèce de distance".
Ce ne sont là que des illusions. Les sugar daddies veulent tous la même chose: obtenir la relation sexuelle, assouvir leurs fantasmes. Et eux aussi cultivent l'illusion d'être élus pour leur intelligence, leur charme ou leur sens de la générosité : "ils cherchent une jeune femme à aider" ou encore "ils veulent se persuader que tu es là pour leur personnalité".
Un vrai jeu de dupes. Une des filles finit par les plaindre : "ça se voyait que certains, ils faisaient des économies [pour le rendez-vous, nldr], manger des pâtes tout le mois pour ça ! Enfin "ça" c'est moi; c'est que ta vie elle est vraiment pourrie". Qui plaint qui à la fin ?
Ces illusions partagées ont bien du mal à camoufler la réalité de la prostitution. L'homme obtient toujours la relation sexuelle puisqu'il paye. Et la jeune femme finit par se reconnaître dans le rôle de la prostituée.
Parce que la réalité prend le pas sur les apparences
Elles avaient pourtant tout fait pour séparer leur vies privées de leurs activités tarifées : tenues spécifiques, robes et talons hauts, jusqu'à, pour l'une d'elles, de la lingerie spécifique, pour éviter le mélange des genres : "j'ai pas envie que ça me fasse penser". Maquillage et apprêt des grands soirs. Grand soin dans le choix des lieux de rencontres pour ne pas prendre le risque de croiser des personnes de connaissance. Et surtout une mise à distance des émotions, accompagnée d'un sens du secret, absolu. "J'essaye de me différencier, de me dissocier de la personne que je peux être la journée et la personne le soir".
Mais c'est sans compter sur le travail de l'inconscient. Les non-dits qui ressurgissent autrement que par les mots. "Je ne sais pas pourquoi je me sentais sale ? C'est à l'intérieur. Parce que je me lave, je me frotte la peau et je me sens sale. C'est la fleur qui fane à l'intérieur ." Une autre évoque un "black out net" sur son premier rendez-vous "je n'ai plus de souvenir", lâche-t-elle.
Une troisième explique :"pour faire ça, je laisse mon corps faire machinalement; j'arrive à détacher mes pensées émotionnelle de mon corps physique". Quant aux deux dernières, elles avouent "les mauvaises expériences" voire "la sensation d'être une poupée" entre les mains d'un pervers. Quelque part entre les dernières limites du consentement et la soumission sous emprise.