Reims : un an de prison avec sursis pour le médecin de la police du Grand Est jugé pour agressions sexuelles

"Mensonges, déni, mépris." Tels étaient les mots du procureur à l'encontre du médecin-inspecteur de la police nationale du Grand Est, jugé le 14 mai dernier au tribunal correctionnel de Reims. Il a été condamné à un an de prison avec sursis ce 18 juin pour agressions sexuelles aggravées.

Ton monocorde, voix basse, défense en boucle, le prévenu a le don d'agacer le président du tribunal correctionnel de Reims, comme le procureur de la République. Le médecin-inspecteur de la police du Grand Est, basé à Metz, comparaissait ce mardi 14 mai pour agressions sexuelles à l'encontre de huit femmes et deux hommes, tous âgés d'une vingtaine d'années. Il a finalement été condamné à un an de prison avec sursis ce 18 juin, ainsi qu'une interdiction définitive d'exercer.

Il est reproché à cet homme âgé de 63 ans d'avoir pratiqué des attouchements, à savoir des palpations sur les seins ou sur les testicules des victimes, lors des tests médicaux d'aptitude pour rentrer à l'école de police. Les faits se seraient produits pour l'une des plaignantes le 6 novembre 2014 dans le Haut-Rhin et pour les neuf autres victimes les 12, 13 et 14 juin 2018 à Reims.
 


"Quel est l'intérêt d'effectuer des palpations ?" interroge le président Pierre Creton. "Dépister d'éventuelles pathologies comme des cancers", répond le prévenu qui insiste sur l'importance de la prévention dans sa façon de pratiquer la médecine. "Pourquoi êtes-vous le seul médecin régional de la police à le faire en France alors ?" insiste le président du tribunal. Le prévenu se retranche derrière sa pratique médicale personnelle : "Je fais mon métier sérieusement. Je ne passe pas à côté de pathologies". D'autres médecins de la police, interrogés lors de l'instruction, ont critiqué les pratiques de leur confrère du Grand Est. Le président en cite plusieurs : "Un médecin de la police n'a pas à s'occuper de l'intime, le dépistage ne fait pas partie de l'examen d'aptitudes médicales", "le docteur F. est imprudent, il ne respecte pas le code déontologique", "en cas de palpations, il faut recueillir le consentement du patient"...

Je préviens toujours les gens. Je le précise. Et je maintiens que les seins nus, c'était uniquement sur la table d'examen.
- Le prévenu, médecin inspecteur de la police de la région Grand Est -


Le médecin est accusé d'avoir agi "par surprise"."Je n'ai pas eu le temps de dire quoi que ce soit, il avait déjà la main dans mon caleçon, confirme à la barre un jeune homme. Il ne m'a rien demandé. S'il l'avait fait, j'aurais refusé." Le médecin nie. "Le déroulé de l'examen est toujours le même, rabâche-t-il. Je préviens tous les gens que je vais les examiner. Je n'ai pas le temps de donner des détails pour dire ce que je recherche. Aux hommes, je dis 'je vais vous examiner les testicules'. Aux femmes, 'je vais vous examiner les seins'."  "Vous réécrivez l'histoire", réplique le président du tribunal avant d'ironiser : "Aucun n'a entendu qu'il était prévenu. Vous devriez leur refaire les tests de surdité."


De multiples témoignages à charge

Les témoignages, accablants, s'enchaînent. "Il m'a demandé d'enlever mon soutien-gorge. J'étais très mal à l'aise, torse nu devant lui et sa secrétaire, avait raconté l'une des victimes lors de son audition. Les plaignantes expliquent qu'elles restaient seins nus durant une bonne partie de la visite médicale, voire durant tout l'examen. "Quand je suis sortie de cette visite médicale, en juin 2018, je n'étais pas bien, explique l'une d'entre elles. C'est pour ça que j'en ai parlé à ma hiérarchie." "Est-ce que vous avez senti cet examen comme une violence ?", interroge le président. "D'une certaine façon, oui."

J'étais seins nus. Il m'a demandé de faire le test d'équilibre, je n'ai pas réussi à me concentrer, j'étais trop gênée.
- Une plaignante -

"Est-ce qu'il vous a demandé l'autorisation de pratiquer cette palpation?", demande Me Frédérique Gibaud, avocate des parties civiles, à une jeune femme. La réponse est catégorique : "Non". Là aussi, le médecin dément. "Encore une qui ment", raille Matthieu Bourrette, le procureur de la République de Reims. A la barre, une autre plaignante, très émue, s'adresse au médecin : "Là vous êtes calme, mais lors de l'examen médical, vous étiez très directif dans tout ce que vous disiez".

Les victimes n'étaient pas en position de refuser, souligne l'avocate des parties civiles : "Le docteur F. représentait la clef pour rentrer à l'école". Une ajointe de sécurité confirme : "Oui, c'était la dernière étape".
 

"Psychorigidité"

Le rapport psychologique décrit le prévenu, marié et père de deux garçons, comme quelqu'un qui "accepte difficilement la contestation et la remise en cause de ses pratiques professionnelles". "Dans sa relation à autrui, il tombe dans la psychorigidité", précise l'expert.
"C'est une personne qui a décidé d'agir à sa guise", argue Me Frédérique Gibaud dans sa plaidoirie. "Il y a 13 médecins régionaux de la police, mais un seul qui pratique ces palpations. Ces jeunes ont tous été choqués. Ses confrères médecins ont tous été choqués." L'avocate des parties civiles a réclamé une réparation financière pour le préjudice subi par ses clients.

C'est un abuseur, un pervers qui fait de tous les patients des menteurs, un escroc dangereux qui se présente comme un saint.
- Matthieu Bourrette, procureur de la République de Reims -

Le procureur de la République a eu des mots très durs à l'encontre de ce "médecin campé par ses certitudes", dénonçant un "abus d'autorité". Il a regretté le manque de compassion du prévenu qui a gardé la tête baissée tout le long du réquisitoire. "Pas un mot d'excuses pour les victimes" dont il a loué la libéralisation de la parole. Matthieu Bourrette a requis 18 mois d'emprisonnement avec sursis et une interdiction d'exercer. La peine requise a été assortie d'une mise à l'épreuve de trois ans.

Dans une longue plaidoirie, Me Adelaïde Kadiyogo, avocate du prévenu, a réfuté "toutes connotations sexuelles" à ces palpations. Il s'agissait pour elle d'un "acte purement médical". La défense a plaidé la relaxe.
Le délibéré sera rendu le 18 juin.
 
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