Joyau du patrimoine historique lorrain, le fort d'Uxegney (Vosges), n'est pas épargné par l'épidémie du coronavirus. L'association en charge de son entretien tire la sonnette d'alarme. elle redoute une détérioration des lieux et des pertes financières considérables.
Si le coronavirus a un impact sur la santé, l’économie et sur l’environnement, il en a également un sur le patrimoine culturel français Et plus particulièrement sur les sites muséographiques gérés par des associations de bénévoles, dont les principales ressources proviennent des adhésions et visites. Faute de visiteurs en raison du confinement, leurs pertes financières sont considérables. C’est le cas de l’ARFUPE (association pour la restauration du fort d'Uxegney et de la place d'Epinal), qui entretien les forts d’Uxegney et de Bois l’Abbé depuis 1989.
Un budget amoindri
Pascal Durand, administrateur de l’association, est inquiet pour le futur de ce lieu emblématique de la grande guerre. Depuis la fermeture du fort le 17 mars, les dépenses continues, sans nouveaux revenus. Même l’ouverture tardive du site -prévue à la mi-juillet à la place du mois de mai-, n’attirera pas grand monde cette année: "On se doute que les gens vont avoir autre chose à faire que d’aller visiter des monuments après le confinement. Ce qui va nous faire perdre 25.000 euros sur un budget de 100.000 euros!'' Une somme considérable et indispensable pour régler, par exemple, les frais fixes qui s’élèvent à 14.000 euros par an : assurances, téléphone, frais bancaires, factures relatives à l’entretien du bâtiment: "À l’intérieur, nous avons des humidificateurs qui engendrent une forte consommation d’électricité…". Impossible de se passer du dispositif : il préserve les tourelles, galeries et canons de la rouille et évite de nouveaux coûts de rénovation encore plus onéreux.Autre mauvaise nouvelle: à l'heure actuelle, seulement 100 adhérents, sur les 150 habituels, ont renouvelés leur adhésion. Un manque financier supplémentaire pour l'ARFUPE.
Dépenses supplémentaires et retards de remboursements
Avec le confinement, les bénévoles ne peuvent pas se rendre sur le site pour nettoyer les espaces verts et éviter la prolifération de mauvaises herbes: "Si cela n’est pas fait à temps, la végétation sera plus dense, ce qui entrainera des dépenses supplémentaires de carburant pour la débroussailleuse", s’alarme Pascal Durand.Il leur est également impossible de récupérer les matériaux achetés dans les entreprises pour finaliser les chantiers engagés sur le site: "Nous avons investi 17.000 euros pour financer un nouveau projet, un train touristique qui relie les forts entre eux. Cette somme ne pourra nous être remboursée par la fondation du patrimoine que lorsque le chantier sera achevé. Pour cela, nous devons encore débourser 8000 euros de matériel". Pour payer cette somme, l’association doit connaitre la date de reprise du chantier. Or, celle-ci est toujours méconnue en raison des circonstances exceptionnelles. Un véritable casse-tête pour Pascal Durand et les bénévoles.
Des aides pour les associations du Grand-Est
Les associations, qui ne sont pas considérés comme des entreprises, ne peuvent pas bénéficier de "l'avance de trésorerie remboursable" de 500 millions d'euros, annoncé par Bruno Le Maire, le Ministre de l'économie, le 15 avril 2020. Elles ne peuvent pas non plus pas prétendre au "Prêt rebond" de la région. Un coup dur pour Pascal Durand, qui déplore une absence de communication en faveur des structures comme l'ARFUPE. "Nous sommes dans le flou. Il ne faut pas oublier que les associations, qui encadrent des sites touristiques sont des acteurs économiques au même titre que d'autres, même s'ils rapportent moins d'argent."
Nous sommes les parents pauvres de l'économie touristique du département des Vosges.
- Pascal Durand
Contacté par téléphone, Pascal Mangin, président de la commission culture du Grand Est, souligne pourtant l'existence du Fond Résistance depuis le 31 mars 2020, un fond de 44 millions d'euros pour soutenir les associations et les petites entreprises touchées par la crise: "Cette avance de trésorerie est financée par la région, la banque des territoires, les EPCI (Établissement public de coopération intercommunale) et les départements".
Conscient des difficultés engendrées par l'épidémie de covid-19, il annonce également "la mise en place d'un groupe de travail co-animé par les régions et la DRAC dédié au patrimoine" qui a débuté le 20 avril pour réfléchir à de nouvelles aides dans les semaines à venir.
Autre mesure plus concrète: grâce au fonds de solidarité de l'Etat, l'association touchera 1500 euros pendant trois mois. Malgré cela, Pascal Durand reste inquiet: "pour le moment, je ne vois rien qui puisse nous aider à passer le cap de nos investissements...", déplore-t-il.
Pour adhérer à l'association, faire un don ou donner un coup de main pour débroussailler le champ (à la fin du confinement), l'ARFUPE est joignable sur sa page Facebook.
L'ARFUPE et les deux forts
L'ARFUPE est une association fondée le 22 novembre 1989.Elle est régie par la loi du 1er juillet 1901 mise en place par Waldeck-Rousseau, le président du Conseil et ministre de l'intérieur des Cultes.
Son rôle?
Entretenir et valoriser le fort d'Uxegney, une fortification reliée à la place forte d'Epinal, construit entre 1882 à 1884 et rénové de 1891 à 1914. Elle est aussi en charge de Bois l'Abbé, une fortification qui fait également partie de la place forte d'Epinal. Bois l'Abbé se visite uniquement les 14 juillets et le dimanche des journées du patrimoine.
Les deux forts appartiennent à la ville d'Uxegney. Chaque année, la commune alloue une subvention de 650 euros à l'association pour la préservation du lieu.