Le projet de tramway d'Artois-Gohelle, dont l'inauguration était prévue avant l'été, vient d'être vivement critiqué par la cour des comptes. Alors qu'aucun chantier n'a débuté, les sages dénoncent, dans leur rapport annuel, une coquille vide qui aurait déjà coûté plus de 14 millions d'euros.
Les mots employés dans le rapport annuel de la cour des comptes sont très durs. Déjà dans le titre du paragraphe qui lui est consacré, le tramway d'Artois-Gohelle est qualifié de projet "insuffisamment réfléchi".
S'en suivent de très nombreuses critiques étayées par les conclusions de la chambre régionale des comptes du Nord Pas de Calais et de la Picardie. C'est elle qui depuis le lancement du projet, en 2008, en contrôle l'avancement et la régularité des opérations.
Transport et aménagement urbain
Les contrôleurs révèlent d'abord: "les ambiguïtés d'un projet insuffisamment étudié qui conjugue les difficultés techniques d'un tramway ferroviaire avec la complexité d'une opération d'aménagement urbain".Sur le papier, le tram Artois-Gohelle est constitué de deux lignes d'une longueur totale de 37 km, non connectées entre elles. La première est sensée relier Lievin et Noyelles-Godault, la deuxième devrait être construite entre Beuvry et Houdain.
Mais plus qu'une simple amélioration de la qualité du service public des transports, le projet permet, selon le dossier, la réalisation d'opérations globales d'aménagement et d'urbanisme.
Plus de 14 millions d'euros déjà dépensés
L'inauguration était prévue avant l'été 2013 mais, sur le terrain, rien encore n'a bougé, pas un seul coup de pioche alors que 14,6 millions d'euros ont déjà été dépensés.La chambre régionale de comptes fait apparaître: "la disproportion entre l'ampleur de l'opération, l'une des plus importantes de France et la faiblesse des moyens administratifs et techniques du syndicat mixte".
En cause, le syndicat mixte des transports, créé en janvier 2003 par les communautés d'agglomération de Lens-Lievin et d'Hénin-Carvin, auquel adhéreront, 3 ans plus tard, la communauté d'agglomération de l'Artois et la communauté de communes de Noeux et environs. A cette époque, le syndicat change de nom et devient "le syndicat mixte des transports Artois-Gohelle".
Incompétence
En sa qualité d'autorité organisatrice des transports urbains, le syndicat est tenu d'élaborer un plan de déplacements urbains.Mais malgré les études entreprises depuis 2008, aucun plan actualisé n'a vu le jour pour l'ensemble du territoire des quatre communautés d'agglomération.
Selon les sages de la cour des comptes, "la réflexion est partielle" et "le syndicat n'a pas les compétences", ni juridiques, ni techniques, pour mener à bien un tel projet, ni même en assurer le suivi et le contrôle de sa délégation qu'il a décidée après bien des hésitations.
A ce jour, seule la société d'économie mixte ADEVIA, un acteur important dans le Pas de Calais est sur les rangs pour assurer le chantier mais, là aussi, la cour s'étonne que tout semble avoir été fait pour favoriser ce choix et que ADEVIA n'ait pas de compétences en matière de transports.
Une attaque dont se défend le syndicat, précisant que ce lmarché est aujourd'hui résilié.
Retard et gaspillage
La cour pointe aussi le financement "inadapté et aléatoire" du projet. En 2009, il était évalué à 657 millions d'euros dont 57.6 millions de subventions de l'état dans le cadre du Grenelle de l'environnement, de 20 millions inscrits au contrat de projet Etat-Région et 150 millions d'euros de subventions du Conseil Régional.Mais, selon les sages, "l'accumulation des retards et l'hypothèse d'un abandon du projet émise par les dirigeants du syndicat mixte remettent en cause ce plan de financement".
Un seul exemple: en l'absence de commencement des travaux avant le 31 décembre 2011, la subvention d'un peu plus de 57 millions de l'état est devenue caduque.
Le tramway apparaît donc, selon la cour, comme un projet ambitieux, mal préparé et difficile à concrétiser pour lequel beaucoup d'argent a déjà été gaspillé.
Aucun dirigeant du syndicat mixte Artois-Gohelle, aucun élu n'a souhaité s'exprimer sur le sujet.
Reste à savoir si le tramway roulera un jour dans le bassin minier. Rien n'est moins sûr.
Déjà en janvier 2012, la chambre régionale des comptes avait sévèrement critiqué le projet de tramway et sa gestion par les élus socialistes du secteurs.