Six ans après le drame, la SNCF sera jugée à partir de lundi pour la mort de deux jeunes Lillois, fauchés par un RER en mars 2009 après s'être égarés sur les voies, à l'issue d'une rencontre disputée au Stade de France, en banlieue parisienne.
##fr3r_https_disabled##Les supporters avaient été heurtés de plein fouet à la sortie du Stade de France. Un enfant de 10 ans (Jordan Stravius) et un ado de 18 ans (Sullivan Brunel) tués, onze personnes blessées: l'accident, survenu sur un pont ferroviaire après un match entre Lyon et Lille, avait suscité une vive émotion, notamment chez les supporters du LOSC. La SNCF, jugée pendant deux jours devant le tribunal correctionnel de Bobigny, devra répondre de "blessures" et "homicides involontaires".
Renvoyée en tant que personne morale, elle encourt une amende de 450 000 euros. "Ça fait six ans qu'on attend ça. Ça va nous permettre de tourner la page", estime Christian Duminy, grand-père du petit Jordan, mort à 10 ans. Le père du garçonnet, grièvement blessé, est lui resté gravement handicapé. "Il a passé six mois dans le coma. Il n'arrive plus à marcher et a souvent des absences", raconte Christian Duminy, qui ne fera pas le déplacement lundi à Bobigny. "Ça serait trop douloureux. Rien que passer devant le Stade de France, ça me fait mal", confie-t-il. "Le procès ne va pas ramener les morts à la vie, mais c'est un moment important pour les familles des victimes. Ça va leur permettre de faire le deuil", résume l'avocat des Duminy, Me Patrick Delbarre.
En raison d'un problème de procédure, l'audience pourrait néanmoins être reportée. "Le juge a fait un mauvais copier-coller, il n'a pas pris en compte mon client dans son ordonnance", assure Me Delbarre, qui compte demander un renvoi du dossier devant le juge d'instruction. Contactée par l'AFP, la SNCF n'a pas souhaité faire de commentaire avant l'audience.
Pas de panneau, pas d'éclairage
Les supporters, venus assister au match entre l'OL et le LOSC, tentaient de regagner leur bus garé à 600 mètres du Stade de France lorsqu'ils avaient été heurtés par un train, le 7 mars 2009. Ils souhaitaient à l'origine reprendre le chemin suivi à l'aller, mais ont été bloqués par un barrage de police. Ils se sont alors égarés et ont fini par gravir un escalier interdit au public menant aux voies, plongées dans l'obscurité."Ils ont vu une grille ouverte, sans panneau signalétique. Il n'y avait pas d'éclairage", raconte Me Laurent Guilmain, conseil de l'un des 11 blessés. Ce dernier est aujourd'hui "travailleur handicapé". "Il va vivre avec ça jusqu'à la fin de ses jours", assure l'avocat. "La SNCF n'a pas fait le nécessaire. A partir du moment où il y a des endroits dangereux, il faut tout faire pour éviter qu'on puisse y accéder", ajoute Me Delbarre. D'après les déclarations recueillies par les enquêteurs, deux tournées de surveillance avaient été réalisées sur les lieux de l'accident moins d'un mois auparavant, sans que des anomalies ne soient relevées. Mais pour l'accusation, ces tournées, effectuées à bord d'une cabine et non à pied, ne permettaient pas "un véritable contrôle" des portes d'accès, alors que l'endroit était reconnu comme dangereux par tous les agents SNCF et leurs responsables.
La SNCF a commis une "faute caractérisée", "en ne s'assurant pas que les grilles et portillons qui donnent accès aux voies étaient bien verrouillées", a estimé le juge d'instruction. Selon le Bureau d'enquête sur les accidents de transport terrestre (BEA-TT), qui a exonéré le conducteur de toute faute, le train arrivait à 82 km/h, dans le dos des supporters, au moment de l'accident. Le conducteur, après avoir quitté la voie des yeux "deux à trois secondes" pour contrôler son tableau de bord, a actionné le freinage d'urgence. Le train s'est immobilisé 250 mètres plus loin. Après l'accident, la SNCF avait renforcé ses contrôles pour s'assurer de la "bonne fermeture des accès" aux voies autour du Stade de France les soirs de matchs.