"À Notre-Dame, il y a une partie de notre patrimoine local" : quand la pierre et les arbres des Hauts-de-France contribuent au chantier du siècle

Si des artisans de la France entière ont participé directement au chantier de restauration de Notre-Dame de Paris, les Hauts-de-France ont fourni quantité de matières premières. De la pierre et du bois de la région font désormais partie d'un des monuments historique et religieux les plus visités du monde.

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Si vous allez visiter Notre-Dame de Paris restaurée, regardez bien autour de vous. Levez les yeux. Prenez le temps d'admirer ce qui vous entoure. Peut-être votre regard s'attardera-t-il sur une balustrade, une poutre, une gargouille. Peut-être, probablement, l'une d'elles sera taillée dans un bloc de pierre ou un arbre venu des Hauts-de-France.

La pierre d'origine de Notre-Dame

Ce qui vous frappera, c'est "la blondeur de cette pierre que nos yeux n'avaient jamais vue. (...) Cette pierre puisée dans la chaire même de notre pays, dans les carrières de Picardie", a souligné Emmanuel Macron lors de son discours qui clôturait la visite de fin de chantier ce vendredi 29 novembre.

Une pierre issue des carrières de l'Oise plus précisément. Un calcaire lutécien vieux de 45 millions d'années, matériau historique de la cathédrale. De toutes les carrières susceptibles d'apporter une pierre aux particularités esthétiques et physico-chimiques identiques à la pierre d'origine et identifiées par le Bureau géologique et minier, celle de La Croix-Huyart, à Bonneuil-en-Valois dans l’Oise, s’est avérée être la seule à pouvoir fournir le Graal recherché.

Le jour de l’incendie, on était là-bas pour livrer des pierres.

Olivier Rambach, responsable commercial - Société nouvelle Saint-Pierre Aigle

Au total, 1 300 m³ étaient nécessaires pour restaurer Notre-Dame de Paris. Parmi les trois entreprises picardes d'extraction, la Société nouvelle de Saint-Pierre-Aigle dans l'Aisne en a fourni 800 m³. "En termes de tonnage, ça représente à peu près 1 840 tonnes, chiffre Olivier Rambach, responsable commercial de l'entreprise. Il y a eu un inventaire des carrières pouvant répondre aux besoins qui a été fait après l’incendie et on a été sélectionné. On avait un contrat pour un volume précis avec un calendrier à respecter. Ça nous a occupés presque un an et demi. On a fourni des blocs de roche dure qui ont été mis ensuite à disposition des entreprises chargées de la restauration." Des blocs utilisés pour les murs bahuts qui soutiennent la charpente, mais aussi pour les contreforts qui, eux, soutiennent la voûte, des balustrades et des sculptures.

Si l'entreprise axonaise travaille sur les chantiers de Notre-Dame depuis les années 80, celui-ci est à part : "Il y a beaucoup de fierté. Parce que là, c’est LA restauration, appuie Olivier Rambach. D’autant que le jour de l’incendie, on était là-bas pour livrer des pierres."

Olivier Rambach et une dizaine de salariés ont assisté à la visite de fin de chantier de Notre-Dame de Paris. Et au milieu des 1 300 autres personnes invitées, dans la nef de la cathédrale, Emmanuel Macron a également évoqué le bois. "Merci à tous ceux qui ont fait revivre la Forêt, a-t-il indiqué en évoquant la charpente de l'édifice. 2 000 chênes sont passés entre les mains des forestiers et des scieurs."

Plus de deux heures pour tailler une poutre

Des chênes venus de toute la France et notamment des forêts des Hauts-de-France : Mormal, Compiègne, Retz, Halatte, Marfontaine et Neuville-en-Hetz. Au total, la région aura fourni près de 200 grumes qui portent aujourd'hui la toiture de Notre-Dame. Des grumes de chênes robustes et centenaires, sans nœud, droits et mesurant entre 10 et 15 mètres.

Parmi les scieurs, Philippe Seynave, patron de la scierie Wood sur mesure située à Wimy dans l'Aisne. L'entreprise a été sélectionnée pour sa spécialité : la grande longueur. "Nous, on a fait le châssis, l’assise de la flèche. Il y a une vingtaine de scieurs qui ont travaillé sur la flèche, mais on n'est que quatre en France à faire du plus de 9 mètres, nous explique-t-on. On a eu le marché de 9 à 15 mètres. Et la livraison de celle de 15 mètres a été compliquée : il fallait la faire rentrer pile-poil dans le camion sans l’abîmer. Il nous a fallu une bonne demi-heure, trois quarts d’heures pour y arriver."

Un chantier qui a demandé beaucoup de sacrifices : "On a fait des journées de 15 à 16 heures pendant des mois.(...) Ça nous a pris beaucoup de temps parce qu’il y avait un cahier des charges très strict à respecter. C’était tellement précis. Il fallait que les coupes soient nickel. Il fallait prendre son temps. Une poutre nous demandait parfois deux heures à faire." Au total, Philippe Seynave et son équipe auront fourni une quarantaine de poutres.

Un chêne d'Hirson au milieu de la Forêt

S'il est un peu chagriné de n'être invité ni à la visite de fin de chantier ni à la réouverture officielle le 7 décembre prochain, Philippe Seynave éprouve quand même "beaucoup de fierté parce que c’est Notre-Dame et qu’il fallait le faire." Il sait qu'un chantier de cette ampleur et de cette renommée ne se présente qu'une fois dans la vie d'un artisan, lui qui avait cru à une plaisanterie lorsqu'on l'avait appelé pour y participer.

Les gens d'ici étaient fiers et contents parce que c’est quand même quelque chose d’un point de vue architectural, historique et patrimonial.

Jean-Jacques Thomas, maire (PS) d'Hirson

Et grâce à lui, un chêne de la forêt d'Hirson est aujourd'hui installé quelque part dans celle de Notre-Dame : "il manquait une poutre, nous raconte-t-on chez Wood sur mesure. Donc on a contacté le maire d'Hirson pour savoir s'il n'y avait un arbre qui pouvait correspondre."

Après avoir sillonné le massif forestier de la commune, le scieur a identifié en mars 2022 un arbre de 12,20 m de haut sur 73 cm de diamètre que la mairie a donné gratuitement pour la restauration de la cathédrale. "Ça fait un truc, concède Jean-Jacques Thomas, le maire (PS) de la ville. Je me dis 'Tiens, il y a une partie de notre patrimoine local à Notre-Dame'. Et les gens d'ici étaient fiers et contents parce que c’est quand même quelque chose d’un point de vue architectural, historique et patrimonial. Quand je rentrerai dans Notre-Dame, je lèverai les yeux au ciel en me disant, il y a une partie d’Hirson là-haut."

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