La campagne de recensement a débuté pour les villes de plus de 10 000 habitants. Chaque année, 8 % de la population est concernée. Plusieurs élus de l'Aisne craignent toutefois une imprécision des résultats qui les pénaliserait a fortiori dans l'attribution de la dotation globale de fonctionnement.
Regardez votre boîte aux lettres, vous avez peut-être reçu un avis de recensement. En effet, dans les villes de plus de 10 000 habitants, un échantillon de la population est recensé chaque année et la campagne a débuté le 16 janvier 2025.
Dans certaines mairies, la méthode fait débat, car les estimations de population ont de réelles conséquences, notamment sur la mise en place des politiques publiques à l'échelle municipale. On craint, par exemple, une relative imprécision dans le comptage exact des habitants.
"Tous les administrés ne répondent pas"
La méthode de recensement de l'Insee "part sur l'émission d'un courrier à destination des foyers qui sont recensés. Donc déjà, vous avez une perte de données au niveau des courriers parce que tous ne sont pas reçus", lance Alexis Toucheron, adjoint au directeur général des services de la ville de Tergnier. De plus, selon lui, une fois que les courriers sont reçus, tous les administrés ne répondent pas - alors que c'est obligatoire - car "les mesures dissuasives pour forcer les gens à répondre sont insuffisantes et insuffisamment appliquées".
Une sous-estimation de la population peut avoir des conséquences pour une commune. "Cela peut être potentiellement une perte d'habitants mesurée alors que nous, notre ressenti, ce n'est pas forcément une perte, mais une stabilisation, voire une augmentation". Mais ce n'est pas tout, le recensement a aussi des implications financières. Les dotations versées par l'État aux collectivités locales, notamment la DGF (dotation globale de fonctionnement), en dépendent. "Une baisse de la population, ce sont des dotations qui diminuent, donc, si vous avez des dotations qui diminuent, vous avez également des leviers d'attractivité pour la commune qui diminuent. Cela peut entraîner un cercle vicieux" qui amène "fatalement une baisse de la population pour vous".
Alexis Toucheron souligne aussi le décalage qui existe entre la publication des chiffres et l'évolution de la population. "C'est un grief qui peut être soulevé, mais à prendre en compte aussi avec le travail de l'Insee qui demande du temps de traitement", nuance-t-il. D'autant plus que toutes les communes ne sont pas recensées à la même période. Il faut du temps pour harmoniser.
L'amende n’est pas de la compétence de la mairie, du maire ou des pouvoirs de police municipale. Pour ça, il faut saisir le procureur de la République qui décidera ou pas d’enclencher l’amende aux foyers qui n’auront pas répondu.
Émilie Defontaine, responsable du service citoyenneté et état civil à Chauny
À Chauny aussi, on craint "un problème de précision des données, sachant que ça reste quelque chose qui est déclaratif", note Émilie Defontaine, responsable du service citoyenneté et état civil. "Les personnes interrogées déclarent ce qu'elles veulent et ce qu'elles peuvent parfois, donc je pense qu'il peut y avoir un delta entre la réalité et les faits".
La deuxième problématique pour l'agente municipale réside dans le tirage au sort des adresses recensées par l'Insee "avec des récurrences plus réduites que certaines autres adresses sur le secteur". Elle rapporte des témoignages de personnes ayant déjà été recensés plusieurs fois, alors que d'autres habitants leur disent : "moi, ça fait dix ans que j'habite ici et je n'ai jamais été recensé jusqu'à aujourd'hui".
Avoir une photographie de la population
De son côté, Emmanuel Liévin, maire (PR) de Chauny, voit l'Insee d'une manière qualitative plutôt que quantitative. "Ça permet d'avoir une photographie de la population et de pouvoir ajuster nos politiques publiques selon l'évolution de la population". Par exemple, si celle-ci vieillit, la municipalité axera ses politiques publiques sur l'aide aux personnes âgées ou encore les mobilités. "Alors que si on voit qu'on a une forte hausse de la natalité, on sait qu'il va falloir axer nos politiques sur les services aux mamans, aux jeunes parents".
Il n'en reste pas moins que le recensement est une "charge pour les collectivités, une charge financière, une charge de travail, très peu compensée par l'État". L'édile voit quand même cette étape comme essentielle pour avoir une idée précise de l'évolution de la ville.
Si jamais la personne ne peut pas se recenser elle-même par internet, elle contactera la mairie, on me donnera les coordonnées et on prendra rendez-vous à la guise de la personne pour qu'on puisse le faire ensemble.
Mégane Delahaut, agent municipal chargée du recensement
Comment se passe concrètement le recensement ? Mégane Delahaut, agente municipale chargée de la question à Tergnier, a 176 logements à recenser à Fargnier et Quessy-centre. Elle distribue "des notices internet qui permettent aux gens de le faire directement eux-mêmes par internet. Après, beaucoup de personnes n'ont pas internet, ne savent pas le faire ou n'ont pas envie. On comprend totalement, donc on leur met une date limite", fixée au lundi 20 janvier.
Depuis cette date, Mégane Delahaut repasse dans tous les logements qui n'ont pas répondu au questionnaire en ligne "pour leur mettre un avis de passage, ou les aider à le faire sur internet avec un téléphone portable, un ordinateur, ou le faire en format papier".
Un taux de réponse de 97 %
Le recensement de la population est une opération de grande ampleur menée dans le cadre d'un partenariat entre l'INSEE et les communes. Selon la taille des communes, la méthode n'est pas la même. Dans celles de moins de 10 000 habitants (il y en a plus de 2 200 en Picardie), "le recensement est réalisé de manière exhaustive une fois tous les cinq ans, explique Hugues Horatius-Clovis, chef d'établissement Insee à Amiens. On a cinq groupes de communes, donc au bout de cinq ans, toutes ces communes sont recensées de manière exhaustive". Par exemple, cette année, l'Insee recense Doullens (Somme), Coye-La-Forêt (Oise) et Saint-Michel (Aisne).
Comme toutes les communes ne sont pas recensées en même temps, l'Insee part sur la base d'un fonctionnement d'un cycle de cinq ans pour garantir une égalité de traitement. "Les résultats sont diffusés, avec comme année de référence, l'année de milieu de cycle. C'est pour ça qu'aujourd'hui, nous avons diffusé, fin décembre dernier, les résultats de population au 1ᵉʳ janvier 2022", détaille Hugues Horatius-Clovis.
Pour les 22 communes de plus de 10 000 habitants, 8 % des logements sont recensés chaque année. "Les chiffres pour l'ensemble de la commune sont calculés à partir de cinq années de collecte, donc à partir de 40 % des logements [recensés], on arrive à avoir une bonne image de la population de l'ensemble de la commune", ajoute-t-il.
Qu'en est-il de la marge d'erreur qui fait parler plusieurs élus ? Celle-ci dépend du taux de réponse et "heureusement, sur notre zone d'intérêt, on a un excellent taux de réponse" de l'ordre de 97 %. Ce très faible taux de non-réponse permet "l'exploitation des résultats, le calcul des populations de référence et, par conséquent, l'utilisation de ces résultats pour les principaux usages du recensement", comme la dotation globale de fonctionnement des communes, citée plus haut. Les chiffres permettent aussi de calculer la taille des conseils municipaux et la mise en place d'un certain nombre de services.
Avec Claire-Marine Selles / FTV