Élections des chambres d'agriculture : un scrutin sous tension aux multiples enjeux sur fond de crise agricole

Depuis le 15 janvier et jusqu’au 31, les professionnels de l’agriculture et les retraités sont appelés à voter pour renouveler les chambres d’agriculture. Un scrutin crucial dans un contexte de crise agricole. En Picardie, comme dans de nombreux autres territoires, la FNSEA voit son hégémonie plus que jamais questionnée.

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Les syndicats agricoles mènent une lutte acharnée pour contrôler les chambres d’agriculture, ces institutions stratégiques. Chaque département dispose de sa chambre, composée de 33 membres élus pour six ans. Les électeurs : exploitants agricoles, salariés du secteur, propriétaires fonciers ou conjoints d’exploitants, peuvent voter en ligne ou par correspondance jusqu’au 31 janvier. Cela concerne 2,2 millions de personnes en France.

Quel est le rôle des chambres d’agriculture ?

Les chambres d’agriculture, avec un budget global de 950 millions d’euros, sont des institutions publiques essentielles. Leurs missions, définies par le Code rural, incluent :

  • Accompagnement technique et administratif : conseils, formations payantes et soutien aux agriculteurs.
  • Représentation : défense des intérêts agricoles auprès des pouvoirs publics.
  • Transitions agricoles : aide aux agriculteurs face aux défis économiques, climatiques et sociétaux.
  • Missions de service public : enregistrement des exploitations, identification animale, etc.

Ces établissements, placés sous la tutelle de l’État, jouent un rôle central dans les politiques agricoles locales.

Trois grands syndicats, trois visions de l’agriculture

La Fédération nationale des syndicats des exploitants agricoles (FNSEA) et les Jeunes agriculteurs (JA) : Syndicat majoritaire depuis des décennies, il prône une agriculture productiviste et davantage tournée vers les marchés internationaux que les autres syndicats. En 2019, la FNSEA et les JA contrôlaient 97 des 101 chambres, y compris toutes celles de la Picardie.

La Coordination rurale (CR) : Reconnaissable aux bonnets jaunes qu’arborent ses adhérents lors des manifestations. Plus radicale, elle milite pour une "exception agricole française" et dénonce la concurrence étrangère jugée déloyale. Classée très à droite sur l’échiquier syndical, elle se positionne comme l’alternative principale.

La Confédération paysanne : Positionnée à gauche, elle défend une agriculture paysanne, durable et agroécologique. Le syndicat milite pour des prix minimums garantis et une redistribution accrue des aides publiques.

En Picardie, en 2019, la FNSEA, alliée aux Jeunes agriculteurs, dominait largement les dernières élections :

  • Aisne : FNSEA-JA 73 %, CR 18 %, Confédération paysanne 9 %.
  • Somme : FNSEA-JA 67,5 %, CR 26 %, Confédération paysanne 6 %.
  • Oise : FNSEA-JA 71 %, CR 19 %, Confédération paysanne 9,6 %.

La liste qui arrive en tête obtient la moitié des sièges, les autres sont attribués à la proportionnelle. Ce système avantage les syndicats majoritaires, ce qui suscite des critiques des organisations minoritaires, notamment de la Coordination rurale qui conteste de plus en plus l'hégémonie de la FNSEA.

Une élection aux multiples enjeux

Plus qu’une question de sièges, diriger une chambre d’agriculture permet de peser dans des instances stratégiques comme les commissions d’action agricole ou les débats sur la politique agricole commune (PAC).

L’enjeu financier n’est pas non plus à négliger. Chaque année, 14 millions d’euros sont alloués aux syndicats agricoles. La liste majoritaire reçoit 75 % de cette somme, soit 10,4 millions d’euros, le reste étant réparti proportionnellement.

En 2019, moins d’un électeur sur deux avait voté. Les syndicats ont donc redoublé d’efforts pour mobiliser, notamment en Picardie.

FNSEA-JA : défendre la compétitivité

Fin novembre, l’Union des syndicats agricoles de l’Aisne (USAA), affiliée à la FNSEA, a protesté contre le poids des réglementations administratives en déversant des papiers devant la Direction départementale des Territoires à Laon. 

La charge administrative est trop importante, on y consacre un peu trop de temps, et nous espérons avec les moyens qu’on mettra sur le numérique, descendre cette charge mentale qui pèse sur les agriculteurs.

Charlotte Vassant, tête de liste Union des syndicats agricoles de l'Aisne

L'agricultrice évoque également l’adaptation nécessaire au changement climatique, y compris pour des cultures déjà bien implantées dans notre région. Les transformations belges s’implantent en Picardie. La pomme de terre dévore des surfaces toujours plus grandes. "La pomme de terre est une culture en expansion avec le réchauffement climatique. Nous travaillons avec les instituts et la chambre d’agriculture pour innover et améliorer la technicité des exploitants."

Coordination rurale : une "exception agriculturelle"

De l’autre côté, les bonnets jaunes, espèrent briser l’hégémonie de la FNSEA lors de ce nouveau scrutin, en multipliant les actions coup de poing, comme en Dordogne ou à Rennes où la coordination rurale avait déposé des sangliers morts devant différentes administrations.

Dans l'Aisne, la partie se joue plutôt avec humour. Un coq baptisé Doumer (comme le dernier président de la République axonnais) avait par exemple été offert à la préfète.

Damien Brunel, tête de liste coordination rurale dans l’Aisne défend une chambre d’agriculture de proximité et critique le modèle agricole français face aux marchés étrangers.

On est la première puissance agricole européenne et néanmoins on est importateurs. C’est une dure réalité. Il faut qu’on ait une agriculture forte, avec des agriculteurs qui gagnent bien leur vie.

Damien Brunel, tête de liste coordination rurale dans l'Aisne

Confédération paysanne : un modèle paysan et durable

François Dugrain, tête de liste dans l’Aisne, rêve d’une agriculture à l’image de sa ferme "une ferme familiale avec une ambition de nourrir les gens d’ici et qui respecte à la fois mon revenu, ma santé et la santé des gens que je vais nourrir. C’est très important pour moi".

Le gros problème, c'est que les choix qui sont faits depuis des décennies par le syndicat au pouvoir depuis des décennies n’ont pas du tout réussi à stopper l’hémorragie du monde agricole parce que les conditions de travail dans l’agriculture ne permettent pas aux paysans d’en vivre.

François Dugrain, tête de liste confédération paysanne dans l'Aisne

Il dénonce "l’adhésion de l’agriculture au productivisme et au libre-échangisme qui n’ont jamais permis aux paysans d’en vivre."

Parmi les solutions, son syndicat propose un prix minimum garanti, défini comme le prix de revient moyen en France (coût de production + rémunération paysanne), déterminé par les pouvoirs publics. Ces élections redessineront les rapports de force entre les syndicats et influenceront les politiques agricoles locales et nationales.

En Picardie, elles représentent un enjeu crucial pour un secteur en pleine mutation, face aux défis climatiques, économiques et sociaux.

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