Il y a 37 ans, comment des déchets toxiques de l'usine italienne de Seveso ont été illégalement stockés à St-Quentin

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Au printemps 1983, une information circule dans l'Aisne : des fûts contenant des déchets contaminés à la dioxine seraient entreposés dans une vieille usine près de Saint-Quentin. Des fûts en provenance d'une usine de Seveso en Italie à l'origine d'une catastrophe écologique et industrielle majeure.

Le 10 juillet 1976, un nuage contenant de la dioxine s’échappe d’un réacteur de l’entreprise Icmesa,  une usine fabriquant un produit chimique, le trichlorophénol. Située près de Seveso au Nord de Milan, elle est responsable d’une pollution énorme de la zone.

 

Plus de trace des fûts pendant 8 mois



En août 1982, une décontamination est entamée par le propriétaire de l’usine, la société suisse Hoffmann-La Roche. 2,5 tonnes de matériaux imprégnés de cette dioxine et des résidus chimiques sont conditionnées dans 41 fûts. Ils doivent être envoyés dans l’usine Ciba de Bâle, en Suisse. Mais passé Vintimille et la frontière franco-italienne, les fûts disparaissent.

Ils font leur réapparition 8 mois plus tard, en 1983, à près de 900 kilomètre de Seveso, à Saint-Quentin dans l’Aisne.



Le 10 septembre 1982, un camion de la société marseillaise Spelidec, conduit par Bernard Paringaux, le directeur de l'entreprise lui-même et son unique employé, transporte les fûts vers l’Aisne. Ils restent entreposés à Saint-Quentin pour être dédouannés par une entreprise locale, l’entreprise Gondrand.

Dans un vieux hangar dans l'Aisne



Ils sont ensuite déplacés le 8 novembre pour être stockés dans les locaux de l’entreprise en partie désaffectée Naftank industrie, située à Anguilcourt-le-Sart, près de Saint-Quentin. Une entreprise qui loue des hangars à Spelidec. Bernard Paringaux aura effectué au total six voyages entre les deux lieux au volant d'une camionette de location.

 



En décembre 1982, les douanes de Saint-Quentin sont informées que des déchets toxiques sont entrés illégalement sur le territoire français. Elles montent la garde devant l’entreprise Naftank pour empêcher que les bidons ne repartent. Une fouille de l’entreprise est demandée par le Parquet de St Quentin saisi du dossier. Seuls quelques fûts, contenant des matériaux non dangereux, sont retrouvés sur place. Ils seront emmenés vers le camp militaire de Sissonne. Les autres semblent avoir quitté les lieux quelques jours après leur arrivée en novembre.

 

Le gérant refuse de dire où sont les fûts



Le 30 mars 1983, Bernard Paringaux, gérant de Spelidec, est inculpé pour "non-déclaration des caractéristiques et de la destination d'une cargaison importée de l'étranger" et écroué à Saint-Quentin. S'il confirme leur présence à Anguilcourt-le-Sart en novembre 82, il refuse de révéler le lieu où les fûts ont été ensuite déplacés.

 



Les spéculations vont alors bon train. En avril 1983, un journaliste du Parisien Libéré reçoit un appel téléphonique anonyme. L’interlocuteur lui affirme que les les fûts de Seveso ont été enfouis dans une décharge industrielle située à Itancourt à 6 km de Saint Quentin. Une enquête est menée sur place par les gendarmes mais aucun sondage ne sera effectué.



 

La trace de ces fûts n'est pas clairement retrouvée. Même par les autorités de l'époque.



En janvier 1990, Jean-Luc Mélenchon, alors sénateur communiste de l’Essone, demande des explications au Secrétaire d’Etat chargé de l’environnement de l’époque, Brice Lalonde. Selon le sénateur, "des documents mis à jour récemment prouvent que ces fûts de dioxine seraient entreposés dans la décharge de Mont-Chain, une petite ville près du Creusot. Ils y auraient été enfouis clandestinement dans la nuit du 4 novembre 1982."

Une version officielle mise en cause



Brice Lalonde répond que "placés alors sous contrôle judiciaire (...) par le parquet de Saint-Quentin - les fûts furent restitués à Bâle au siège de leur propriétaire, les établissements Hoffmann-La Roche". Ils auraient en effet été incinérés devant la presse suisse. 

 

Une version officielle mise en cause par plusieurs biologistes. Dans un article paru dans L’usine nouvelle le 23 septembre 2018, il est fait état de leur argumentaire : le poids total des déchets aurait différé entre leur départ d’Italie et leur arrivée à Bâle ; le diamètre des barils non plus n’est pas le même. Ils concluent que les fûts brûlés auraient en fait contenu des déchets non contaminés, les toxiques ayant fini en Allemagne de l’Est, voire en Somalie.
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