Barrages des gilets jaunes à Hirson et Marle (Aisne) : "On restera tant que le mouvement national tiendra"

Plusieurs milliers de gilets jaunes se relaient depuis le 17 novembre dans le nord de l'Aisne, notamment à Hirson et Marle. Organisés, parfois soutenus par les élus locaux, Ces manifestants se disent très dépendants du prix des carburants, dans une zone rurale où prendre sa voiture est une évidence.

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Lorsqu'il a entendu parler du mouvement des gilets jaunes, Jérémy n'a pas hésité à les rejoindre. Le trentenaire, qui habite Marle-sur-Serre (Aisne), à mi-chemin entre Laon et Vervins, a posé une semaine de congés pour soutenir ses voisins et occuper le rond-point de la Grenouille, qui borde la commune.

Il travaille à Reims, à 80 kilomètres de là, comme agent de sécurité. "Chaque matin, je me lève à 4h30, je fais la route pour embaucher à 6 heures. Le soir, je termine à 21 heures, raconte-t-il. Je fais des sacrifices : j'ai deux enfants dont je ne peux pas profiter la semaine. Elles demandent souvent pourquoi papa n'est pas là, mais elles savent que c'est pour le travail et que c'est essentiel pour la famille."
 

La voiture, vitale pour vivre en Thiérache

Jérémy estime dépenser 350 euros pour ces déplacements professionnels. Une somme importante pour le foyer, mais qui risque d'augmenter avec la hausse des taxes. "C'est ce qui m'a motivé pour manifester. (...) Ce qu'il faudrait, c'est plus de travail ici. Ça éviterait aux salariés comme moi de faire des kilomètres pour en trouver." Le train, il n'y pense même pas : Marle possède bien une gare, desservie par la seule ligne Laon-Hirson, mais son service débute trop tard et termine trop tôt.

 


Ce 21 novembre, pour leur cinquième jour de mobilisation, les gilets jaunes de Marle sont une cinquantaine. Ici, les règles sont strictes : le bon contact avec les forces de l'ordre et les automobilistes est exigé, mais aussi l'absence d'alcool. "Les gendarmes savent qu'ici, ça se passe bien. Il passent voir si tout va bien et repartent, note Jean, ancien élu de la commune. On laisse passer les ambulances, la gendarmerie, les pompiers. On n'a eu aucune anicroche et on continuera dans ce sens-là," promet-il.

Hausse de la CSG, pénalisation des véhicules de plus de vingt ans, du chauffage au fioul... Jean s'est posté sur la route car il constate que personne n'a les moyens, ici, de respecter ces consignes. "C'est simple de demander tout ça du haut de l'Élysée, ça l'est bien moins pour nous de l'appliquer," assène-t-il.

À Marle et en Thiérache en général, chaque jeune se doit d'avoir son permis. "Pour trouver du travail, il faut faire 20 ou 30 kilomètres. Les transports en commun, c'est bien pour éviter de polluer, mais il y a un problème d'horaires et ça revient aussi cher que de mettre de l'essence dans la voiture, explique l'un des jeunes postés sur le barrage. Il faudrait baisser le prix des transports en commun, ça changerait énormément de choses pour les lycéens, et recréer du travail dans les villages." La veille, lui et ses amis sont restés jusqu'à 2 heures du matin pour assurer le filtrage.
 

À Hirson, une foule remontée contre la baisse du pouvoir d'achat

Un peu plus au nord, tout près de la frontière belge, c'est l'effervescence à Hirson. Sur le rond-point à la sortie de la commune, plus de 3 000 personnes se sont relayées depuis le 17 novembre pour faire tenir le barrage filtrant, où passent de nombreux automobilistes venant de Belgique et des Ardennes.

Ce 21 novembre, ils ont dû le lever sous la pression des gendarmes, sans violence. "On nous a envoyé de Paris la garde mobile pour nous casser, alors qu'on était tous pacifiques. J'espère qu'on va pouvoir le rester un maximum de temps," souffle Daniel, l'un des organisateurs du rassemblement. "C'est vraiment dommage, on avait un groupe électrogène et un chapiteau, on pouvait tenir encore longtemps," regrette une sympathisante. Entre 300 et 400 personnes se sont repliées devant le Auchan de la commune en fin d'après-midi.
 


Mais vers 17 heures, au crépuscule, la foule décide de reprendre l'ancienne position, sous l'oeil d'une vingtaine de gendarmes. Dylan, une trentaine d'années, estime "ne plus avoir pouvoir d'achat" en général. "Je suis intérimaire, j'ai rien à moins de 20 kilomètres. On est obligés de mettre 80 euros d'essence chaque semaine dans la voiture pour gagner 300 euros. Voilà, un tiers de ce que l'on gagne part dans les déplacements pour aller bosser. (...) On est deux, on a la maison, les charges... À la fin il ne nous reste rien." Amélia ajoute : "On restera là tant que le mouvement national tiendra".


Sur le rond-point, les poids lourds défilent en klaxonnant, sous les applaudissements des porteurs de gilets réfléchissants. Certains routiers n'hésitent pas à multiplier les tours pour ralentir la circulation, ou déposer des palettes aux manifestants. Ceux-ci s'empressent alors de les découper à la tronçonneuse et les faire flamber au white spirit pour se réchauffer. Cette nuit, il fera à peine 1°C.

 

Qu'importe les températures, près d'une centaine d'irréductibles resteront jusque tard dans la soirée. C'est le cas de Frédéric, intérimaire, qui parcourt chaque jour les 50 kilomètres qui séparent son domicile de Saint-Michel (Aisne) de son lieu de travail à Wallers-en-Fagne (Nord). "Moi je reste jusqu'à minuit grand maximum, parce que j'attaque à 3 heures demain ! Mais demain, dès 16h30, je serai de retour. Et samedi 24 novembre, je serai à Paris !"
 
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