Le gouvernement a décidé de prolonger de 2 mois supplémentaires l'état d'urgence en vigueur depuis les attentats du 13 novembre, alors que la France s'apprête à accueillir cet été l'Euro 2016, un événement sportif majeur où des dizaines de milliers de supporteurs sont attendus pour chaque rencontre.
"Nous proposerons de le prolonger pour une période de deux mois supplémentaires à partir de la fin du mois de mai", a annoncé Manuel Valls mercredi sur France Info, justifiant cette décision par la persistance de la menace terroriste. "L'état d'urgence, ça ne peut pas être un état permanent, mais à l'occasion de ces grandes manifestations, je pense à l'Euro-2016 comme au Tour de France (cycliste, en juillet, NDLR), nous avons considéré avec le président de la République et le ministre de l'Intérieur qu'il fallait prolonger cet état d'urgence", a-t-il développé.
"Nous avons besoin de donner ces pouvoirs, ces possibilités, sous le contrôle du juge, sous le contrôle du Parlement, pour permettre une meilleure riposte face au terrorisme", a justifié le Premier ministre, alors que la mesure reste très controversée à gauche. Une communication en ce sens devait être présentée dans la matinée en Conseil des ministres par le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve. Un texte sera ensuite transmis au Conseil d'Etat puis au Parlement, à qui il revient de voter la prolongation de l'état d'urgence, déclenché après les attentats du 13 novembre et déjà prorogé à deux reprises pour trois mois, jusqu'au 26 mai.
"Face à un événement aussi considérable qui est celui de l'Euro 2016, qui doit se tenir dans la sécurité et qui en même temps doit être une fête, avec des stades remplis, des fan-zones remplies avec un engouement, je l'espère (...), autour des Bleus, nous devons assurer pleinement la sécurité", a déclaré Manuel Valls, lui-même amateur de football.
Manque d'"anticipation"
Le député Les Républicains Eric Ciotti a jugé la nouvelle prolongation "naturellement indispensable", mais a regretté le manque "d'anticipation du gouvernement". Cette décision "traduit un extraordinaire amateurisme du gouvernement. Le gouvernement ne savait pas qu'il y avait l'Euro ou le Tour de France ? On va délibérer pour la troisième fois devant le Parlement pour prolonger l'état d'urgence. C'est le symbole de cette impréparation du gouvernement. On est toujours à la remorque des évènements, il n'y a aucune capacité d'anticipation", a-t-il déclaré.La question de la sécurité des stades et des fan-zones pendant l'Euro est devenue brûlante depuis les attentats du 13 novembre, perpétrés dans Paris mais aussi aux abords du Stade de France, à Saint-Denis, durant le match amical France-Allemagne. Les autorités multiplient les exercices pour préparer les réponses à d'éventuelles attaques durant les rencontres de l'Euro qui se dérouleront du 10 juin au 10 juillet dans plusieurs grandes villes, telles Bordeaux, Lille ou Marseille, outre le Stade de France.
Les organisateurs parlent de deux millions de visiteurs attendus pendant le tournoi. Quant à la "Grande boucle", qui draine chaque année des millions de spectateurs le long des routes de France, elle s'élancera le 2 juillet depuis le Mont-Saint-Michel, haut-lieu du tourisme, et terminera sa course le dimanche 24 juillet à Paris par le traditionnel final sur les Champs-Elysées.
Perquisitions, interpellations
L'état d'urgence est un régime d'exception permettant notamment à l'Etat d'assigner à résidence toute personne "dont l'activité est dangereuse pour la sécurité et l'ordre publics" et d'ordonner "des perquisitions à domicile de jour comme de nuit" sans passer par l'autorité judiciaire. Depuis la proclamation de l'état d'urgence après les attentats de novembre, "plus de 3.500 perquisitions ont été menées (...) débouchant sur plus de 400 interpellations", avait précisé vendredi M. Cazeneuve à Orléans.Des partis de gauche et des associations de défense des droits de l'homme et des libertés publiques s'inquiètent cependant d'un risque de pérennisation de ce régime d'exception. François Hollande avait proposé de le constitutionnaliser, mais il a finalement dû renoncer à cette réforme qui comprenait également le très controversé élargissement de la déchéance de nationalité, faute d'accord entre les deux chambres du Parlement