Harcèlement scolaire : ce que la publication du journal intime d'Emilie a changé

Emilie, 17 ans, est décédée le 22 janvier. Ses parents affirment que son suicide est lié à une dépression causée par du harcèlement au collège, des années plus tôt. Ils ont rendu publics son histoire et son journal intime. Quelques jours après, sa mère revient sur l'impact de cette médiatisation.

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Il est rare qu'un article génère autant de réactions, de commentaires, de débats. Celui qui a été publié par notre site le 27 septembre dernier (et dans La Voix du Nord) intitulé "Emilie, 17 ans, se suicide après avoir été harcelée au collège, ses parents publient son journal intime" a suscité beaucoup de questions et d'émotion. Il a aussi eu des conséquences concrètes. 

Virginie, la maman d'Emilie, a accepté de nous rencontrer, 15 jours après : "Je pense que la publication du journal autobiographique d'Emilie effectivement a beaucoup touché les gens parce qu'on sent à quel point c'est authentique et elle décrit parfaitement sa souffrance quotidienne, explique-t-elle. Je pense que peu de gens peuvent y rester insensibles". 

Le harcèlement scolaire dans le débat

C'est le premier effet concret de la publication de ce journal intime et des interviews données par sa maman sur le thème du harcèlement scolaire. L'histoire d'Emilie a été reprise dans de très nombreux médias y compris à l'étranger. Il faut également y ajouter le téléfilm "Marion, 13 ans pour toujours" diffusé à la même période sur France 3 qui a réalisé un forte audience. Résultat : on a beaucoup parlé ces derniers temps de "harcèlement scolaire" dans des familles, des établissements scolaires...

Quand les parents d'Emilie ont décidé de publier le journal intime de leur fille, cet objectif était important : sensibiliser, provoquer le débat... "Ça a eu un impact, remarque Virginie. On parle du harcèlement scolaire. On en parle régulièrement parce que régulièrement, il y a des drames, des suicides mais là cette fois-ci, on en parle de manière plus durable avec des questions plus de fond. Concernant la manière dont se déroule le harcèlement, concernant la prévention qu'on pourrait mettre en place. Je pense que cet objectif est atteint."


Virginie dit également avoir reçu de nombreux témoignages de jeunes ou de familles ayant vécu ou vivant le harcèlement scolaire. Certains venaient aussi de personnes ayant fréquenté Notre-Dame de la Paix : "Insultes, menaces, humiliations... On retrouve beaucoup de similitudes dans les violences décrites."

Collège Notre Dame de la Paix : dialogue autour du harcèlement scolaire

Depuis la publication des articles de presse sur Emilie, l'établissement catholique lillois Notre-Dame de la Paix a pris des initiatives. La lecture du journal a été un choc pour certains enseignants. Beaucoup ont dit découvrir les faits. Certains n'étaient pas dans le collège à l'époque des faits et ont mal vécu le fait de voir leur établissement mis en cause. D'autres ont été étonnés, surpris, interpellés. Rapidement, des heures de sensibilisation et de dialogue ont été organisées dans les classes du collège et du lycée. L'histoire d'Emilie a été le point de départ à un dialogue, une sensibilisation : les élèves et les professeurs ont parlé concrètement du "harcèlement scolaire". 

Le directeur de l'établissement, Vincent Fleter, qui n'était pas à ce poste à l'époque, a même été plus loin dans La Voix du Nord : "Nous avons des élèves-médiateurs, des professeurs, des surveillants… Pourquoi Émilie n’était-elle pas allée les voir ? Elle n’a pas osé, alors qu’elle souffrait d’un mal profond . J’aimerais rencontrer ses parents. Pourquoi ne pas imaginer avec eux une conférence à NDP pour témoigner de ce qui s’est passé ? » Une proposition qui n'a pas plu à Virginie : "Aujourd'hui, il y a un nouveau directeur qui semble prendre les choses en main. Tant mieux si c'est dans la durée, si ce n'est pas juste sous l'impact médiatique, je ne peux que me féliciter de ses initiatives. Me proposer de participer à une de ses séances de sensibilisation ? Quand j'ai lu ça, je me suis demandé si c'était une forme d'inconscience. Si je fais ça, ça veut dire que je cautionne Notre-Dame de la Paix. Ce qui est impossible puisqu'on est actuellement en procédure. Ou alors c'est du cynisme... Et puis je pense que je me sentirais extrêmement mal dans cette enceinte où Emilie a tant souffert. C'est tout à fait impossible."

Des avancées dans l'enquête ?

Une plainte a été déposée contre le collège Notre-Dame de la Paix il y a déjà plus de 6 mois. Selon les parents d'Emilie, le dossier a "traîné" depuis. La médiatisation de l'affaire semble avoir un peu accéléré les choses : "J'espère qu'il y aura une véritable enquête. On peut retrouver les élèves qui étaient dans la classe d'Emilie. J'ai le nom d'un agresseur que j'ai transmis à l'enquêtrice". Et elle appelle les témoins et même les harceleurs à se manifester : "J'aimerais vraiment que les élèves qui ont vu ce qu'a subi Emilie il y a quelques années témoignent. Pour que la parole d'Emilie ne soit pas mise en doute et qu'on entende un jour au niveau de la justice que c'était une affabulatrice, que son journal c'était n'importe quoi. Ce serait inentendable pour sa famille. Moi, je n'ai toujours pas fait mon deuil. Ma vie est démolie depuis le départ d'Emilie. C'est pour ça que j'ai besoin de témoignages des gens qui l'ont connu et ont assisté à des choses. Aujourd'hui, ce sont des adultes, c'est leur responsabilité de citoyen de faire éclater la vérité pour que justice soit rendue à Emilie. Les harceleurs ? S'ils ont un sursaut de conscience, s'ils peuvent avoir une empathie, des regrets, ils peuvent se manifester. Je suis prêt à les rencontrer. Mon but, ce n'est pas qu'ils aillent en prison,  c'est que l'établissement prenne ses responsabilités."

Un message de prévention

Une nouvelle fois, la mère d'Emilie tient aussi à faire passer un message fort de prévention sur le "harcèlement scolaire : "Surtout, ne pas rester isolé dans le silence. Parler. Avec leurs parents, si c'est possible. Tout de suite. Dès la 1ère violence. S'il y en a une autre, tout de suite intervenir par écrit. Il y a aussi le numéro qui a été mis en place : le 3020, où ils peuvent obtenir une écoute de psychiologues, une aide juridique aussi. Et aussi contacter les enseignants dans l'espoir qu'ils tombent sur des enseignants à l'écoute. Le harcèlement est quelque chose qui vous tue à petit feu. C'est la répétition des méchancetés, des agressions, des insultes, des coups. C'est ce qui a détruit ma fille. Elle a fini par se voir comme les harceleurs la décrivaient. Elle a fini par considérer que sa vie n'avait aucune importance, puis à se suicider. Avant d'en arriver là, il y a plein de choses à faire. Il faut surtout ne pas rester isolé !"


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