À l'école Pasteur de Lambersart, de nombreux instituteurs dénoncent le harcèlement d'une inspectrice. Arrêts en chaîne, climat délétère, enquête administrative... Les parents d'élèves, inquiets, ont manifesté ce jeudi 17 décembre à 8h du matin pour exiger des réponses.
Ce jeudi 17 décembre matin à 8 heures, une quarantaine de parents d'élèves se sont rassemblés devant l'école Pasteur, pour exprimer leurs craintes face à une atmosphère pesante au sein de l'établissement pour les instituteurs et les écoliers. "On se déplace pour dénoncer la situation de tension et de souffrance", explique un parent d'élève et responsable de l'association Les Enfants d'Abord.
En effet, un climat délétère règne au sein de l'école Pasteur de Lambersart depuis trois ans. Quatre des neuf enseignants de l'établissement sont en arrêt de travail. En cause : une inspectrice académique accusée de harcèlement par plusieurs instituteurs. Révélée par nos confrères de Mediacités, l'affaire inquiète les parents d'élèves qui demandent des réponses claires et un environnement sain pour leurs enfants.
Une affaire qui remonte à 2017
Pour comprendre le malaise qui a envahi l'école et la mobilisation des parents, il faut remonter à l'année 2017. "On avait des collègues en souffrance à cause du harcèlement de la part de l'inspectrice de la circonscription de Lille-Lambersart, explique une institutrice, en poste dans cette école depuis 20 ans et en arrêt maladie suite à cette affaire. Avec d'autres membres de l'équipe pédagogique, j'ai signé pour soutenir des collègues".
Thomas (le prénom a été modifié), mari d'une institutrice, elle aussi en arrêt maladie, sous psychotrope et suivie par un psychiatre, confirme la situation. "Ce harcèlement se déroule par le biais d'inspections qui ne sont pas des inspections. Les critiques sont violentes, il y a des remises en cause des capacités d'enseignement et des menaces de mutation" dans "l'Avesnois profond", si les professeurs font trop de vagues.
On a l'impression qu'il y a une forme d'acharnement, avec une inspectrice qui traine dans les écoles à la recherche de la moindre petite faute
Des dires qui rejoignent ceux de la CGT Educ'action "On a l'impression qu'il y a une forme d'acharnement, avec une inspectrice qui traine dans les écoles à la recherche de la moindre petite faute". D'après le syndicat et des éléments récoltés par nos confrères de Médiacités, l'école Pasteur n'est pas la première à se plaindre de cette inspectrice. Mais c'est la seule à se manifester publiquement jusqu'ici.
Les syndicats, forts d'une vingtaine de témoignages, bien qu'anonymes pour la plupart, ont obtenu une réunion le 27 juin 2018 avec l'inspectrice de la circonscription incriminée et le directeur académique des services de l'Education nationale du Nord (Dasen), Jean-Yves Bessol.
Des éléments jugés insuffisants pour le directeur académique, qui dit cependant être engagé pour éclaircir les choses. "Je me suis intéressé à la démarche de ces professeurs, au vu de ce qui a été dit par rapport à l'inspectrice. J'ai demandé la mise en place d'une enquête administrative extérieure à la circonscription pour comprendre ce qui se passait".
Pour Jean-Yves Bessol, les éléments ne sont pas assez probants pour lancer une enquête contre l'inspectrice. "En plus, je suis dans le département depuis trois ans. Les prédecesseurs ont toujours acté de son professionnalisme", confesse-t-il.
Un mal-être au sein du corps enseignant
Pourtant, le mal-être est toujours perceptible du côté des enseignants, ainsi que des élèves et de leur famille. "Il y a une peur de la part des enseignants d'être identifiés et d'avoir des sanctions, donc ils ne parlent pas, explique la CGT Educ'action Nord. Il y a une grande souffrance. Quand on lit la restitution, ça donne l'impression qu'on reproche à l'école ce qu'elle reproche à l'inspectrice."
Mon épouse parle carrément de camp de redressement.
Toutefois, des préconisations du rectorat ont mené à une semaine de formation fin juin 2020, pour tous les enseignants, afin de revenir "sur des principes pédagogiques ou encore sur les valeurs de la République", explique le directeur d'inspection. Les enseignants avaient tous été remplacés pendant quatre jours. "Mon épouse parle carrément de camp de redressement", raconte Thomas.
Le directeur d'inspection, Jean-Yves Bessol, s'en défend, cette formation se voulait constructive : "Cette démarche n'a pas du tout été comprise de la part de l'équipe de l'école. Ils vivent ça comme une sanction, ce n'en était pas une". Il se dit prêt à "trouver une solution" et à "revoir les enseignants, car il faut se dire les choses". Mais 40% d'entre eux sont encore en arrêt à ce jour.
Du côté des parents, le plus important, c'est le bien-être de leurs enfants et des instituteurs. "La situation a commencé à se dégrader à la sortie du confinement, explique le deuxième parent d'élève. Il y a eu une remise en cause du protocole sanitaire, pourtant validé." En effet, le protocole sanitaire, pourtant validé avant la reprise des cours post-confinement, a finalement été jugé inadéquat, à la dernière minute, "sans aucune explication", poussant l'école à devoir passer à des cours en demi-classe jusqu'à la dernière semaine de juin.
Mais ce qui a le plus attiré l'attention des parents, c'est que "lors de cette dernière semaine de juin, 100% des enseignants ont été remplacés, les instituteurs ont eu une semaine de formation. On a appris ça deux jours avant la reprise des cours en classe entière".
Une enquête du Comité Hygiène et Sécurité au Travail est prévue. Elle donnera peut-être davantage d'éléments de réponses.