Le 9 janvier 2025, d'importantes chutes de neige créent un dégât des eaux à la résidence Guynemer de Douai, allant jusque dans les tableaux électriques. Par précaution les locataires quittent l'immeuble. Guillaume, l'un d'entre eux, pointe des fragilités du bâtiment qui pourraient être antérieures aux intempéries. Il nous raconte son calvaire, privé deux semaines d'électricité et de son logement.
"Il faut s'imaginer une flaque au pied de l'armoire électrique". Lorsque Guillaume décrit l'état dans lequel se trouvent les parties communes de son immeuble, il craint pour sa sécurité. "Des locataires disent que ça coule dans le placard électrique depuis plusieurs jours."
Au n°85 de la rue du Capitaine Louis Madiot de Douai se trouve la résidence Guynemer. Briques, revêtement écru, volets propres et fenêtres modernes. L'édifice semble récent. Mais depuis le 9 janvier, jour où d'importantes chutes de neige se sont abattues sur les Hauts-de-France, de "l'eau ruisselle dans les parties communes" du bâtiment G. L'électricité sera coupée le jour même.
Sans électricité, les locataires ont évacué leur logement. Deux semaines plus tard, le courant est finalement revenu. Guillaume, locataire de l'un des appartements du bâtiment depuis trois ans et demi, raconte ses difficultés.
De l'eau dans les placards électriques
Tout a donc démarré le 9 janvier 2025. Guillaume rentre du travail et se rend compte que de l'eau ruisselle dans les parties communes de son immeuble. "Ça s'infiltre par la toiture de manière abondante", se souvient-il. Sur le chemin, avec son fils de trois ans, il croise des voisins qui l'alertent sur le fait que l'eau "coule dans le placard électrique depuis plusieurs jours." À chaque étage, il fera le même constat.
Il s'inquiète tout de suite pour sa famille et les autres locataires. "Il y a un gros problème de sécurité", se dit-il. "J'appelle le syndic [l'Immobilière du Douaisis, NDLR] et je dois négocier avec eux et m'énerver pour qu'ils acceptent de ramener un électricien. J'appelle aussi les pompiers parce que j'ai moyennement confiance."
D'après Guillaume, un électricien vient alors sur place, coupe l'électricité dans les parties communes et la laisse dans les logements. "Mais les pompiers tiennent un autre discours", poursuit-il. Face au risque d'électrocution, ils prennent la décision de couper le courant partout. Les locataires quittent alors les lieux pour être relogés.
Deux semaines sans électricité
L'électricité sera finalement rétablie le 23 janvier à 16 h 10, soit deux semaines plus tard. Durant ce laps de temps des travaux ont été réalisés "dans les placards électriques", relate Guillaume peu convaincu par les moyens mis en place.
"J'ai l'impression qu'ils font de la bricole et qu'ils n'ont pas réglé le problème en profondeur. On a un toit plat, quand il pleut ou qu'il neige fort ça s'accumule. Il y a également des fissures, et l'eau s'y infiltre", s'agace-t-il, inquiet des conséquences des prochaines intempéries.
Tous les soirs il me dit « Je veux rentrer à la maison »
GuillaumeÀ propos de son fils
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Le locataire explique avoir essayé, en vain, d'entrer en contact avec l'Immobilière du Douaisis pour leur faire part de ses inquiétudes. "Je ne leur fait pas du tout confiance", lance-t-il. Par ailleurs, cette situation commence à empiéter sur sa vie personnelle. Il a posé provisoirement, avec sa compagne et son fils, ses valises à Cambrai, chez ses parents. "Mon fils fait deux heures de route pour aller en petite section. Tous les soirs il me dit « Je veux rentrer à la maison »".
En deux semaines, les solutions de relogement de fortune se sont essoufflées pour les locataires sinistrés. Certains ont fait le choix de retourner vivre dans l'immeuble, malgré l'absence d'électricité. "Deux personnes sont restées sur place. Un des deux explique qu'il doit aller à la piscine pour se doucher et qu'il mange froid."
Face à de telles difficultés, Guillaume peine à savoir vers qui se tourner, d'autant plus qu'il estime que ces dysfonctionnements sont bien antérieurs à la neige, et qu'ils se sont révélés avec les intempéries. Si l'électricité est revenue, il attend de voir l'avancée de la situation avant d'emménager de nouveau dans son appartement.
Un bailleur "démuni"
Une responsable de gestion de Citya Grand' Place à Arras, le bailleur des appartements, explique ne pas être en charge dans la mesure où la situation actuelle "est due à un problème qui relève des parties communes." Elle ajoute, "on a essayé d'accompagner au mieux nos locataires, mais malheureusement les informations du syndic ne nous sont pas parvenues."
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Pour ceux qui étaient en recherche de relogement, "nos locataires sont assurés en multirisque habitation", des contrats qui proposent "des nuitées d'hôtel". "On a accompagné nos locataires dans ce sens pour qu'ils puissent se reloger", assure-t-elle.
Pour le paiement des loyers, tous les propriétaires ont été contactés pour que les locataires n'aient pas à payer la période "où ils n'ont pas profité de l'appartement pleinement." Mais parce que les difficultés concernent les parties communes et non les logements privés, Citya Grand'Place à Arras assure être "démuni" face à la situation.
Des nuitées prises en charge par la municipalité
Mohamed Kheraki, adjoint au maire de Douai aux affaires sociales, au logement et à l'habitat, mais aussi vice-président du CCAS de Douai, est au courant de ce qui se passe à la résidence Guynemer.
"Je pense que le fait qu'il ait fait extrêmement humide et qu'il pleuve tout le temps, ça a pu fragiliser un certain nombre d'installations", estime-t-il. Concernant l'action communale, il confirme être intervenu "le soir même".
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"La majorité des familles, sauf une, avaient une solution de relogement chez la famille ou des amis", relate l'adjoint au maire. La ville de Douai a un protocole d'intervention dans le cadre de sinistres, d'incendies, mais aussi d'inondations qui permet "une mise à l'abri des sinistrés et de les aider financièrement."
Concrètement, cela se matérialise par trois nuits d'hôtel, renouvelables jusqu'à neuf nuits, aux frais du CCAS. À cela s'accompagnent également des tickets repas. Dans le cadre de la famille aidée dans le sinistre de la résidence Guynemer, cela représente 150 euros. Les locataires qui souhaiteraient bénéficier de cette aide peuvent toujours se rapprocher du CCAS, confirme l'adjoint au maire.
"Quels sont les freins" ?
Mais 14 jours après les faits, des doutes persistent chez Mohamed Kheraki. "Ce qui nous pose question, c'est pourquoi les gens n'ont toujours pas réintégré leur logement, alors qu'on nous a dit qu'en quelques jours ça allait être réglé ?"
Pour apporter des réponses concrètes, l'adjoint au maire a pris la décision d'organiser une réunion dans quelques jours, où seront conviées toutes les parties prenantes de l'affaire. "Sur le sujet du logement, je suis extrêmement ferme, je ne lâche jamais rien. Je veux savoir quels sont les freins et je veux des échéances, un véritable calendrier."
Sur le sujet du logement, je suis extrêmement ferme.
Mohamed KherakiAdjoint au maire de Douai aux affaires sociales, logement et habitat - VP du CCAS du Douai
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Pour l'instant, aucun arrêté de péril n'a été pris par la commune concernant la résidence, mais Mohamed Kheraki n'en reste pas moins vigilent. "Si on juge une dangerosité quelconque, un abandon ou un délaissement du syndic, nous mandaterons un expert." Mais concernant la communication avec l'Immobilière du Douaisis, comme pour Guillaume et pour Citya, il fait part d'un "dialogue difficile."
Chez nos confrères de la Voix du Nord, Christophe Butez, représentant de l'Immobilière du Douaisis fait état d'un défaut de conception dans la toiture. "Celle-ci n’est pas inclinée, et les cuves permettant d’évacuer l’eau sont situées en hauteur par rapport au toit. Plusieurs problèmes, dont celui-ci, ont été constatés concernant le bâtiment, et nous étions déjà en train de mener des investigations lorsque la neige a commencé à tomber. Avant l’intervention d’Enedis, nous avions d’ailleurs fait mettre l’immeuble en sécurité par un électricien."
Les autres questions restent quant à elles en suspens.
Si l'Immobilière du Douaisis a assuré à nos confrères de la Voix du Nord prendre le problème au sérieux, elle n'a pas souhaité répondre aux questions de France 3 Hauts-de-France.