Un "blockbuster" hollywoodien comme Dunkerque, présenté dimanche à Dunkerque en avant-première, c'est aussi une grosse machinerie promotionnelle. Si le réalisateur Christopher Nolan et les acteurs présents se sont livrés volontiers au jeu des interviews, tout s'est fait chronomètre en main.
Pour les médias, l'avant-première dunkerquoise du film Dunkerque s'est déroulée selon un plan de bataille strictement préparé. Notre premier rendez-vous ce dimanche est fixé à 13h30 du côté de la jetée Est, le fameux môle d'où embarquèrent la plupart des soldats britanniques et français évacués de Dunkerque lors de l'Opération Dynamo de 1940. Christopher Nolan souhaitait être interviewé à proximité de ce décor majeur du film (même si la jetée en bois reconstituée pour le tournage a été démontée depuis) et de la plage de Malo-les-Bains.
Les photographes, acheminés en car, doivent être prêts pour le "photocall" dès l'arrivée du cinéaste et des acteurs sur place prévue vers 14h30. Même consigne pour les équipes de télévision. "Ce sera du in and out", nous avait-on prévenu. En clair, Nolan doit arriver devant nous, dos à la plage, et on lance immédiatement les questions pour deux fois 8 minutes d'interview montre en main, et pas une seconde de plus. Les télés doivent travailler ensemble, par paires, pour questionner le cinéaste. L'équipe de BFM est notre binôme, tandis que TF1 et CNews forment l'autre tandem. Pas question d'accrocher à Christopher Nolan un petit micro sur son col de veste pour ne surtout pas perdre de temps.
La team Dunkerque est pourtant arrivée avec un petit quart d'heure de retard sur la jetée Est, dans un cortège de monospaces noirs aux vitres teintées, digne d'un convoi présidentiel. Après avoir pris la pose pour les photographes avec les comédiens Harry Styles, Jack Lowden, Fionn Whitehead, Tom Glynn-Carney et son épouse et co-produtrice Emma Thomas, Christopher Nolan s'est dirigé vers nous. Elégant dans son costume deux-pièces et visiblement décontracté, le cinéaste commence tout de go à répondre aux questions de nos confrères de TF1 et CNews.
Un petit cordon de sécurité, spécialement affrété sur les lieux, le sépare des caméras et des micros. Déjà rodé par plus de trois semaines de promo aux Etats-Unis puis en Grande-Bretagne, Christopher Nolan déroule, livre ses anecdotes de tournage et sa vision de l'Opération Dynamo et du film. Il parle d'une voix basse qui laisse poindre de la sincérité et une véritable passion pour son sujet, derrière une retenue et un flegme typiquement britanniques. Un petit tapotement sur l'épaule des journalistes par l'équipe de la Warner signifie la fin de l'entretien. C'est désormais notre tour, avec BFM. Quatre questions, avec deux relances, au milieu, et c'est déjà terminé, emballé et pesé. Il ne reste plus qu'à traduire et transmettre à nos rédactions.
Le temps de plier notre matériel et le "convoi présidentiel" a déjà disparu pour se rendre à la Halle aux Sucres, sur le quai Freycinet 3. C'est là que va se dérouler la suite des interviews, notamment pour nos confrères de presse écrite qui ont droit à une "table ronde". Il est alors 16h : pour les télés, c'est le moment du junket, une sorte de speed dating journalistique avec les acteurs. Après avoir patienté dans un couloir sur une chaise, comme avant une consultation chez le radiologue, on entre dans une pièce où deux comédiens de Dunkerque vous attendent, assis devant un décor promotionnel représentant l'affiche du film, avec un éclairage déjà réglé, le son au point et un caméraman de la production prêt à tourner. L'équipe leur glisse juste votre prénom et le nom de votre média avant votre entrée en scène, et c'est parti.
Compte-à-rebours
Tom Glynn-Carney faisait équipe avec Fionn Whitehead et Harry Styles avec Jack Lowden. Quatre garçons très accueillants et sympathiques qui se lèvent tous pour vous saluer et vous serrer chaleureusement la main. On passerait bien un peu de temps à bavarder en leur compagnie mais le chronomètre tourne déjà : 8 minutes pour questionner chaque paire d'acteurs, le tout en essayant d'équilibrer la parole entre l'un et l'autre pour ne pas paraître impoli, ni irrespectueux. En bon professionnel, rodé à l'exercice avec son ancien groupe des One Direction, Harry Styles - l'une des stars du film - n'a même pas besoin du journaliste pour passer la parole à son camarade écossais Jack Lowden, dont le tournage à Dunkerque s'est limité à des survols de la Manche, à bord d'un Yak, depuis l'aéroport de Marck, près de Calais. "On était vraiment au-dessus de La Manche, on pouvait voir la France et l'Angleterre en même temps", nous raconte celui qui incarne un pilote de Spitfire dans Dunkerque et qui admire le sang-froid des aviateurs qui doivent prendre des décisions cruciales en quelques dixièmes de seconde. On aurait aimé poser une petite question bonus à Jack Lowden sur son prochain film England is Mine, dans lequel il incarnera Morrissey, le chanteur des Smiths. On aurait même pu faire réagir Harry Styles là-dessus, mais trop tard, notre temps d'interview est déjà écoulé. Face à nous, l'écran d'un smartphone se déclenche pour égrainer les 60 dernières secondes. Un truc super anxiogène.
Pour Tom Glynn-Carney et Fionn Whitehead, deux jeunes débutants au cinéma, l'entretien sera aussi bref. Mais là aussi très convivial. Les deux garçons ont passé pas mal de temps à Dunkerque, surtout Fionn, qui occupe le rôle principal du film, et qui a logé huit semaines à l'Hôtel Borel près du Bassin du Commerce. "C'est un endroit sympa", lâche-t-il, le sourire en coin, déclenchant un petit rire de son camarade. "Il y a un côté relaxant dans cette ville". "Et il y a un super bar à burgers, avec une déco noir et blanc à l'intérieur", renchérit Tom Glynn-Carney. "Il y a une moto à l'entrée, une Harley Davidson".
Il n'a pas retrouvé le nom mais les Dunkerquois reconnaîtront... après un dernier échange sur leurs futurs projets - le film The Children Act pour Fionn, du théâtre pour Tom, il est temps de quitter la pièce, le compte-à-rebours étant écoulé sur l'écran noir du smartphone qui nous envoie maintenant des "thank you" nerveux, clignotant en lettres rouges. A la sortie, on nous remet une petite carte Compact Flash contenant les deux entretiens croisés qu'on pourra insérer dans notre sujet du journal télévisé.
A 16h30, tous les junkets sont bouclés. Les comédiens peuvent se changer et revêtir une tenue plus chic, pour le tapis rouge, où ils donneront encore quelques bribes d'interviews aux micros postés derrière les barrières, avant de poser une dernière fois dans le cinéma pour les photographes. La promo française du film est maintenant terminée pour eux.