De nombreux investissements sont prévus afin de faire du Grand Port Maritime de Dunkerque un acteur majeur de la dynamique en cours dans le dunkerquois
Nouvelle vallée de la batterie électrique, investissements massifs, arrivée de nouvelles entreprises... Le dunkerquois se développe encore et encore. Et dans ce contexte, le Grand Port Maritime de Dunkerque veut jouer un rôle majeur dans la dynamique en cours. Le directoire du port présentait, ce mardi 21 janvier, les grandes transformations à venir.
Dans un clip diffusé à l'assemblée réunie lors de la conférence de presse, Patrice Vergriete apparaît, et se félicite de "l'attractivité retrouvée" selon lui "le fruit de plus d'une décennie de travail." Une façon de lever le doute, s'il fallait encore se convaincre de la dynamique qui emporte le dunkerquois ces dernières années. Dans son propos introductif, le sous-préfet de Dunkerque, Frédéric Loiseau, ironise même : "chaque fois qu'on va se balader dans son coin, on se dit que Dunkerque a changé."
164 millions d'euros d'investissement prévus pour le port en 2025
Depuis plusieurs années, et encore pour les années à venir, le port de Dunkerque doit donc subir des transformations, en profondeur, pour accompagner les industriels du territoire. Autant commencer par les chiffres, d'emblée. En 2024, le port de Dunkerque a investi 95 millions d'euros, un record. Pour l'année 2025, le budget prévisionnel s'élève à 164 millions d'euros d'investissement. Record battu.
L'exemple le plus emblématique est sans doute l'arrivée de l'usine Clarebout-Potatoes sur le territoire, en 2023. Le géant des produits surgelés à base de pommes de terre produit 1 400 tonnes de frites par jour, majoritairement destiné à l'exportation.
Alors, le port de Dunkerque a rendu possible l'installation d'un transstockeur, en juin 2024, un entrepôt frigorifique automatisé, qui sert au stockage des produits Clarebout à proximité des bateaux qui les envoient ensuite aux quatre coins du monde. "Le port apporte les conditions d’installation pour les industriels qui investissent. C'est un vrai hub d'exportation qui est en train de se créer" résume Daniel Deschodt, directeur commercial du port de Dunkerque. Un autre groupe belge, Conhexa, prévoit la construction d'infrastructures similaires cette année, entre autre exemple.
Des usines toujours plus nombreuses
Dunkerque se hisse au rang de pilier de la vallée de la batterie électrique dans les Hauts-de-France. Ainsi, la gigafactory Verkor est en cours de construction dans la zone portuaire. L'entreprise taïwanaise Prologium devrait suivre dès la fin d'année 2026. D'autres noms, Orano, XTC New Energy, Neomat, viennent s'implanter tout autour pour produire les matériaux nécessaires aux gigafactories.
Dans cette transformation, le port de Dunkerque accompagne chacun des projets, en travaillant par exemple avec Verkor à l'aménagement d'une nouvelle plate-forme sur 70 hectares, baptisée ZGI 3. Plusieurs entrepôts logistiques sortent de terre, certains appartenant à PSA, pour permettre le stockage et l'exportation de véhicules de la marque Renault et de ses modèles électriques, par exemple. "C'est ce que nous appelons la filière mobilité électrique, qui concentre de nombreux projets en partenariat entre le port et les industriels" résume Maurice Georges, le président du directoire du Grand Port Maritime de Dunkerque.
En 2024, selon le dernier bilan communiqué par le Grand Port Maritime de Dunkerque, l'activité de fret entre Dunkerque et Douvres a augmenté de 8% et celui des véhicules de tourisme progresse, lui, de 3%. C'est la conséquence directe de la création d'une nouvelle passerelle sur le terminal, inaugurée en février 2024 et financée par le port de Dunkerque. "Concrètement, ça a permis de fluidifier le trafic pour notre partenaire DFDS" note Emmanuelle Verger, présidente du conseil de surveillance du Grand Port Maritime de Dunkerque. Dans la foulée, en avril 2024, une autre ligne s'est ouverte et a permis un trafic direct entre Dunkerque et l'Irlande. "On s'en félicite car on voit bien tout l'intérêt qu’il y a à contourner la Grande-Bretagne. Aujourd'hui, on va en Irlande et on exporte des marchandises sans quitter l'Europe" affirme Emmanuelle Verger.
Une nouvelle zone logistique tournée vers l'export
Enfin, c'est Daniel Deschodt qui le dit : "la logistique est le deuxième pilier du port de Dunkerque". Ainsi, une zone baptisée Dunkerque Logistique Internationale (DLI) est en cours de création et prévoit d'accueillir 400 000 mètres carrés d'entrepôts d'ici 2030. La première pierre de ce projet est déjà posée puisqu'un bâtiment de 43 000 mètres carrés est déjà opérationnel. Là encore, le port garantit une zone d'accueil et favorise l'investissement des entreprises spécialisées.
Parmi les exemples : le groupe belge Ziegler doit ouvrir un centre logistique en 2026, idem pour le groupe Weerts dont les travaux pour l'édifice d'un entrepôt géant commencent dès le début d'année 2025. Un autre bâtiment, un entrepôt classé, comprendre stockant des produits dangereux, doit être construit d'ici 2027 par le groupe BVI.EU. "Il y a une très forte demande des industriels du secteur en matière de peintures ou d'aérosols par exemple. Cet entrepôt sera une des solutions. Et sur le territoire du port de Dunkerque" affirme Maurice Georges, le président du directoire du Grand Port Maritime de Dunkerque.
Une métamorphose du port
Le port devrait donc changer de visage, de géographie. Et pour garantir l'accès à ces chantiers et à ces nouvelles zones industrielles, le port de Dunkerque et la Communauté Urbaine de Dunkerque (CUD) travaillent ensemble à l'aménagement de nouvelles routes. Ainsi, des travaux sont déjà en cours pour ouvrir l’accès à la zone ouest du port, celle où se concentrent des entreprises telles que Clarebout ou Verkor. Un autre projet prévoit le contournement du bassin de l'Atlantique. Une troisième route sera destinée au transport poids lourds. Tout un réseau routier à modifier. "C’est la plus grosse part d'investissement du port. On ne veut pas forcément augmenter le nombre de véhicules mais plutôt garantir un accès facile partout. Avec la CUD, on réfléchit aussi pour privilégier les transports collectifs ou les réseaux de mobilités douces" affirme Maurice Georges.
Autre projet en cours depuis plusieurs années, et qui semblera voir le jour, le bassin de l’Atlantique sera bien étendu. Le nom de code : CAP 2020 (à prononcer vingt-vingt). "ll faudra creuser le canal et aménager un linéaire de 1 000 mètres de quais en eau profonde" s’explique Emmanuelle Verger. L’objectif est de créer un deuxième terminal pour accueillir les plus grands porte-conteneurs du monde, 24h/24 et 7j/7. Un chantier de trois ans. Ce projet "majeur et structurant pour le port de Dunkerque" selon Emmanuelle Verger, a connu des retards, notamment liés aux autorisations nécessaires au lancement des travaux. "Cette fois, c’est bon, le premier coup de pioche sera bien porté au deuxième semestre 2025" s'enorgueillit Emmanuelle Verger. Le 17 décembre 2024, la commission européenne a par ailleurs validé l’autorisation d’une aide d’Etat de 127 millions d’euros dans ce dossier, soit un peu plus d'un tiers des 303 millions d’euros d’investissement total.
Le défi de la décarbonation
Des projets coûteux sur le plan financier, mais aussi gourmand en énergie. Alors le grand défi du port de Dunkerque sera de réaliser sa transformation tout en respectant l'objectif de décarbonation imposé par l'Etat.
Déjà, des mesures compensatoires sont prévues. "Il s'agit d'espaces réservés, sur le site du port de Dunkerque, pour la création de plus de 1 000 hectares de corridors verts" insiste Maurice Georges, "notamment en partenariat avec le conservatoire du littoral."
Ensuite, il faut "s'inscrire dans la démarche de transition industrielle" entamée sur le territoire. Concrètement, rendre le port de Dunkerque le moins émetteur de CO2 possible. Une ambition résumée par le slogan : "Dunkerque, port vert". "C’est plus qu’un slogan. De vrais développements sont en cours en matière de décarbonation de l’industrie" développe Maurice Georges. Le port de Dunkerque a ainsi rejoint le Groupement d’Interêt Public, Ecosystème D, censé œuvrer à la décarbonation, notamment via le projet ZIBAC : Zone Industrielo-Portuaire Bas Carbone, une sorte de label. Dans ce dossier, l’Etat est à la manœuvre, notamment en soutenant l’investissement des industriels du territoire vers la transition énergétique.
En complément, le port de Dunkerque doit créer un "hub CO2", au nom de code trivial : D'Artagnan. "En résumé, une fois qu’on a réduit au maximum les émissions de CO2, on veut capter ce qui reste et le transformer en d’autres sources d’énergie" simplifie Maurice Georges. Des réseaux de canalisations doivent être construits prochainement pour acheminer le CO2 jusqu’à un terminal de transformation et d’exportation du produit." ll pourra être transformé en carburant de synthèse par exemple. Ou alors exporté et stocké dans des zones aquifères, dans les profondeurs des mers, au large de la Norvège notamment." Le projet est en cours et l’Union Européenne vient récemment d’accorder une aide de 160 millions d’euros. La mise en service prévisionnelle est prévue en 2028.
À propos de la décarbonation, le port de Dunkerque travaille également avec les entreprises. Ainsi, un projet est né avec DFDS pour réaliser un "corridor vert Transmanche", comprendre une navigation de ferries 100% électriques pour le transport de passagers entre Dunkerque et Douvres. L'entreprise DFDS a annoncé l’investissement d’un milliard d’euros dans ces nouveaux ferries, entièrement électriques. En échange, DFDS s’engage à réaliser les investissements nécessaires pour construire des bornes de recharges électriques sur les quais. "Nous y travaillons actuellement avec RTE" assure Maurice Georges.
Ainsi, via ces investissements et ces travaux, le port de Dunkerque veut rester un acteur majeur dans le développement en cours sur le territoire du dunkerquois.