Sa fille, "manipulée par des monstres", a été condamneé à la prison à perpétuité en Irak.
"Ma petite-fille de trois ans n'a rien à faire en prison, c'est une victime", martèle Saïda, émue. Depuis des mois, elle implore Emmanuel Macron de "rapatrier Khadija", emprisonnée en Irak avec sa mère depuis sa condamnation pour appartenance au groupe Etat islamique.
Originaires de la métropole lilloise, Djamila Boutoutaou et son époux Mohammed Nassereddine étaient partis en 2016 pour les territoires contrôlés par l'organisation Etat islamique (EI), emmenant avec eux leurs enfants Abdallah, quatre ans à l'époque, et Khadija, bébé de quatre mois.
Abdallah avait été tué quelques mois plus tard dans un bombardement, lors d'une longue offensive des forces irakiennes. Après la mort de Mohammed près de Mossoul, Djamila avait ensuite été arrêtée avec sa fille et jugée à Bagdad. Privée de son avocat français lors de son procès, elle avait assuré avoir rejoint le groupe jihadiste contre son gré, dupée par son mari, mais avait été condamnée à la prison à perpétuité.
Un petit-fils mort
"J'ai déjà perdu Abdallah, mon petit-fils, mon petit ange. Sa soeur est aujourd'hui en prison mais en vie, et il faut la sauver", clame Saïda, la voix brisée.Khadija "est une enfant de trois ans et demi qui a vécu des choses terribles. Elle devrait être à l'école, pouvoir grandir dans de bonnes conditions, avoir une vie normale et se reconstruire !", insiste-t-elle.
Entassées avec des dizaines d'autres femmes dans d'étroites cellules, Khadija et sa mère "ne mangent pas à leur faim, sont carencées", manquent "d'hygiène et de soins", notamment psychologiques.
"Leur état de santé se dégrade. Au téléphone, ma fille m'a expliqué qu'elle perdait ses cheveux, ses dents, ne pesait plus que 45 kg. Khadija a faim, a des croûtes dans les cheveux et du pus sous les ongles", s'alarme l'énergique et fluette grand-mère.
C'est un cas "d'extrême urgence !", juge Saïda, confiant son "souhait le plus cher": accueillir un jour Khadija chez elle à Lille pour "lui offrir un cadre sain et stable, une grande famille qui l'aime".
"Je compte beaucoup sur Emmanuel Macron et le gouvernement, j'espère vraiment qu'ils m'aideront à récupérer ma petite-fille", conclut Saïda, déterminée. Pour elle, "tous ces enfants enfermés en Irak sont innocents, victimes des actes d'adultes qui ont parfois eux-mêmes été manipulés".
"Manipulée par des monstres"
"Ma fille a été endoctrinée par son mari et sa famille, qui étaient radicalisés et sectaires", affirme la sexagénaire, lissant nerveusement ses cheveux.Lorsque Djamila rencontre Mohammed dans un club de musique en 2008, elle n'a que seize ans. Le jeune homme lui propose rapidement de vivre chez lui.
"C'est là que j'ai perdu ma fille", lâche la Lilloise. "Ils me l'ont transformée, l'ont contrainte a arrêter l'école, les sorties, les activités sportives, l'ont forcée à rester à la maison, lui ont fait porter la burqa. Moi, j'étais totalement contre ! Ce ne sont pas mes valeurs".
Cette famille "l'a séquestrée pendant deux ans", frissonne-t-elle, se rappelant son "combat quotidien" pour voir sa fille, "qui ne parlait plus, était soumise, mais avait l'air d'avoir peur".
Djamila et Mohammed s'envolent un jour "sans prévenir" pour l'Algérie, où ils se marient et donnent naissance à leur fils. "Je me suis battue, j'ai retrouvé sa trace, fait plusieurs voyages, ai contacté la police, les ambassades", se remémore Saïda. Le couple reviendra finalement en France, avant de disparaître à nouveau début 2016.
"Là, je suis restée un an et demi sans nouvelles, sans indice. Un jour, je reçois un coup de fil. Djamila me demande pardon, m'explique que son mari l'a prise au piège en lui disant qu'ils partaient en vacances, qu'elle est en Irak, qu'Abdallah est mort. Mon monde s'est écroulé", tremble Saïda.
Aujourd'hui, Djamila "veut bien se séparer de sa fille si ça permet à Khadija de rentrer en France". Persuadée que la jeune femme a été "manipulée par des monstres", Saïda espère que "la France étudiera aussi son cas", plus tard.
Mais, pour Khadija comme pour "tous les enfants enfermés en Irak, il faut aller vite", dit elle. "Ils pourraient mourir si on les laisse là-bas..."