En 2015, Dominique Strauss-Kahn, alors figure politique de premier plan, se retrouvait sur le banc des accusés aux côtés de treize autres prévenus. Au cœur du scandale : des soirées libertines et des soupçons de proxénétisme aggravé. Retour sur une affaire judiciaire retentissante, qui s’est conclue par un verdict inattendu.
Il y a dix ans, un procès hors norme bouleversait le monde de la politique française. L’affaire dite “du Carlton” s’ouvrait au tribunal de Lille.
Figure emblématique de ce tourbillon médiatique : Dominique Strauss-Kahn, à l'époque président du Fonds Monétaire International. Il se retrouve devant la justice lilloise, mis en examen avec 13 autres prévenus. Tous sont accusés de proxénétisme aggravé en réunion.
Proxénétisme, association de malfaiteurs et blanchiment d’argent
Tout commence en février 2011. Suite à une dénonciation anonyme, les enquêteurs de la police judiciaire de Lille mettent sur écoute trois salariés de l’hôtel Carlton : le manager, le propriétaire et son chargé de relations publiques. Ils sont soupçonnés d’avoir organisé des soirées avec des prostituées pour leurs clients. Une information judiciaire est ouverte pour proxénétisme, association de malfaiteurs et blanchiment d’argent.
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En octobre 2011, après neuf mois d’enquête, les mises en examen tombent. René Kojfer, le chargé des relations publiques de l’hôtel, est le premier inquiété. Suivi par un de ses amis d’enfance, Dodo la Saumure – de son vrai nom, Dominique Alderweireld – un proxénète belge.
Des hommes d’affaires locaux sont aussi concernés : David Roquet, directeur d’une filiale du groupe Eiffage ainsi que Fabrice Paszkowski, petit patron du Pas-de-Calais. Même la police est éclaboussée : Jean-Christophe Lagarde, commissaire divisionnaire, est mis en examen. Un ténor du barreau lillois est également au centre de l’affaire.
Simple client, proxénète… Ou innocent ?
Au fil de l’enquête, le nom de Dominique Strauss-Kahn fait surface – et l’affaire prend une tout autre ampleur. À l’époque, il est déjà au cœur d’un autre scandale : alors président du FMI, il est accusé d’agression sexuelle par Nafissatou Diallo, une femme de chambre de l’hôtel Sofitel de New York.
Même s’il n’a jamais mis les pieds au Carlton, DSK est soupçonné d’avoir bénéficié des services des prostituées du réseau lillois, lors de soirées organisées en Belgique, à Paris et à Washington – où il vit depuis 2007.
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Le 22 février 2012, DSK passe trente-deux heures en garde à vue à Lille. Il est, lui aussi, mis en examen. L’enjeu du procès est alors immense : non seulement sur une possible condamnation de l’homme politique, mais aussi sur son rôle dans l’affaire… Simple client ou proxénète ?
De son côté, il nie fermement les accusations. Il affirme ne pas avoir participé aux soirées et dit ignorer que ces femmes sont des prostituées. Il parle de libertinage – ce qui est démenti par certaines des femmes entendues par les enquêteurs.
Mounia, l’une d’entre elles, affirme notamment avoir participé à une soirée à l’hôtel Murano, à Paris, en compagnie de DSK. Une autre prostituée, Jade, qui a travaillé dans les clubs belges de Dodo la Saumure, aurait quant à elle rencontré DSK à trois reprises. “Boucherie”, “abattage”... À entendre la jeune femme, ces soirées constituent de douloureux souvenirs.
Treize prévenus sur quatorze relaxés
Le procès s’ouvre donc quatre ans après le début de l’enquête, en février 2015. Lors de la première journée d’audition de DSK, ce dernier répond à toutes les questions, seul à la barre. Le principal enjeu étant de déterminer s’il savait, ou non, que des prostituées participaient aux soirées libertines. L’homme admet seulement “la rudesse” de ses pratiques sexuelles, s’excusant au passage auprès de l’une des femmes. Le deuxième jour, DSK perd son flegme et déclare en avoir “assez” de “ces questions incessantes sur [sa] sexualité”. “Quel intérêt de revoir de manière sempiternelle ces pratiques, sauf à me faire comparaître pour pratiques sexuelles dévoyées, ce qui n’existe plus ?”, interroge-t-il.

À l’issue du procès, rien ne permet d’affirmer que DSK était au courant qu’il fréquentait des prostituées. Treize des quatorze prévenus sont relaxés, y compris Dominique Strauss-Kahn. Un seul condamné dans cette affaire : René Kojfer, le chargé de relations publiques du Carlton. Il écopera d’un an de prison avec sursis. Fabrice Paszkowski et David Roquet sont condamnés à six mois de prison avec sursis pour le volet financier de l’affaire. À la surprise générale, le dossier du Carlton s’est écroulé.
Marion Picard