"J'ai passé un CAP qui ne sert plus à rien" : ce qu'il faut savoir sur l'opération "crèches mortes", organisée dans toute la France

Plusieurs crèches des Hauts-de-France ont participé à l'opération "crèches mortes", organisée ce lundi 3 janvier 2025. Puériculteurs et puéricultrices se sont mobilisés contre un décret obligeant les crèches privées à recruter 40% de professionnels diplômés d'un bac +2 minimum. Seulement, la plupart des salariés du secteur ne disposent que d'un CAP.

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Dans la micro-crèche "Tambourin et Castagnettes", située au cœur de Tourcoing dans le Nord, quelques parents venus déposer leurs enfants ce lundi matin ont une vive discussion. Les jeunes adultes commentent l'opération menée par leur crèche ce 3 janvier, une opération "crèches mortes", qui suit un mouvement national lancé par le collectif "Je soutiens ma crèche" le 10 janvier dernier.

Un décret qui s'appliquera en janvier 2026

C'est la parution d'un décret, visant à remplacer 40% des titulaires de CAP petite enfance dans les crèches par des personnes diplômées d'un bac +2 minimum, qui a provoqué l'ire du secteur. Un ras-le-bol cumulé à des conditions de travail déjà difficiles, mélangeant crise de vocation, manque d'équité et fermeture de plusieurs crèches, faute de moyens.

Concrètement, ce décret impose aux établissements privés de réduire l'emploi de professionnels de catégorie 1, détenant uniquement un CAP accompagnement éducatif petite enfance, au profit de personnes possédant un diplôme de catégorie 2 (auxiliaires de puériculture, infirmiers, éducateurs de jeunes enfants (EJE)), d'ici janvier 2026.

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Un sentiment de déconsidération

En moins d'un an, une grande partie des personnes disposant d'un CAP doivent donc suivre une formation pour approfondir leurs compétences. Une situation qui provoque l'incompréhension et surtout, la dépréciation des puériculteurs et puéricultrices n'ayant pas continué leurs études après leur certification. Gaëlle, jeune femme employée à la micro-crèche Tambourin et Castagnettes de Tourcoing l'affirme de sa voix fluette : "J'ai l'impression d'avoir passé un CAP qui ne sert plus à rien. J'ai été formée pour travailler auprès des enfants, sur leur éveil, leur développement et au final ce décret veut dire que si l'on n'est pas auxiliaire, on n'est pas apte à travailler dans notre secteur."

La jeune puéricultrice, dont le travail est très apprécié des parents, est appuyée par sa directrice, Anne Mouy :

Il y a encore moins d'un an, tous ces jeunes ont émis le souhait de travailler dans une crèche et ont été orientés vers le CAP petite enfance... On leur a vendu ce diplôme. Aujourd'hui on leur explique qu'il ne sera plus suffisant.

Anne Mouy, directrice de la micro-crèche Tambourin et Castagnettes de Tourcoing

15 000 salariés sur la sellette

Un changement d'autant plus inacceptable pour la gestionnaire, qu'une VAE (validation des acquis) ou une alternance d'auxiliaire ou d'éducateur dure entre 12 et 18 mois. Les puériculteurs et puéricultrices qui accepteront de débloquer ce nouveau diplôme ne pourront donc pas achever leur formation dans les temps, avant janvier prochain. "C'est un décret qui n'est pas réalisable ni réaliste en l'état", assène Anne Mouy.

15 000 salariés risqueraient de perdre leur poste selon les chiffres des différentes fédérations du secteur. Or, comme le relate Jérome Obry, président de la Fédération française des entreprises de crèches :

"Il manque déjà 10 000 salariés qualifiés de catégorie 2, tous collaborateurs confondus. Nous faisons face à un décret injuste qui suppose d'avoir des membres du professionnel qui n'existent pas."

Jérôme Obry, président de la Fédération française des entreprises de crèches

Une opposition public/privé ?

Concernant les risques de dérive et de maltraitance que pourrait induire un personnel moins qualifié, les parents trouvent eux-mêmes que ce décret ne garantirait rien. "On peut être diplômé et ne pas avoir la fibre derrière", note Benjamin, père d'une petite fille de 17 mois. "C'est la passion qui permet de faire un travail efficace. C'est déjà difficile de trouver des crèches de qualité. C'est un métier passion : elle l’emporte sur le diplôme. On a besoin de ces gens passionnés." Hanissa, mère d'Hamza, jeune bébé de 13 mois, acquiesce. Selon elle : "Le plus important, c'est de déposer mon fils avec le sourire et de le récupérer avec. Ici, c'est le cas, surtout avec Gaëlle."

Même son de cloche du côté de la Fédération française des entreprises de crèche. Jérôme Obry s'agace devant les discours avancés par les députés, lors de l'adoption du décret "qui prône, selon lui, l'opposition privé/public". "On considère que confier son enfant à un organisme privé va être non qualitatif. Mais j'en suis sûr, là où l'enfant est le plus en sécurité c'est justement dans les crèches, c'est un collectif, on a les diplômés bac +3/+4 qui animent des CAP, on les accompagne dans un parcours évolutif... Je ne vois pas ce que le privé ferait moins bien que le public."

25 000 signatures recueillies

Le Lillois et PDG du réseau des micro-crèches Ô P’tit Mômes, Jimmy Dacquin, est à l'initiative d'une pétition lancée le 10 janvier dernier. Avec l'objectif d'atteindre 25 000 signatures, aujourd'hui, la pétition en a récolté 24 650. Une belle reconnaissance pour le secteur de la petite enfance, qui espère être entendu des hommes et femmes politiques grâce à cet élan de soutien.

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