"Ô vieillesse ennemie" : les avocats lillois organisent un concours d'éloquence contre la réforme des retraites

Ce jeudi 6 février au soir, les avocats du bareau de Lille avaient organisé un concours d'éloquence pour lutter contre la réforme des retraites. Dans le jury, un médecin, un orthophoniste et un infirmier, eux aussi concernés par la suppression du régime de retraite autonome. 

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Après avoir manifesté, parodié un clip d'Angèle, bradé leurs robes ou les avoir jetées à terre, les avocats ont encore innové ce jeudi soir. Convoquant Corneille mais aussi Aristote ou Orelsan, des avocats du barreau de Lille ont choisi le concours d'éloquence pour défendre le régime autonome des professions libérales.

"Nous avons consenti au silence depuis quatre semaines", a lancé ce jeudi soir le bâtonnier, Jean-Baptiste Dubrulle, en ouverture de cet exercice. Allusion à la grève des avocats, qui a entraîné des milliers de renvois d'audiences depuis janvier.
 
Il prévient: "nous voulons rappeler ce que nous sommes, nous, avocats, médecins, infirmières, orthophonistes, travaillant sans relâche pour accompagner, aider, soigner. Nous continuerons à nous faire entendre quand on refuse de nous écouter".

"Y-a-t-il ici un représentant de l'Etat ?", commence Thibaud Lemaitre, avocat spécialisé en droit pénal d'entreprise, dans l'auditorium du Conseil régional des Hauts-de-France. Se faisant, ironiquement, le défenseur du gouvernement, il se lance dans un vibrant plaidoyer en faveur de la réforme et tente de "laver l'honneur de Mme (Nicole) Belloubet", la garde des Sceaux, provoquant l'hilarité dans la salle.

"Cette réforme des retraites, elle est équilibrée, elle est juste, elle a pour ambition de placer tout le monde dans le même régime universel, un univers commun", avance-t-il, ajoutant dans un sourire: "Cet univers côtoiera les univers des militaires, des magistrats et des sénateurs (...) dans une parfaite harmonie multi-universelle".
 

Il concède cependant "un trou noir sur lequel le gouvernement n'a rien pu faire: celui des inspecteurs des finances, secrétaires d'Etat et administrateurs civils, lesquels bénéficieront, hélas, d'un régime à part".
 
Raillant lui aussi les membres de l'exécutif, Julien Laurent vilipende le "peuple de la start-up nation" qui n'a "rien compris à la réforme des retraites, nouvelle aventure "disruptive"". Marquant un temps d'arrêt, il pointe du doigt le bâtonnier: "Toi, payer ta retraite plus chère !". Rires dans le public.

C'est ensuite au tour de Julie Vennarucci, avocate d'affaires, qui confesse avoir "fait un bac L [littéraire]" comme pour reconnaître des faiblesses... en calcul. "Mais il y a une chose que j'ai comprise", lâche-t-elle avant de proposer une devinette: "qu'est ce que tu payes deux fois plus pour avoir un tiers en moins ? La retraite ! Remarquez, ceux qui gagnent plus de 200.000 euros paieront moins de cotisations, au moins ça me fait un challenge !"
  

Prix "SOS retraites en danger"


Maniant anaphore, superlatifs et autres prétéritions, les avocats usent de leurs talents d'orateurs pour s'interroger sur le rôle du retraité dans la société et le sens même du mot retraite, alternant le grave et le comique.

Mathieu Masse, spécialiste du droit de la propriété intellectuelle, évoque le destin des... "vieux Inuits", qui "imploraient leurs proches afin qu'ils les mettent à mort pour ne pas devenir une charge pour la tribu", jusqu'à ce que le gouvernement canadien leur accorde une pension, en 1949. "Avec la baisse annoncée de nos pensions, sommes-nous destinés à devenir de vieux Inuits qui supplieront pour l'achat d'un déambulateur ?", interroge-t-il l'auditoire.
 
Plus philosophique, Denis Lequai propose une réflexion sur la considération de la société à l'égard de ses aînés. "A la place de l'équation retraité = inutile, il faudrait écrire retraité = animateur du lien social", plaide-t-il. "La retraite est une libération, pas une condamnation, elle sonne l'heure du réveil, pas du renoncement".
 
A l'issue du concours, le jury, composé notamment d'un médecin, d'un infirmier et d'une orthophoniste, remet un "Prix SOS retraites en danger" à l'ensemble des participants. "Cette réforme, c'est la fin de nos indépendances", juge Jérôme Marty, président du syndicat de l'Union française pour une médecine libre. "Pour débattre, il faut être deux. Où est l'autre ? Nous sommes seuls..."
 
 
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