Pas heureux, pessimistes, mais plus solidaires, une étude révèle l'état d'esprit des habitants des Hauts-de-France

Publié mardi 14 janvier 2025, le Baromètre des Territoires dresse le portrait d'une France en proie à des crises multiples dans laquelle les Français se sentent inquiets, en insécurité et en quête de tranquillité. Dans les Hauts-de-France, les habitants semblent plus solidaires mais aussi moins heureux et plus pessimistes.

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C'est une enquête menée à grande échelle, par Elabe, l'Institut Montaigne et la SNCF. Plus de 10 000 personnes ont été questionnées, à l'automne 2024, dans les 12 régions métropolitaines. Elle met en lumière "Une France désemparée, en quête de tranquillité".

Le premier Baromètre des Territoires intitulé "La France en morceaux" a été publié en 2019. Le pays traversait la crise des gilets jaunes. Le second en 2021, "Une France convalescente, Une France du proche", en sortie de la crise du Covid-19.

Les auteurs de cette étude expliquent : "cette 3ème édition s’attache tout particulièrement à comprendre comment les Français et les territoires dans lesquels ils vivent, s’adaptent face à l’empilement des crises sociales, écologique et politique, et à quel avenir les citoyens aspirent dans cette période de bouleversements".

Une 3e édition du Baromètre des Territoires intitulée "France désemparée en quête de tranquillité". © Elabe / SNCF / Institut Montaigne

La difficulté du "pouvoir de vivre"

D'après le Baromètre, l'insécurité socio-économique et la crainte du déclassement font désormais partie du quotidien des habitants des Hauts-de-France. Ils sont 53% à craindre de devoir changer leur façon de vivre à cause d'une baisse de leur pouvoir d'achat. 

D'après l'étude, l'ensemble des Français se sentent vulnérables : "Le Covid a marqué l’entrée dans une nouvelle ère, celle de la "polycrise". Crise sanitaire, géopolitique, climatique, politique, budgétaire, de l’inflation et le sentiment d’insécurité galopante s’empilent désormais". Elle pointe aussi que "le statut social, le niveau de diplôme ou le lieu d’habitation ne protègent plus contre les vulnérabilités et les Français se retrouvent massivement dans des sentiments d’insécurité combinés."

Dans les Hauts-de-France, la peur d'un déclassement social. © Elabe / SNCF / Institut Montaigne

Ce qui est frappant est que 52% des habitants des Hauts-de-France redoutent d'avoir du mal à boucler leurs fins de mois. Tous les groupes sociaux sont touchés : 57% des employés et ouvriers, 53% des professions intermédiaires et 46% des cadres.

Aussi, 33% des personnes interrogées de la région déclarent avoir des difficultés à régler leurs dépenses contraintes (loyer/emprunt, énergie, téléphone, internet, transport). Et une personne sur 4 se déclare régulièrement à découvert, à partir du 18 du mois en moyenne.

Les difficultés financières s'accentuent pour les ménages dans les Hauts-de-France. © Elabe / SNCF / Institut Montaigne

Et puis, dans les Hauts de France, 57% des questionnés trouvent difficile de trouver un emploi. Ils ne sont que 36% dans Pays de la Loire et 38% en Bretagne.

Pour amortir l'inflation, les trois quarts (76%) des habitants réduisent les dépenses non essentielles pour conserver leur niveau de vie sur les achats essentiels. 80 % attendent les bons plans et promos avant d'acheter. 

Dans l'étude, une infirmière de l'agglomération lilloise, âgée de 30 ans témoigne : "Les prix au global (assurances, alimentaire, voiture, consultations etc.) augmentent quand mes revenus stagnent voire baissent. Malgré des astuces pour économiser (applications, attention portée à ma manière de vivre) j'ai l'impression de devoir en faire toujours plus pour avoir le même niveau de vie qu'il y a plusieurs années."

Si chacun expérimente son "déclassement", les plus modestes subissent de plein fouet la hausse du coût de la vie. Ils déclarent devoir faire d'autres sacrifices : 65% restreignent les activités extrascolaires ou le soutien pour leurs enfants, 57% affirment demander une aide financière à leurs proches, 35 % ont recours aux aides alimentaires.

Les plus modestes font des sacrifices pour maintenir leur niveau de vie. © Baromètre des Territoires

La sécurité et la peur

"La peur de l’agression a dépassé les frontières des quartiers dits « sensibles », la crainte de ne pas pouvoir se soigner a contaminé les grands centres urbains, l’expérience du renoncement dans le caddie a atteint le portefeuille des cadres, la crainte de voir sa maison endommagée par une catastrophe naturelle a gagné tout le pays et toutes les catégories sociales", peut-on lire dans le Baromètre des Territoires. 

Quarante-six pourcents des personnes questionnées se sentent exposés au risque d’une agression physique.

Un sentiment d'insécurité dans les Hauts-de-France. © Elabe / SNCF / Institut Montaigne

Dans les Hauts-de-France, comme au niveau national, 46% des personnes questionnées  se sentent exposés au risque d’une agression physique. Les femmes et les jeunes se sentent plus menacés.

Une femme sur deux de moins de 35 ans déclare avoir déjà été victime de harcèlement.

Par contre, les habitants des Hauts-de-France, redoutent un peu moins que leurs enfants soient victimes d’une agression ou de harcèlement scolaire (50% contre 59% au niveau national).

Autre chiffre, 64 % de la population de la région déclare avoir été victime d'incivilités et 24 % affirment que les trafics de drogues perturbent la tranquillité de leur quartier. 

Un sentiment d'insécurité, doublé du constat de la montée de l'individualisme : 6 personnes interrogées sur 10 regrettent que l'on vive chacun de son côté. Et, seulement 5% estiment que nous sommes "un collectif uni", surtout, ils affirment à 29% qu'il y a "trop d’immigrés là où je vis".

Près de 4 Français sur 10 pensent que la sécurité et le respect sont aujourd’hui ce qui manque le plus pour bien vivre en France.

Crise climatique

Concernant l'insécurité climatique, les habitants des Hauts-de-France ne sont pas ceux qui se sentent les plus menacés.

Près d'un sur 2 redoute de subir des conditions de vie de plus rudes à cause du dérèglement climatique (canicules, inondations, …).

Trois habitants sur 10 estiment que l'endroit où ils vivent est exposé aux catastrophes. Ils sont 4 sur 10 dans le Pas-de-Calais, touché en 2023 par d'importantes inondations.

Les inondations dans le Pas-de-Calais, en 2023. © FTV


Les différences régionales sont marquées dans ce domaine : 56% des habitants de Provence-Alpes-Côte d'Azur  jugent vivre dans un lieu exposé aux risques climatiques contre 28% des Bretons et des Normands.

Par contre, les habitants semblent inquiets du manque de préparation des territoires au réchauffement climatique. Ils sont 65% à estimer que "l’endroit où je vis n’est pas prêt pour faire à ses conséquences", et même 76% en zone rurale. Et puis, plus d'une personne interrogée sur 3 estime que "le changement climatique menace l’activité économique de ma région".

Par contre, ils se disent prêts à adapter leur mode de vie pour diminuer leur impact environnemental. Quatre habitants des Hauts-de-France sur 10 convaincus qu’ils ont plus à gagner qu'à y perdre. Et, 78% estiment avoir changé ou être en train de changer tout ce qui peut l’être dans tous les aspects de leur vie (déplacement, logement, alimentation, loisirs).

Seul hic, 67% disent ne pas savoir diagnostiquer leur impact (habitudes et aspects de sa vie qui émettent le plus de CO2), c'est 6 points de plus par rapport à la moyenne nationale.

La santé devient un souci majeur

Dans les Hauts-de-France, les questions de santé sont extrêmement prégnantes. L'étude affirme qu'y règne un sentiment d'insécurité sanitaire, alimenté par l'idée de la dégradation de notre modèle de santé.

Ainsi, 46% des habitants de la région craignent de tomber malades à cause des pollutions (quand ils sont 36% en Bretagne à 49% en Ile de France) et 37% des urbains ont le sentiment de vivre dans un environnement pollué.

Dans les Hauts-de-France, on redoute aussi davantage d'être confrontés à des problèmes de santé mentale comme le stress, la dépression et l'anxiété (41%). C'est même 56% chez les 18-34 ans. 

Et puis, ne pas pouvoir se soigner en cas de problème soit par difficulté financière (41%) soit par  difficulté d’accès aux soignants (51%) devient un souci majeur dans les Hauts-de-France.

Alors, heureuse ?

Et bien pas trop. Les Hauts-de-France sont la région où les habitants se sentent les moins heureux, à 75% contre 83% pour les Bretons.

Les habitants des Hauts-de-France sont convaincus que l'identité de la France est menacée. © Elabe / SNCF / Institut Montaigne

Autre chiffre qui démontre un pessimisme régional : dans les Hauts-de-France, on estime à 77% que la société est injuste. Un chiffre en augmentation, en 2021, il était de 72%.

Les habitants des Hauts-de-France ont particulièrement le sentiment que le modèle social est en panne (49% soit +4 points par rapport à la moyenne nationale) et que l’identité de la France est menacée (77%, +5 points par rapport à la moyenne nationale). Un vrai clivage politique existe sur cette question :  90% des électeurs du RN contre 50 % pour les électeurs du NFP pensent que l'identité nationale de la France est menacée.

À 57% ont le sentiment de davantage contribuer au système qu’ils n’en bénéficient, et à 61% que le système éducatif ne fonctionne plus.

Et puis, une personne interrogée de la région sur 2 estime que la voix de la France ne compte plus, qu'elle a perdu sa puissance économique et qu'il est difficile d'entreprendre dans le pays.

Enfin, les Hauts-de-France sont aussi médaille d'or pour leur faible mobilité : à 75%, les gens vivent dans la région de leur naissance.

Des habitants des Hauts-de-France en manque d'optimisme. © Baromètre des Territoires

Les auteurs du baromètre des Territoires écrivent : "La peur du déclassement individuel se double du constat d’un déclassement collectif : si l’attachement à la France reste massif (80%), les Français regardent avec nostalgie ce qui faisait leurs fiertés. 2 Français sur 3 dépeignent une France en déclin (économique, modèle social, éducation, influence dans le monde) une France qui n’a plus les moyens d’être celle qu’elle était."

Le changement, c'est maintenant

Dans ce baromètre, on découvre que les habitants des Hauts-de-France sont plutôt ouverts aux changements.

Ainsi, 72% des habitants de la région se disent prêts aux changements pour répondre aux défis climatiques. Mais ils le vivent mieux à partir du moment où ils ont pu le choisir (à 59%), et 13% l’apprécient même, le percevant comme un stimulant de la vie. À noter qu'elle est mieux appréhendée par les 18-24 ans, les urbains, les cadres. 

Selon leur catégorie socio-professionnelle, leur lieu de vie, leurs diplômes, leur âge, les habitants plus ou moins prêts au changement. © Elabe / SNCF / Institut Montaigne

Que ce soit pour faire des économies ou pour réduire l’impact de leur mode de vie sur l’environnement et quelle que soit leur situation financière, les Français n’hésitent pas à faire évoluer leurs habitudes de consommation : 85% privilégient la réparation de leurs équipements avant de les jeter, 75% mangent moins de viande ; 38% des - de 35 ans privilégient la location plutôt que l’achat

Face aux évolutions climatiques, 78% ont déjà mis en place des changements de comportement, à des degrés divers et 44% des Français pensent avoir "plus à gagner qu’à perdre". Et ils sont 22% à penser qu'ils ont "plus à y perdre qu’à y gagner".
"Mais cet état d’esprit favorable au changement se heurte à de fortes inégalités (financières, territoriales, d’information…) dans la capacité à s’adapter : quand on peut, on veut ! Et pas l’inverse", expliquent les auteurs du Baromètre.

Pour la plupart, le changement n’est pas un débat idéologique, mais un choix pragmatique. Dans une époque de crises  permanentes, s’adapter est un réflexe de survie, une nécessité.

Une vie tranquille... 

Quel que soit son lieu de vie, sa classe sociale, son âge, son vote, les Français aspirent aujourd’hui à une tranquillité rassurante, à la fois gage de stabilité et espoir de  "bien vivre", et reposant sur de nouveaux équilibres.

Dans les Hauts-de-France, l'équilibre en vie professionnelle, personnelle et sociale plebiscité. © Baromètre des Territoires

Si le travail tient toujours une place importante dans la vie des Hauts-de-France, on assiste ainsi à un rééquilibrage des essentiels pour se sentir bien dans sa vie : 87% ont besoin que leur vie familiale prenne une place importante pour se sentir bien dans leur vie ; 79% font la même réponse s’agissant de la vie sociale (amis, connaissances) ; et 77% pour le travail.

Le besoin de sécurisation (économique, sociale, physique, sanitaire, écologique) est essentiel pour tous. 83% aspirent à la stabilité du CDI, 87% à la fiabilité de quelques amis très proches sur qui compter, 
89% à la simplicité de petits bonheurs du quotidien dont ils sont prêts à se contenter (plutôt que de posséder des choses à la mode).

... et un soutien au modèle français de solidarité

Cette aspiration à la tranquillité s’accompagne d’un attachement massif et persistant au modèle de solidarité français. Pour se protéger des insécurités, les Français, toutes opinions politiques confondues, font massivement le choix de la solidarité : 92% souhaitent maintenir le système de solidarité pour faire face au risque de dépendance, 92% aux risques de santé, 91% au défi des retraites, 88% au risque de perte d’emploi…

La solidarité est aussi plébiscitée aux yeux des Français pour faire face aux défis climatiques et environnementaux : prévenir les catastrophes naturelles (91%), mener les travaux d’adaptation des logements et des infrastructures (89%).

Cependant, si la volonté de pérenniser le système de solidarité est largement partagée et transpartisane, les doutes existent sur la capacité financière de la France à le sauvegarder.

Un Français sur trois doute qu’un système de solidarité puisse être maintenu pour faire face aux risques de santé, 31% aux risques liés aux retraites, 34% pour la dépendance.

"Changer sa manière de consommer pour éviter le déclassement, se préparer pour éviter ou réduire les conséquences de la catastrophe qui détruit, revoir ses habitudes ancrées depuis toujours pour préserver ce qui peut l’être pour l’avenir de ses enfants, trouver des alternatives pour protéger sa santé et celle de ses proches des pollutions, etc. En 2025, on ne change plus par quête de progrès, on change pour se protéger et préserver ce que l’on a", conclut le Baromètre des Territoires.

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