À l'évocation des fêtes foraines, ou plus communément, des ducasses, des images de manèges colorés, des attractions à sensations ressurgissent. Des odeurs gourmandes, de croustillons, de pommes d'amour et de barbe à papa chatouillent nos narines. Chaque année, petits et grands se délectent de cet univers qui vient d'être inscrit au patrimoine immatériel de l'humanité de l'UNESCO.
Des manèges, de la musique rythmée, des odeurs aux saveurs sucrées et des lumières à ne savoir qu'en faire. Les années passent et toutes générations confondues continuent d'arpenter les allées des fêtes foraines. La recette est la même, une voix nasillarde, inimitable, qui amuse et fait partie de l'identité foraine :" Vous en voulez encoooooooore ! Allez !" Des attractions aux loopings affolants, des pêches aux canards pour les plus petits, jusqu'au stand de tir qui peuvent vous faire gagner des peluches géantes, des plaisirs simples et pourtant universels qui viennent d'être reconnus par l'UNESCO (Organisation des nations unies pour l'éducation, la science et la culture).
Des manèges intemporels
En ce début d'année, à la foire d’hiver de Dunkerque, au "Madison Skooter", boomers et millénnials s'affrontent au volant de leur auto-tamponneuse avec le même plaisir. La vingtaine au compteur, Joshua confirme :"Les autos-tamponneuses c'est le meilleur manège, il n'y a pas mieux pour s'amuser et confronter les amis."
Aux commandes : Kevin Meurisse. Les autos-tamponneuses ? Il est tombé dedans tout petit. "Mes parents avaient un manège d'autos-tamponneuses et moi, j'ai repris une des activités de mon père à 18 ans. Quand j'étais petit, se souvient-il, j'ai connu pas mal de copains, qui maintenant, amènent leurs enfants dans mon manège. Ça me plaît, et j'espère qu'un jour, je verrai leurs petits-enfants."
Une affaire de famille
Dans la cabine, à côté du micro, il y a aussi des biberons, car la ducasse, c'est souvent une affaire de famille. Sur ces genoux, son fils observe le métier de forain. Kevin a repris le manège de son beau-père, il y a cinq ans.
"La transmission est importante pour nous," affirme le beau-père Nicolas Demay, qui est aussi le président de la fédération des forains de France. "J'ai repris l'affaire de mes parents, maintenant, c'est ma fille et mon gendre qui sont en place. L'avenir nous le dira, mais mon petit-fils aura peut-être la chance de reprendre ce manège, s'il le souhaite bien entendu."
Une reconnaissance attendue
Si Nicolas a laissé les clefs du manège, il s'est toujours engagé pour préserver le patrimoine. Avec sa fédération, il attendait la reconnaissance de l'Unesco. "Nous véhiculons le savoir-faire de génération en génération par la parole, les gestes et la formation. D'une profession souvent marginalisée, aujourd'hui, c'est un art qui est, enfin, reconnu."
Le dossier a été porté conjointement par la France et la Belgique, et présenté à l'occasion de la 19ᵉ session du comité intergouvernemental pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel, à Asunción au Paraguay.
Élément fédérateur pour des milliers de personnes, la fête foraine constitue un évènement important qui permet de se retrouver en famille et entre amis. Elle promeut la paix et la cohésion sociale en créant un espace où divers groupes et communautés peuvent se rencontrer, reconnaît l'organe d'évaluation de l'Unesco.
Lille, la plus célèbre des Hauts-de-France
En matière de ducasse, la reine de tous les temps est celle de Lille. L’événement incontournable du mois de septembre. De ses premiers carrousels, aux manèges électriques des années soixante-dix, jusqu'aux attractions à sensations de nos jours, une poésie populaire qui a déjà son musée privé et des passionnés pour l'entretenir.
En quarante ans, Didier Vanhecke, créateur du Musée de la fête foraine à Saint-André-les-Lille a collectionné plus de mille pièces, dont sa favorite : "Un magnifique cochon de Bailleul, décrit-il. Il est de la fin du 19ᵉ siècle. Typique du manège de cochon, il a une gueule de dingue, imaginez-vous tout ce qu'il a vécu... C'est fou ! Les objets ont une âme, s'exalte-t-il. Il ne lui manque que la parole."

À défaut d’offrir des moyens financiers, le classement de l’Unesco est une reconnaissance. En France, il n'existe pas encore de musée public d'arts forain. Mais des collections privées, comme celles-ci, ouvrent leurs portes quelques jours par an.
Avec Lucie Lascot.