Quatre ans après, les salariés de Cargill Haubourdin aux prud'hommes pour "contester des licenciements totalement injustifiés"

Ce 4 février 2025, le dossier de 52 ex-salariés du site Cargill d'Haubourdin (Nord) est passé devant les prud'hommes de Lille. Les anciens caristes demandent des indemnités à leurs ex-employeurs, suite à leur licenciement en 2020 pour raisons économiques. Un renvoi jugé injustifié par les Nordistes qui assurent que les chiffres d'affaires de la multinationale se portent bien.

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Ce courrier de licenciement reçu à Noël en 2020, ces 52 ex-salariés de Cargill Haubourdin (Nord) s'en souviendront toute leur vie. Un évènement qui résonne d'autant plus dans leurs esprits ce 4 février 2025, jour d'audience aux prud'hommes de Lille plus de quatre ans après leur licenciement que tous qualifient "d'abusif".

Parmi les 150 caristes licenciés lors du plan social économique (PSE) mené en 2019 par l'entreprise Cargill Haubourdin - géant américain du négoce et de la transformation des matières premières agricoles - seuls quelques dizaines ont choisi de continuer leur lutte. Ce mardi, quatre représentants de ces ex-membres du personnel se sont retrouvés avenue du Peuple Belge pour vivre une nouvelle étape de ce combat, qui s'éternise.

"On attend cette condamnation avec impatience", fait savoir Dorian Vallois, ex-délégué CGT Cargill Haubourdin, qui s'était énormément mobilisé contre le PSE.

Ce n’est que justice, on a été injustement licenciés. Et Cargill s’apprête de nouveau à déclencher un plan social, ce qui nous inquiète fortement.

Dorian Vallois, ex-délégué CGT Cargill Haubourdin

L'ancien syndicaliste mentionne également la souffrance causée par ce licenciement, duquel beaucoup n'ont pas réussi à se relever, écopant d'un nouvel emploi précaire ou au chômage depuis 2020.

"Le projet de transformation, qui n’entraîne en réalité que 95 licenciements, est vital pour le site", déclare la direction de Cargill. © France 2

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Des licenciements jugés injustifiés

Pour les aider dans leur dossier, les ex-salariés de Cargill ont fait appel à l'avocat très médiatique Fiodor Rilov, spécialisé dans le droit social et dans le droit du travail, notamment intervenu dans l'autre dossier extrêmement local de Valdunes. En ce qui concerne celui de Cargill Haubourdin, les lignes de plaidoirie sont claires : faute de publication de sa comptabilité, Cargill ne peut pas prouver que sa situation économique nécessitait un tel PSE en 2019. Le licenciement de ces 150 salariés serait donc injustifié.

Cargill est une multinationale étasunienne qui fait des milliards et des milliards de chiffres d'affaires, des profits absolument collossaux, qui comme beaucoup d'autres ferme des établissements industriels en France, licencie massivement, tout ça pour se délocaliser.

Fiodor Rilov, avocat des ex-salariés de Cargill Haubourdin

Selon lui, le montant du chiffre d'affaires de Cargill pourrait frôler celui d'Apple qui, lui, s'établit aux alentours de 230 milliards de dollars. Mais connaître exactement les bénéfices que fait le groupe en France est actuellement impossible "parce qu'il dissimule sa comptabilité". "De notre point de vue c'est complètement illégal", exulte l'avocat.

En France, Cargill exploite 13 sites, emploie près de 2 000 personnes et transforme "près de 20 % des protéines végétales produites dans le pays".

Contactée, la direction de Cargill réagit en soulignant que la réorganisation intervenue il y a cinq ans "a permis de sauver le site de Cargill Haubourdin, dont les difficultés financières ont été démontrées, et ainsi de pérenniser de nombreux emplois." La multinationale souligne également "qu’elle a mis en place d’importants moyens pour indemniser et aider au reclassement des salariés licenciés."

Une affirmation que récuse formellement Me Rilov qui assure dans une deuxième partie de sa plaidoirie que l’obligation de reclassement des salariés "a été violée" : aucun courrier n’aurait été envoyé aux autres sociétés gérées par le groupe pour s'assurer de la disponibilité de postes, auxquels les salariés licenciés auraient pu prétendre.

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Un délibéré attendu le 15 octobre

C'est en 2002 que la multinationale américaine rachète le site d'Haubourdin, une amidonnerie construite au milieu du XIXe siècle. Forte de quelque 300 postes, la branche de Cargill située dans la métropole de Lille se spécialise dans l'extraction et la transformation d'amidon, pour produire notamment des ingrédients industriels de spécialité pour la pharmacie et l'alimentation infantile.

Manifestation des salariés Cargill Haubourdin, le 28 janvier 2020. © FRANCOIS LO PRESTI / AFP

En novembre 2019, l'annonce d'un PSE prévoyant la suppression de plus de 180 postes pour raisons économiques provoque une levée de boucliers chez les syndicats et les salariés qui dénonçaient d'ores et déjà la situation économique stable de leur employeur.

Dès le 13 janvier 2020, les caristes du site votent l'application d'une grève illimitée pour réclamer le retrait du plan de suppression de postes.

L'usine est bloquée plusieurs jours et la justice est saisie à plusieurs reprises par la CGT, dont les demandes sont toutes reboutées. Le syndicat et le comité social et économique (CSE) déposent une nouvelle demande de suspension du PSE auprès du tribunal judiciaire de Lille, qui rejette une nouvelle fois la demande, menant à la saisie de la cour d'appel de Douai. Le dossier échoue finalement aux prud'hommes, menant à l'audience de ce 4 février 2025. Le délibéré sera rendu le 15 octobre prochain.

Depuis, les anciens bâtiments de l'usine ont été démolis et font l'objet d'un grand plan de modernisation dans lequel Cargill a investi 14 millions d'euros. Les travaux devraient s'achever en 2026.

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