Lors d’un événement organisé à Sciences Po par le Parlement des Étudiants de Lille, deux élèves de l’ESPOL (l’école de sciences politiques de l’Université Catholique) ont fait plusieurs saluts nazis. Les directeurs des deux établissements ont porté plainte pour apologie de crime contre l’humanité.
La soirée devait être placée sous le signe de la démocratie parlementaire. À la place, saluts nazis et esclandres ont clos les débats. Ce jeudi 30 janvier 2025, des étudiants lillois en sciences politiques se réunissent dans le cadre d’un événement organisé par le Parlement des Étudiants, une association étudiante de promotion du débat démocratique.
Une simulation de séance parlementaire s’ouvre ainsi aux alentours de 18 heures. Les membres du Parlement se retrouvent : une centaine de jeunes prennent place dans l’amphithéâtre de Sciences Po Lille. Les élèves présents sont tous étudiants en sciences politiques – à Sciences Po, à la faculté de Lille 2 ou à l'École européenne de science politique et sociale (ESPOL), qui dépend de l’Université Catholique de Lille.
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Trois saluts nazis
“La séance tournait autour du thème de l’égalité réelle, donc c’était assez large”, explique le président de l’antenne lilloise du Parlement des Étudiants. Les membres de différents bords politiques débattent d’une proposition de loi. S’il n’a pas assisté aux débats, Étienne Peyrat, le directeur de Sciences Po, précise que l’amendement discuté concerne alors “des enjeux de politique familiale et de questions de genre”.
Au moins trois saluts nazis ont été effectués. Ils étaient totalement conscients, il n’y a aucune ambiguïté.
Le président de l'association le Parlement des Étudiants
À l’issue de ces discussions et “hors du cadre de la simulation”, raconte le président du Parlement des Étudiants, “au moins trois saluts nazis ont été effectués”. Leurs auteurs sont deux jeunes de l’ESPOL. “Ces saluts nazis étaient totalement conscients, il n’y a aucune ambiguïté”, ajoute l’étudiant.
Une fois les personnes sorties, à l’extérieur du bâtiment de Sciences Po, la tension monte et des bousculades entre étudiants ont lieu sur la voie publique. “Dès le jeudi soir”, les responsables des universités sont mis au courant des événements.
Une plainte pour apologie de crime contre l'humanité
Ils ne tardent pas à réagir. Samedi 1ᵉʳ février, Étienne Peyrat, porte plainte au nom de Sciences Po pour apologie de crime contre l’humanité contre les deux étudiants de l’ESPOL responsables des saluts nazis.
Joint par téléphone, il déplore “des inspirations qui sont prises à la lumière du contexte international”. “Il y a un certain mimétisme des étudiants, dès lors que certains des hommes les plus puissants de la planète se livrent à des saluts nazis”, analyse le directeur, en faisant référence au récent geste d’Elon Musk lors de l’investiture de Donald Trump. “Cela montre une perte assez incroyable des repères et une inculture historique manifeste.”
Il y a un certain mimétisme des étudiants, dès lors que certains des hommes les plus puissants de la planète se livrent à des saluts nazis.
Étienne Peyratdirecteur de Sciences Po Lille
Très rapidement, Andrew Glencross, le directeur de l’ESPOL, s’associe à la plainte de son collègue. “Je n’accepte pas du tout ces actes qui sont contraires aux valeurs défendues par notre école”, précise-t-il. De son côté, l’association du Parlement des Étudiants soutient “totalement l’initiative des écoles d’avoir porté plainte”, souligne son président.
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À l’ESPOL, un conseil de discipline se réunira bientôt pour décider des sanctions disciplinaires qui seront infligées aux deux étudiants. Le directeur assure qu’elles seront “les plus sévères possibles.”
Je n’accepte pas du tout ces actes qui sont contraires aux valeurs défendues par notre école.
Andrew Glencrossle directeur de l’ESPOL
Un incident inédit dans l'histoire de l'association
Le président du Parlement des Étudiants espère quant à lui “que l’image de l’association ne sera pas ternie” par “un acte isolé”. Depuis une dizaine d’années, l’association – d’envergure nationale – organise des simulations parlementaires comme celle de ce jeudi. Le principe : les jeunes doivent prendre la parole en public, débattre tous ensemble, défendre les idées de leur parti politique, proposer des lois et des amendements… Comme de vrais députés. Ces événements doivent permettre aux étudiants en sciences politiques de comprendre le fonctionnement des institutions. “Aucun incident de ce genre n’était jamais arrivé auparavant”, affirme le président de l’antenne lilloise. “Les débats doivent pouvoir continuer… sans ces personnes !”
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S’il n’existe pas de texte de loi interdisant spécifiquement de faire un salut nazi, des condamnations ont été prononcées pour ce type d’actes. En novembre 2024, un ancien militant du Front national, l'ancêtre du RN, avait été condamné par le tribunal de Quimper pour apologie de crime de guerre et crime contre l'humanité à six mois de prison avec sursis. Il avait fait un salut nazi et dit "Heil Hitler" pendant une réunion publique.