Toute sa vie, elle s'est battu pour connaître ses origines. Finalement, sa famille l'a retrouvée, mais Maria Pia milite toujours pour en finir avec les accouchements sous X.
L'histoire de Maria Pia commence le 14 janvier 1955 à l'hôpital de la charité de Lille, aujourd'hui une résidence universitaire du boulevard Montebello. Sur les papiers officiels, elle s'appelle alors Maria-Pia Josepina.
Sa mère accouche à l'âge de 23 ans. Orpheline, la jeune femme est arrivée dans le Nord alors qu'elle n'avait que 17 ans. Mariée de force à l'un de ses cousins, elle a déjà deux enfants quand la petite Maria-Pia arrive au monde. Mais la naissance est entourée d'un soupçon d'adultère. La famille de son mari la pousse à l'abandon.
Maria-Pia est alors donnée à l'assistance publique. Une simple croix est apposée au bas du procès verbal.
De naissance Maria-Pia, l'enfant devient Maryse en famille d'accueil. Quand elle est adoptée, elle est renommée Monique, un prénom qu'elle portera jusqu'à ses 40 ans avant de reprendre officieusement son prénom de naissance.
Arrachée à sa mère, la petite Monique grandit près de Valenciennes dans une famille aimante, mais les questions et les doutes sont ancrés en elle : "Vous avez des zones d'ombre en vous, des questions qui restent sans réponse. Et vous décidez de faire l'impasse...", ressent Maria-Pia Briffaut. Elle se construit tant bien que mal, mais la faille est trop profonde.
"Ma mère était petite, elle était Italienne, brune et elle pleurait"
Ses recherches la mènent d'abord au Conseil départemental du Nord (Conseil général à l'époque). "Lorsque j'ai consulté mon dossier, il était indiqué que ma mère était petite, elle était Italienne, brune et elle pleurait".
Des mots attirent particulièrement l'attention de Monique : elle a des frères. "Je voulais connaître cette famille : ça m'a prise aux tripes, l'envie de connaître ces enfants". Malheureusement pour elle, le dossier du Conseil départemental ne mentionne aucune identité.
Maria se tourne alors, pleine d'espoir, vers les archives de l'hôpital Jeanne-de-Flandre pour obtenir le dossier mère-enfant plus complet. Passé au pilon, lui répondra-t-on… Elle insiste et insiste encore jusqu'à ce qu'un des directeurs lui écrive que le dossier a été "passé au pilon". Monique ne le croit pas. Tous les 2 ans, elle continuera à envoyer des demandes.
"L'hôpital Jeanne-de-Flandre nous a séparées, à vie, ma mère et moi"
L'embellie arrive un beau jour de décembre 2010. Le téléphone de Maria-Pia sonne. Au bout du fil, ses frères et sœurs lui avouent l'avoir cherchée pendant des années. Ils voulaient faire la surprise à leur mère commune. Malheureusement, celle-ci est morte sur une table d'opération, 6 mois plus tôt. La fratrie est constituée de 2 garçons ainés et de deux filles cadettes. Maria est le cinquième enfant, celle du milieu. Elle a désormais une famille.
Ensemble, ils écrivent une nouvelle lettre à l'hôpital Jeanne-de-Flandre pour réclamer à nouveau le dossier. Immense suprise quand il arrive par recommandé 15 jours plus tard. Pour Monique, redevenue Maria-Pia, c'est enfin la preuve du mensonge : "Quand j'ai commencé à rechercher, pendant de longues années, ma mère était vivante, en bonne santé et me recherchait. L'hôpital Jeanne-de-Flandre nous a séparées, à vie, ma mère et moi".
La petite fille, abandonnée puis adoptée, a désormais retrouvé la joie. Elle voit régulièrement sa famille, mais la colère et la douleur sont encore très présentes. "C'est une sorte d'idéologie du secret. Pourquoi je fais ce combat ? Ce n'est pas pour moi qui ait déjà retrouvé ma famille biologique et à qui ce procès n'apportera pas grand chose. Ce que je veux, c'est que les hôpitaux comprennent que les nés sous X peuvent leur intenter des procès s'ils ne sortent pas ces dossiers de leurs archives. (...) Je ne suis pas la seule, je représente des milliers de personnes".
Aujourd'hui, la plainte (pour faux en écriture publique par une personne chargée de mission de service public) vise celui qui a prétendu que ce dossier avait disparu, le directeur de la maternité Jeanne-de-Flandre.
Le CHU, que nous avons contacté, assure que "l'ensemble des dossiers et des pièces disponibles seront tenues à la disposition de la justice dès lors que celle-ci en fera la demande. Le CHU précise par ailleurs qu'il n’a jamais eu pour pratique de cacher quelque information que ce soit auxquelles la réglementation prévoit de donner accès".
Le combat de Maria-Pia sera encore long. Elle le raconte dans plusieurs livres. Dans son dernier, "Les fantines, l'accouchement sous X, une violence faite aux femmes", elle réunit 8 témoignages de femmes qui ont traversé la même épreuve.
Les accouchements sous X, contredisent-ils la Convention internationale des droits de l'enfant qui a 30 ans ?
C'est la conviction des associations qui luttent aujourd'hui contre l'accouchement sous X. Au-delà de son combat personnel, Maria-Pia Briffaut est la Présidente de l'association pour le droit aux origines des nés sous X (ADONX).Pour elle, la France bafoue le droit des enfants. "La France ne respecte pas le droit des enfants à connaître leurs origines, bien qu'elle ait ratifié la Convention des droits de l'enfant (...) Moi, je pense que la France est vraiment un pays à part en Europe et qu'elle s'assied sur le droit des enfants".
La Convention internationale des droits de l'enfant fête ses 30 ans ce mercredi 20 novembre. En 2016, l'ONU a déjà envoyé une demande à la France pour qu'elle mette fin aux accouchements sous X. Maria-Pia Briffaut prévoit de porter plainte auprès du Comité des Droits de l'enfant de l'ONU pour faire entendre ses revendications.