Difficile donc, pour l'instant, de procéder à des conclusions hâtives sur les causes de ces tirs de calibre 7.65 un dimanche soir devant une station de métro lilloise. En revanche, ce passage à l'acte inquiète les autorités judiciaires nordistes, qui ne souhaiteraient pas voir ce genre d'affaire, comme on en connaît malheureusement régulièrement du côté de Marseille, se reproduire trop souvent dans la région."D'une manière générale, on a la gâchette moins facile dans le Nord que dans le Sud, mais les armes sont là", indique le patron de la PJ de Lille Romuald Muller. "Il n'y a quasiment plus d'affaires de stupéfiants sans arme et ce qu'on constate, c'est une utilisation de ces armes plus fréquente. On est plus dans l'acte d'intimidation pour l'instant, même si hier soir (à Lille-Moulins, ndlr), il y avait probablement une intention de tuer. Et c'est inquiétant".
Deux balles dans la tête
Ce type de fusillade est jusqu'à présent rare dans la région, bien plus rare en tous cas que dans les Bouches-du-Rhône. Mais il y a des affaires récentes qui inquiètent. En octobre 2015, un gros dealer lillois était tué de deux balles dans la tête à Bruxelles. En septembre dernier, c'est un homme originaire de Louvroil qui "naviguait dans ce milieu", qui était également abattu à Mons en Belgique. Au mois de mai, c'est sous les balles de policiers qu'un "voyou", venu de Creil dans l'Oise pour régler un compte avec un dealer de Lille-Fives, tombait. Dans sa voiture, se trouvait une arme de calibre 22 long-rifle et plusieurs kilos de cannabis.S'il y a bien une "montée inquiétante de l'utilisation des armes à feu" dans le Nord, elle reste encore marginale. C'est peut-être dû à l'organisation même des trafics dans le secteur. "La problématique des stupéfiants est beaucoup plus complexe ici qu'à Marseille. Ici, on a plusieurs types de trafics qui s'entremêlent", explique Romuald Muller.
"Pas de venues extérieures"
Le Nord Pas-de-Calais est notamment une zone de stockage de grandes quanitités de drogues venues des Pays-Bas, destinées à être redistribuées dans d'autres régions de France. Il y a également la "cannabi-culture" (culture indoor), et ensuite le deal de rue. "Toute cette diversification rend beaucoup plus dense le trafic de stupéfiants, qui est en plus 'poly-produits' avec du cannabis, de la cocaïne et de l'héroïne. Chacun développe son propre business et y trouve son compte. La richesse de l'offre et la diversité du trafic font que les gens se marchent un peu moins dessus", poursuit le chef de la PJ de Lille.La problématique est beaucoup moins territoriale qu'en PACA, où une vingtaine de personnes ont été tuées dans des règlements de comptes depuis le début de l'année. "On n'a pas encore dans la région de règlement de compte à proprement parler, mais on commence à en voir autour. Et puis il y a cette affaire d'hier soir..." à Moulins, constate M. Muller.
Un commandant de police roubaisien dit de son côté que "les mentalités sont peut-être également en train de changer" dans la région. "On a eu il y a deux ans des gens qui s'étaient tirés dessus dans le quartier de l'Epeule". Selon lui à Roubaix, "les dealers sont implantés depuis très longtemps et il n'y a pas de venues extérieures. On constate une multitude de points, une espèce de fragmentation de points de deal, avec des petites structures". En d'autres termes, chacun fait sa petite affaire dans son coin sans déranger le voisin, et tout cela ne fait pas trop de bruit. "Alors que dans le Sud, il y a peut être des spots plus importants et plus concentrés, avec de intérêts financiers plus conséquents à défendre". Armes à la main.