Un prêtre pas comme les autres. Dans son Douaisis originel, l'abbé Sébastien Fabre multiplie les casquettes : curé, président d'une association d'aide aux jeunes, propriétaire d'une baraque à frites... Un joyeux excentrique à la vie rock'n'roll et à l'âme solidaire, qui prône une religion ouverte et tournée vers l'amour de l'autre.
Vêtu d'un jean slim noir et d'un sac banane d'une marque de sport très connue, Sébastien Fabre emballe soigneusement une barquette de frites, derrière le comptoir de sa "baraque". Sous sa toque de cuisinier et sa barbe grisonnante, le cuisinier adopte les gestes de tout gérant de friterie made in ch'timi qui se respecte. On plonge les frites dans la graisse, on les sort, on sale, on emballe, c'est prêt !
Devant la camionnette rouge, une file de fins gourmets affamés, principalement composés d'habitants de Roost-Warendin (Nord), attendent leur commande. La plupart sont des habitués de la "friterie du Père Seb".
Car derrière son tablier bleu marine, Sébastien arbore ostensiblement un col romain, élément qui compose traditionnellement la tenue portée par les prêtres catholiques et protestants. Entré au séminaire en 2001, Sébastien Fabre, quadragénaire, plus communément appelé abbé Sébastien, officie toujours dans le Douaisis, même si ses activités associatives occupent une grande partie de son temps.
Avec désinvolture, le curé aime dire qu'il aurait "pu faire un très bon commercial".
J’ai senti l'appel de la foi très jeune. J'en suis parti et puis j'y suis revenu avec l'objectif d'être un prêtre proche des gens.
Sébastien Fabre, abbé du Douaisis
Faire évoluer l'Église
"Être proche des gens". Vingt ans plus tard, Sébastien Fabre peut se targuer d'avoir atteint cet objectif. Curé peu banal avec ses grosses bagues de métal aux doigts, en opposition avec l'idée d'une religion chrétienne austère et repliée sur elle-même, le Nordiste espère dépoussiérer l'image qui colle aux baskets de l'Église depuis toujours. Il rappelle : "Aujourd'hui, l’Église est différente de ce que nos anciens ont connu. Mais pour le faire savoir, il faut que l'on s’adapte, que l'on aille vers les gens et non pas l’inverse."
L'abbé Sébastien Fabre prône une philosophie religieuse basée sur l'acceptation et l'ouverture aux autres, qui sont, selon lui, les vrais fondements de sa religion.
On a besoin d'une Église qui vit avec la pratique de Jésus sans avoir de jugement. D'accueillir tout le monde, croyant ou non croyant, les juifs, les musulmans... Tout le monde est le bienvenu. L’église ce n’est pas juste un bâtiment, nous les prêtres, nous sommes les pierres vivantes de cette communauté.
Sébastien Fabre
C'est pourquoi Sébastien s'est donné pour mission d'aller à la rencontre des autres, en particulier celle des jeunes et des personnes les plus précaires. Et pour cela, l'homme de foi s'est lancé dans deux projets, qui allaient vite devenir les plus importants de ses années passées dans l'Église : la création de l'association baptisée "Deuxième Vie" en novembre 2012 et, plus tard, de l'ouverture de la friterie "Chez Seb".
Donner de la place à l'amour de l'autre
Avec son association, ce prêtre rock'n'roll accompagne une quarantaine de personnes en rupture avec l'emploi, la scolarité, la société. Ils y sont accueillis, sans distinction de religion. L'association leur propose des petits boulots : des travaux, du lavage de voiture, de la confection de colis... Même s'il s'agit de bénévolat, l'argent gagné permet aux jeunes de financer leur permis de conduire.
"On redonne une chance aux gens, dans la vie personnelle et professionnelle. Les jeunes ont essentiellement entre 18 et 30 ans, mais on compte aussi beaucoup de familles avec des besoins alimentaires", fait savoir Sébastien Fabre.
Trouver du travail, des solutions pour aider, s'entraider et surtout pour aimer. Le prêtre de 44 ans, qui continue de célébrer des mariages, des baptêmes et des enterrements, insiste beaucoup sur ce mot.
On ne parle pas assez d’amour, seulement du fric, surtout en ce moment. Au quotidien je vois ceux qui sont rejetés, qu’on ne veut pas voir. Je suis révolté, je me soigne en aidant les autres, en faisant.
Sébastien Fabre
Des projets pour se rencontrer
Grâce à Deuxième Vie, l'abbé Sébastien a pu faire l'acquisition de sa fameuse friterie. Ce lieu lui permet d'employer un peu plus de jeunes tentant de retourner à l'emploi, mais également de créer un espace convivial, de rencontrer ses voisins, les habitants du coin et d'autres personnes, que la vie n'aurait pas placé sur son chemin autrement.
"On voit tout type de personnes. C’est un premier contact, je rencontre des gens que je ne vois pas dans mon Église. Je ne parle pas forcément de religion avec eux, mais 9 fois sur 10 ce sont les gens qui en parlent d'eux-mêmes", livre l'abbé, dont l'esprit fourmille d'idées. La prochaine en date : créer un centre d'hébergement à Roost-Warendin pour créer un accueil de jour, puis ouvrir neuf places en hébergement de nuit.
La maison a été achetée en septembre dernier. Ce mois-ci, les premiers travaux ont eu lieu. "Ce sera le gros projet de 2025", achève fièrement le prêtre rockeur, en enfournant une nouvelle tournée de frites dans sa camionnette rouge vif.