Suite à plusieurs réunions, la direction de l'Université Polytechnique des Hauts-de-France (UPHF) annonce son souhait de supprimer le master "métiers du sport" dès la rentrée prochaine. 80 étudiants en troisième année de licence se retrouvent au pied du mur. Une pétition a été lancée.
La nouvelle a surpris tout le monde. À l’Université Polytechnique des Hauts-de-France, les étudiants en STAPS et leurs professeurs sont abasourdis. Vendredi 26 mars, les conclusions d’un groupe de travail intitulé « devenir des masters MEEF au sein de l’UPHF ? » - comprendre Métiers de l'Enseignement, de l'Education et de la Formation - sont rendues publiques : l’UPHF propose de supprimer le master préparant au concours pour devenir professeur d’EPS, dès la rentrée prochaine, et ce à cinq jours à peine de l’ouverture des candidatures.
Après l’émoi, les étudiants ont décidé de se mobiliser pour faire entendre leur détresse, via une pétition publiée sur internet qui dénonce une décision qui "ne semble se baser que sur des critères économiques et ne prend absolument pas en compte l’avenir des étudiants". Lancée sur le site change.org il y a trois jours, elle a été signée par plus de 2 000 internautes.
Parallèlement, les professeurs s’organisent et réfléchissent à des actions à mener mais également des solutions à apporter pour tenter de sauver la filière.
Pourquoi supprimer ce master à Valenciennes ?
La décision de la direction de supprimer le master repose sur deux éléments : des préoccupations purement économiques mêlées à un millefeuille administratif. Pour comprendre, il faut prendre un peu de hauteur. Après une réorganisation en janvier 2020 de l’UPHF en pôles, la filière STAPS jusque là indépendante a été regroupée au sein des sciences appliqués. Un pôle qui gère ses propres ressources en répartissant les volumes d’heures et le personnel selon les cursus. Parmi ces formations, celles destinées aux métiers de l’enseignement dépendent de l’université de Lille.
"L’État reconnaît à l’UPHF toute liberté pour se désengager totalement ou partiellement des formations de master MEEF et cela a été clairement exprimé lors de cette réunion".
Dans les conclusions du groupe de travail, on peut lire que suite à une réunion avec la rectrice de l’Académie, "il a été observé que l’UPHF ne perçoit aucune dotation pour (ces) formations". Comprendre ainsi que l’Université de Valenciennes ne reçoit aucun financement pour les formations aux métiers de l’enseignement, contrairement à d’autres structures. De ce fait, la direction de l’université affirme que "l’État reconnaît à l’UPHF toute liberté pour se désengager totalement ou partiellement des formations de master MEEF et cela a été clairement exprimé lors de cette réunion".
Conclusion : puisque l’université de Valenciennes ne reçoit pas d’argent à proprement dit pour les formations aux métiers de l’enseignement, ce n’est plus à elle de s’en occuper.
Quelles conséquences pour les étudiants ?
Les étudiants ayant choisi ce cursus s’orientent pour la grande majorité vers le métier de professeur d’EPS, grâce à une préparation permettant de passer le concours du CAPES. C’est notamment le cas de Simon Vandewattyne, en troisième année de licence. "Lorsque je me suis inscrit sur Parcoursup, c’était mon seul et unique objectif", raconte-t-il : suivre dans un premier lieu la licence, puis poursuivre en master à Valenciennes. "L’université est à 20 minutes de chez moi, donc je pouvais continuer à faire du Basket en club à Cambrai. Et puis j’habite chez mes parents, donc je ne paie pas de loyer".
"Pour moi le plus court serait Lille, à une heure de chez moi. Ça serait très compliqué parce que je n’ai pas de job étudiant pour me payer un loyer et j’ai ma voiture à rembourser"
Si la direction entérine la suppression définitive du dit master, Simon et ses 80 camarades de troisième année devront se retourner vers l’un des quatre autres pôles de la région proposant ce cursus : Lille, Calais, Liévin ou Amiens. "Pour moi le plus court serait Lille, à une heure de chez moi, calcule Simon. Ça serait très compliqué parce que je n’ai pas de job étudiant pour me payer un loyer et j’ai ma voiture à rembourser".
Et l’étudiant n’est pas un cas isolé, comme nous l’explique un professeur de la filière souhaitant rester anonyme. "On est dans un bassin plutôt défavorisé, la plupart sont des étudiants salariés qui ont des petits boulots pour suivre leurs études. Deux tiers d’entre eux n’ont pas les moyens d’aller étudier ailleurs et vont devoir abandonner le cursus". Un désastre, lorsqu’on sait que la direction du pôle des sciences appliquées créé en janvier 2020 présentait cette nouvelle organisation comme "la volonté d’être un ascenseur social", rapporte le professeur.
"On est dans un bassin plutôt défavorisé, la plupart sont des étudiants salariés qui ont des petits boulots pour suivre leurs études. Deux tiers d’entre eux n’ont pas les moyens d’aller étudier ailleurs et vont devoir abandonner le cursus".
Pour la petite poignée d’entre eux pouvant trouver les moyens de quitter Valenciennes s’ajoute enfin une dernière difficulté : trouver des places disponibles ailleurs alors que les inscriptions ont déjà débuté sur plusieurs campus et que les filières STAPS sont saturées. "Il y a des quotas de plus en plus restreints pour intégrer les masters, comme à Lille, alors que les filières STAPS sont saturées", résume le professeur interrogé. "On a donc 80 étudiants qui n’ont potentiellement pas de master l’année prochaine".
Contactée, la direction de l’Université Polytechnique des Hauts-de-France maintient le projet de fermeture du master MEEF EPS dès la rentrée 2021, suite à une "analyse profonde de la situation, tant économique que pédagogique, avec comme souci premier le devenir des étudiants".
Mobilisation des politiques
Forte de ses quelque 2 500 signatures, la pétition lancée pour le maintien du master à l’UNHF est devenue virale sur les réseaux sociaux, à tel point que des élus du valenciennois ont décidé de dénoncer cette décision.
À l’image de ce message, posté sur la page Facebook du maire communiste d’Aulnoye-Aymeries Bernard Baudoux.
"Nous avons de jeunes joueuses et joueurs dans nos clubs sportifs qui couplent leur vie en club avec des études en STAPS, écrit-il. Comment leur expliquer qu’à partir de l’année prochaine, ils devront tous monter sur Lille pour poursuivre leurs études, qui plus est, alors que le nombre de places à Lille en Master n’est pas garanti ?"
Le député du Nord et secrétaire national du Parti communiste Fabien Roussel a même décidé de saisir le Président de l’université de Valenciennes.
Son objectif : amplifier les inquiétudes des étudiants, alors que l'annonce de la suppression de ce master "intervient dans le contexte très particulier de crise sanitaire qui touche tout particulièrement notre jeunesse", rappelle le député.