Si rien n'est fait, c'est ce que prévoit le nouveau rapport spécial du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), sur les océans et la cryosphère - banquise, glaciers, calottes polaires et sols gelés en permanence -, qui sera officiellement dévoilé le 25 septembre à Monaco.
Des inondations annuelles à partir de 2050
Ce document riche de 900 pages est le quatrième rapport spécial de l'ONU publié en moins d'un an. Les précédents, tout aussi alarmants, portaient sur l'objectif de limitation à 1,5 °C du réchauffement climatique, sur la biodiversité et sur la gestion des terres et du système alimentaire mondial.
L'ensemble des glaces à la surface du globe terrestre disparaît peu à peu. L'Arctique se réchauffe deux fois plus rapidement que le reste de la planète et la calotte glaciaire du Groenland recule particulièrement. Ce processus s'accélère par lui-même @afpgraphics #AFP #GIEC pic.twitter.com/bh97Hk3JvD
— Agence France-Presse (@afpfr) August 29, 2019
Selon ce quatrième opus, qui compile les données scientifiques existantes et est considéré comme une référence, la hausse du niveau des océans pourrait, à terme, déplacer 280 millions de personnes dans le monde. Et ce dans l'hypothèse optimiste où le réchauffement climatique serait limité à 2°C, par rapport à l'ère pré-industrielle (avant 1850).
Les hausses des niveaux de la mer au XXIIe siècle "pourraient dépasser plusieurs centimètres par an", soit environ 100 fois plus qu'aujourd'hui.
Avec l'augmentation prévisible de la fréquence des cyclones, chaque année à partir de 2050, de nombreuses mégapoles proches des côtes, mais aussi de petites nations insulaires, seraient frappées d'inondation, même dans les scénarios optimistes. Les dommages causés par les inondations pourraient être multipliés par 100, voire jusqu'à 1000 d'ici 2100.
La fonte des glaciers provoquée par le réchauffement climatique va donner trop d'eau douce, puis trop peu, à des milliards de personnes qui en dépendent. Des phénomènes, déjà en cours, pourraient aussi mener à une diminution continue des réserves de poissons, dont dépendent de nombreuses populations pour se nourrir.
Futur rapport du GIEC :
— tourgueni (@tourgueni) August 30, 2019
1. La hausse du niveau des océans pourrait faire 280 millions de déplacés dans le scénario optimiste de +2°
2. Hausse de 40cm du niveau des océans attendue d'ici 2100
3. Inondations potentielles des mégalopoles toutes les ans (cyclones) pic.twitter.com/jaqBErrU3h
"Quand vous observez l'instabilité politique déclenchée par des migrations de faible ampleur, je tremble en pensant à un monde où des dizaines de millions de personnes devraient quitter leurs terres, avalées par l'océan", s'inquiète Ben Strauss, président-directeur de Climate Central, un institut de recherches basé aux Etats-Unis.
Dans les Hauts-de-France, environ 450 000 réfugiés climatiques
En France, la Nouvelle-Aquitaine et les Hauts-de-France vont être les 2 régions les plus touchées. La zone de polders en Flandre maritime, c'est-à-dire entre Saint-Omer, Calais et Dunkerque, est particulièrement vulnérable. La Voix du Nord estime que 450 000 habitants pourraient être concernés.
Selon l'observatoire du climat en Hauts-de-France, une tendance progressive à l'accélération est observée. À Dunkerque, "les relevés indiquent une hausse du niveau de la mer de 9,5 cm entre 1956 et 2016. La vitesse moyenne d'élévation se situe à 1,6 cm par décennie sur la période."

À Dunkerque, les relevés indiquent une hausse du niveau de la mer de 9,5 cm entre 1956 et 2016. La vitesse moyenne d'élévation se situe à 1,6 cm/décennie sur la période.
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© Capture d'écran observatoire climat
À Boulogne-sur-Mer, la hausse du niveau de la mer est respectivement de 2,5 cm entre 1973 et 2016. À Calais, elle est de 4,3 cm entre 1941 et 2016, avec une vitesse moyenne d'élévation de 0,6 cm par décennie sur les deux périodes concernées.
À Dieppe, une hausse plus importante du niveau de la mer de 27,5 cm est relevée entre 1954 et 2016. La vitesse moyenne d'élévation se situe quant à elle à 4,4 cm par décennie sur la période.
En cause : les températures qui augmentent à vive allure. Selon les prévisions de Météo France, si aucune politique pour le climat n'est engagée, "le réchauffement pourrait dépasser 3°C dans le Nord Pas-de-Calais, à l'horizon 2071-2100 par rapport à 1976-2005".

L'évolution des températures à Lille entre 1959 et 2017
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© Capture d'écran Météo France
Sur la période 1959-2009, en Nord Pas-de-Calais, la tendance observée sur les températures moyennes annuelles se situe entre +0,3°C et +0,4°C par décennie, affirme Météo France. Les 3 années les plus chaudes depuis 1959 dans le Nord Pas-de-Calais sont 2011, 2014 et... 2017. Toutes ont donc été observées au XXIe siècle.

L'évolution des températures à Cambrai entre 1959 et 2017
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© Météo France

L'évolution des températures à Boulogne-sur-Mer entre 1959 et 2017.
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© Météo France
"Une course en avant"
Si l'augmentation des températures est de 2°C en 2100, ce sera le début d'une "course en avant" dans la montée des mers, avertit Ben Strauss. La publication de ce rapport arrivera après la tenue à New York le 23 septembre d'un sommet mondial pour le climat convoqué par le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres.
Il veut obtenir des engagements plus forts des pays pour réduire leurs émissions de CO2 alors qu'au rythme actuel, elles conduiraient à un réchauffement climatique de 2 à 3°C d'ici la fin du siècle.
Les experts craignent que la Chine, les États-Unis, l'Union européenne et l'Inde - les 4 principaux émetteurs de gaz à effet de serre-, arrivent avec des promesses qui ne soient pas à la hauteur des enjeux.
Ainsi, outre Atlantique, fait observer Michael Mann, directeur du Earth System Science Center à l'Université de Pennsylvanie, "les techno-optimistes pensent toujours qu'on peut trouver des moyens de résoudre ce problème", alors même que "les États-Unis ne sont pas prêts à affronter une augmentation d'un mètre du niveau de la mer d'ici 2100" pour certaines de leurs villes, comme New York et Miami.
Des engagements plus forts de la part des 4 principales émettrices
Des 4 grandes régions économiques représentant près de 60% des émissions issues des combustibles fossiles, aucune ne semble prête à annoncer des objectifs plus ambitieux pour réduire les émissions de leurs économies.
Donald Trump met à bas la politique climatique de son prédécesseur Barack Obama et souhaite que les États-Unis quittent l'Accord de Paris de 2015. Un accord qui vise à maintenir l'augmentation moyenne de température bien en dessous de 2°C par rapport aux niveaux pré-industriels, et autant que possible à 1,5°C.
L'Inde est de son côté en train de développer rapidement l'énergie solaire mais continue d'accroître ses capacités charbonnières. L'Union européenne tend vers un "objectif de neutralité" carbone à atteindre pour 2050 mais plusieurs États membres rechignent à s'engager.
La Chine, qui émet presque autant de CO2 que les États-Unis, l'Union européenne et l'Inde combinés, envoie des signaux contradictoires.
"L'attention de Pékin s'éloigne progressivement des enjeux environnementaux et du changement climatique", déclare Li Shuo, analyste de Greenpeace International. Il l'explique par l'inquiétude suscitée par le ralentissement de l'économie chinoise et la guerre commerciale avec les États-Unis.
Shanghai, Ningbo, Taizhou et une demi-douzaine de grandes villes côtières chinoises sont très vulnérables à la future élévation du niveau de la mer, qui devrait monter d'un mètre par rapport au niveau global de la fin du XXe siècle, en cas de maintien des émissions de CO2.